Gardiennage

Le : 28/06/2017

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 20 juin 2017

N° de pourvoi : 16-83785

ECLI:FR:CCASS:2017:CR01359

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" La société Univerdis,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 2016, qui, pour travail dissimulé, l’a condamnée à 45 000 euros d’amende ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CUNY ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 509, 515 et 593 du code de procédure pénale, L. 8221-1, L. 8234-1, L. 8243-1 du code du travail et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
” en ce que la cour d’appel de Pau a infirmé le jugement de relaxe, déclaré M. X...coupable de marchandage et travail dissimulé et déclaré la SAS Univerdis coupable de travail dissimulé dans les termes de la prévention, « le tout par application du titre XI de la Loi du 4 janvier 1993, les articles 132-29 et suivants, 131-3, 121-2, 131-38, 131-39 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 8°, 9°, 12°, 222-33-2, 222-44, 222-50-1 du code pénal, les articles L. 1152-1, L. 8224-5, L. 8224-1, L. 8221-1, alinéa 1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8243-1, alinéa 1, L. 8241-1, L. 8234-1, alinéa 6, alinéa 8, L. 8231-1 du code du travail, l’article 6- QUINQUIES de la Loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;
” aux motifs que sur les faits de travail dissimulé reprochés à la SAS Univerdis, faits commis, selon les termes de la prévention, du 13 février 2006 au 31 mars 2008 et concernant treize salariés nommément désignés dont M. Michel Y... ; que la culpabilité de la personne morale est la conséquence de la commission des infractions de marchandage et de prêt illicite de main d’oeuvre, en sa faveur, par la société ABS ;
” 1°) alors que la citation, lancée en appel par Mme la procureur générale de la cour d’appel de PAU, de la société Univerdis d’avoir à comparaître dans l’instance tendant à l’infirmation de la relaxe prononcée en première instance ne visait que les articles L. 8224-5, L. 8224-1 du code du travail relatifs au délit de travail dissimulé et qu’en visant indistinctement au soutien de sa décision d’autres textes et notamment les articles L. 8243-1, L. 8234-1 relatifs aux délits de marchandage et de prêt illicite de main-d’oeuvre, non reprochés au prévenu, et correspondant à des éléments constitutifs distincts, la cour d’appel laisse incertain le fondement légal de la condamnation prononcée, l’accusé n’ayant pas été mis en mesure de déterminer s’il se voyait opposer des actes étrangers à la prévention mentionnée en appel ;
” 2°) alors que, précisément, la cour d’appel, faisant un amalgame entre les différentes infractions reprochées aux différents prévenus, justifie la condamnation de la demanderesse par la seule considération que sa culpabilité serait « la conséquence de la commission des infractions de marchandage et de prêt illicite de main-d’oeuvre » imputées par ailleurs au dirigeant d’une autre entreprise, ce qui statue manifestement au-delà des termes de la prévention notifiée en appel ;
” 3°) alors que la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 8221-1 du code du travail, en ce qu’il imposerait nécessairement, par voie de conséquence, la condamnation pour travail dissimulé de l’entreprise utilisatrice de travailleurs ayant fait l’objet de la part de leur employeur de prêts de mains d’oeuvres illicites ou de marchandage, privera de tout fondement juridique la répression décidée par la cour d’appel de Pau “ ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8234-1 du code du travail, L. 121-1 du code pénal, 464 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Univerdis coupable du délit de travail dissimulé et l’a condamnée à une peine de 45 000 euros ;
” aux motifs que sur les faits de travail dissimulé reprochés à la SAS Univerdis, faits commis, selon les termes de la prévention, du 13 février 2006 au 31 mars 2008 et concernant treize salariés nommément désignés dont M. Michel Y... ; que la culpabilité de la personne morale est la conséquence de la commission des infractions de marchandage et de prêt illicite de main d’oeuvre, en sa faveur, par la société ABS ; que la relaxe est partiellement confirmée s’agissant des seuls faits concernant M. Michel Y..., qui avait été régulièrement déclaré et pour lequel des charges sociales avaient, tout aussi régulièrement, été acquittées par la SAS Univerdis ; que la cour condamne la SAS Univerdis à la peine d’amende de 45 000 euros ;
