Droit à l’image et TVA due par l’agence de mannequins

CAA de PARIS

N° 16PA01855

Inédit au recueil Lebon

2ème chambre

Mme BROTONS, président

Mme Julia JIMENEZ, rapporteur

M. CHEYLAN , rapporteur public

GARNIER, avocat(s)

lecture du mercredi 22 février 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Premium Models a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l’année 2011, ensemble les intérêts de retard y afférents.

Par un jugement n° 1507232/1-1 du 6 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin 2016 et 13 décembre 2016, la société Premium Models, représentée par Me A...B..., demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 6 avril 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de la somme de 16 123 euros correspondant au supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l’année 2011, ensemble les intérêts de retard y afférents ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les redevances versées aux mannequins de l’agence à raison de l’exploitation de leur droit à l’image, qui n’ont pas le caractère de salaires et sont totalement indépendantes de la rémunération salariée qu’ils perçoivent par ailleurs, sont déductibles de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des consommations en provenance de tiers.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2016, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé n’est pas fondé.

Par ordonnance du 15 décembre 2016, la clôture d’instruction a été fixée au

16 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

 le code du travail,

 le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 le rapport de Mme Jimenez,

 et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que la société Premium Models, alors dénommée société Ford Models Europe et exploitant une agence de mannequins, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au cours de laquelle elle a souscrit, dans le cadre des dispositions de l’article L. 62 du livre des procédures fiscales, une déclaration complémentaire de régularisation afférente à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due au titre des années 2010 et 2011 ; que la société a toutefois ultérieurement contesté, par réclamation introduite le 19 décembre 2014, les rappels de cotisation objet de la régularisation précitée, lesquels se sont traduit par des droits supplémentaires, assortis d’intérêts de retard, mis à la charge de l’intéressée au titre de la seule année 2011, pour un montant total de 11 114 euros ; qu’elle relève appel du jugement n° 1507232/1-1 du 6 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1586 ter du code général des impôts : “ I. Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. II. 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l’entreprise, telle que définie à l’article 1586 sexies “ ; qu’aux termes de l’article 1586 sexies du même code : “ I. Pour la généralité des entreprises (...) : (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : a) D’une part, le chiffre d’affaires (...) b) Et, d’autre part : (...) - les services extérieurs (...) “ ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises litigieux procèdent de la remise en cause du calcul de la valeur ajoutée initialement opéré par la société requérante, en ce qu’il incluait, au titre des “ services extérieurs “ admis en déduction du chiffre d’affaires en vertu des dispositions précitées, les redevances versées aux mannequins de l’agence à raison de l’exploitation de leur droit à

l’image ;

4. Considérant que la société Premium Models soutient que les redevances versées aux mannequins de l’agence à raison de l’exploitation de leur droit à l’image n’ayant pas le caractère de salaires, elles sont déductibles de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des consommations en provenance de tiers ; qu’il est constant que les mannequins, qui exercent leur activité dans les conditions prévues à l’article L. 7123-3 du code du travail, perçoivent, d’une part, des rémunérations salariées, versées par l’agence à laquelle ils sont liés par un contrat de travail et soumises à ce titre à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, et, d’autre part, en application de l’article L. 7123-6 du même code, des redevances qui leur sont versées pour la reproduction de leur image, imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l’article 92 du code général des impôts ; que ces redevances, perçues passivement par les mannequins en conséquence des missions qui leur sont confiées par l’agence à l’égard de laquelle ils se trouvent en situation de subordination, constituent dès lors un accessoire indissociable de leur rémunération salariée ; que les redevances en cause ne pouvant être assimilées à des

” consommations de biens et services en provenance de tiers “, elles ne sauraient être prises en compte en déduction du montant du chiffre d’affaires réalisé pour le calcul de la valeur ajoutée produite par la société Premium Models ; que la société requérante n’est, en conséquence, pas fondée à demander la décharge du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l’année 2011, ensemble les intérêts de retard y afférents ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête d’appel de la société Premium Models doit être rejetée, y compris en ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Premium Models est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Premium Models et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d’Ile-de-France.

Délibéré après l’audience du 1er février 2017, où siégeaient :

 Mme Brotons, président de chambre,

 Mme Appèche, président assesseur,

 Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 février 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL’AVA

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.