” 1°) alors que le prêt de main-d’oeuvre, même illicite, laisse subsister la relation de travail officielle entre l’entreprise prêteuse et ses salariés en vertu de laquelle sont, sauf preuve contraire, émises les déclarations prévues par les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail et que l’existence de cette relation officialisée entre la société ABS, titulaire des contrats de travail, et ses employés rendait sans objet et faisait même obstacle à l’émission de déclarations identiques de la part de l’exposante, laquelle ne saurait, dès lors, se voir reprocher une « dissimulation » quelconque par omission des formalités prévues par les articles susvisés ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé ces textes par fausse application ;
” 2°) alors que si un juge use d’un pouvoir de requalifier un contrat de prestation de services en un contrat de travail au profit des salariés concernés, il lui incombe, avant d’entrer en condamnation à l’encontre de l’entreprise utilisatrice, de caractériser l’élément intentionnel du délit consistant, selon l’article L. 8221-1, à avoir « sciemment » utilisé des personnes exerçant un travail dissimulé et, selon l’article L. 8221-5, de s’être « intentionnellement » soustraite à l’accomplissement des formalités concernant l’embauche et les bulletins de paie ; qu’en décidant que seule la requalification des opérations litigieuses à l’encontre de la société prestataire rendait inutile la recherche de l’élément intentionnel de l’infraction distincte reprochée à la société Univerdis parce que cette infraction serait nécessairement acquise « par conséquence » des condamnations de la société ABS, la cour d’appel a violé les textes susvisés et privé la demanderesse de ses moyens de défense essentiels ;
” 3°) alors qu’une intention frauduleuse délictuelle doit être acquise au moment où ont été accomplis les faits litigieux et que l’utilisation de personnes susceptibles d’effectuer un travail dissimulé au sens de l’article L. 8221-3° du code du travail ne peut donc être tenue pour répréhensible que si l’entreprise utilisatrice avait une connaissance effective de l’irrégularité de la situation juridique dans laquelle se trouvaient les salariés de la société ABS ; que tel n’est pas le cas, pour une entreprise non poursuivie au titre d’une éventuelle complicité avec la société prestataire, de l’irrégularité imputée à cette dernière au terme d’une requalification judiciaire, prononcée au cours de l’année 2016, pour des opérations accomplies entre le 13 février 2006 et le 31 mars 2008, par un arrêt, de surcroît, infirmatif ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans caractériser comme il le lui était demandé, l’élément intentionnel du délit consistant à avoir eu sciemment recours à des personnes exerçant, aux époques considérées, une activité dissimulée, la cour d’appel de Pau a privé sa décision de base légale au regard tant des textes susvisés que de la notion de délai raisonnable applicable à tout débat judiciaire “ ;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-5 du code du travail ainsi que des articles L. 1221-1, L. 1221-10, L. 2121-16 et L. 3243-3 du même code, 1134 du code civil, 509 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Univerdis coupable de travail dissimulé et l’a condamnée à une amende de 45 000 euros ;
” aux motifs que sur les faits de travail dissimulé reprochés à la SAS Univerdis, faits commis, selon les termes de la prévention, du 13 février 2006 au 31 mars 2008 et concernant treize salariés nommément désignés dont M. Michel Y... ; que la culpabilité de la personne morale est la conséquence de la commission des infractions de marchandage et de prêt illicite de main d’oeuvre, en sa faveur, par la société ABS ;
” 1°) alors que la société Univerdis faisait valoir que l’inspection du travail, n’ayant pu ni procéder à une « requalification » des contrats, ni alléguer une quelconque « complicité », n’était nullement fondée à prétendre que le délit de travail dissimulé « découlerait » irrésistiblement des conventions entre les deux entreprises ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef de conclusions, la cour d’appel de Pau n’a pas légalement justifié la condamnation intervenue ;
” 2°) alors qu’en s’abstenant de se prononcer sur la réalité ou la fictivité des contrats passés entre la société Univerdis et la société ABS et de s’expliquer sur les déclarations par celle-ci de son personnel aux organismes sociaux ainsi que sur la remise incontestée de bulletins de paie réguliers, la cour d’appel qui se borne à faire état des agissements d’un tiers, M. Jacques X..., pour justifier à l’encontre de la demanderesse l’incrimination de travaux dissimulés, ne caractérise aucunement l’élément intentionnel du délit d’emploi d’une main d’oeuvre dissimulée et prive sa décision de toute base légale au regard notamment des articles 121-1 et 121-2 du code pénal ;
” 3°) alors qu’une mission de surveillance et de protection impliquant un savoir-faire particulier en matière d’interpellation ou de mobilisation d’un maître-chien ainsi que le recours à un personnel différent de celui du centre commercial pour lutter contre « le vol en interne » constitue une prestation de service dont l’externalisation correspond pour la société Univerdis au même choix que les autres entreprises clientes de la société ABS, et qu’en s’abstenant de répondre aux chefs péremptoires de ses conclusions, la cour d’appel de Pau a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs caractérisée ;
” 4°) alors qu’en affirmant que le prêt de main-d’oeuvre illicite ou le délit de marchandage imputés à M. X... aurait été commis « en faveur » de la société Univerdis, tandis que celle-ci avait démontré au contraire que le recours à une société extérieure de sécurité représentait un coût en personnel plus élevé que celui de ses propres salariés, la cour d’appel a, de nouveau, éludé sans motifs les moyens de défense du prévenu en violation des textes susvisés “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite des investigations de l’inspection du travail sur la situation de salariés, d’une part de la société Univerdis, exploitant un centre Leclerc, d’autre part d’une société ABS, mis à la disposition de la société Univerdis, chargés de la sécurité de ce centre commercial, puis d’une enquête judiciaire, la société Univerdis et le gérant de la société ABS ont été poursuivis, la première, du chef de travail dissimulé et le second, de ceux de marchandage et prêt illicite de main d’oeuvre ; que, le tribunal correctionnel les ayant renvoyés des fins de la poursuite, le ministère public a relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des notes d’audience que l’avocat du prévenu a déposé, à l’audience, dans les conditions prévues par l’article 459 du code de procédure pénale, des conclusions visées par le président et le greffier ;
D’où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que, par arrêt du 7 février 2017, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la société Univerdis à l’occasion du présent pourvoi et formulée dans les mêmes termes qu’au moyen, pris en sa troisième branche ;
D’où il suit que le grief est devenu sans objet ;
Sur le premier moyen, en sa deuxième branche, et sur le deuxième moyen :
Attendu que, pour déclarer la société Univerdis coupable de travail dissimulé, l’arrêt énonce que l’activité de la société ABS, dont des salariés étaient mis à la disposition de la société Univerdis, était étroitement liée à celle-ci, pour au moins trois-quarts de son chiffre d’affaires ; que les juges relèvent qu’il résulte des investigations que les personnels d’ABS étaient placés sous la direction effective du dirigeant d’Univerdis, le gérant d’ABS se limitant à compléter les plannings remis par ce dernier et n’exerçant aucun pouvoir de direction ; qu’ils ajoutent que des salariés de la société ABS ont été licenciés sur instructions de la direction de la société Univerdis ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont elle a déduit, à juste titre, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, que la mise à disposition, par la société ABS à la société Univerdis, d’employés exerçant leur activité au sein du centre commercial exploité par cette dernière, dissimulait, en réalité, une opération de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif prohibée par les articles L. 125-3 ancien du code du travail et L. 8241-1 dudit code, et caractérisait de la part de la société Univerdis le délit de travail dissimulé, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Pau , du 3 mars 2016