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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 8 avril 2009

N° de pourvoi : 07-45200

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2007) que le syndicat CFDT-HTR a fait citer la SAS Jalpak international (France) pour qu’il lui soit fait interdiction sous astreinte de recourir à la sous-traitance pour ses activités d’accueil, de transfert et d’assistance des touristes ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas à lui seul de nature à justifier l’admission du pourvoi ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait encore grief à l’arrêt de lui avoir fait interdiction de recourir au prêt de main d’oeuvre pour assurer ses activités d’accueil, de transfert et d’assistance des touristes, alors, selon le moyen :

1°/ que dans ses conclusions d’appel (page 9 à 18) la société Jalpak contestait point par point le contenu et la portée du procès verbal dressé par les inspecteurs du travail ; qu’avant d’examiner plus avant les conditions dans lesquelles la société Jalpak recourait à la sous-traitance, la cour d’appel a relevé que le contenu du procès-verbal des inspecteurs du travail “n’est démenti par aucun élément ni aucune affirmation contraire de la société Jalpak tant lors de l’enquête que (...) dans ses conclusions” ; qu’en procédant à une telle affirmation, en méconnaissance totale de l’argumentation développée par la société Jalpak, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 4 et 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la qualification de contrat de sous-traitance ou de prêt de main-d’oeuvre ne dépend pas du recours systématique à la prestation litigieuse ; que pour décider que le recours à la sous-traitance par la société Jalpak pour l’activité d’accueil, de transfert et d’assistance des touristes, était constitutif d’un prêt de main d’oeuvre illicite, la cour d’appel a affirmé que ce recours était systématique ; qu’en se prononçant ainsi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 125-3 du code du travail ;

3°/ que pour décider que le recours à la sous-traitance par la société Jalpak était constitutif d’un prêt de main d’oeuvre illicite, la cour d’appel a également constaté que le montant des factures payées par la société Jalpak était plus élevé que les charges et le salaire réellement perçus ; qu’en procédant à une telle déduction, alors qu’il ne saurait être reproché à une société ayant conclu un contrat de sous-traitance en vue d’obtenir une prestation de service d’avoir payé davantage que le simple coût des salariés, qui plus est dans le cadre d’une opération de sous-traitance, la cour d’appel n’a pas davantage donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 125-3 du code du travail ;

4°/ que l’existence d’un lien de subordination suppose que soit caractérisée l’existence d’un triple pouvoir de direction, de contrôle et de sanction exercé par l’employeur à l’encontre de ses salariés ; que partant, la cour d’appel qui s’est bornée à affirmer qu’un lien de subordination était caractérisé entre les agents des sociétés sous-traitantes et la société Jalpak, sans même procéder aux constatations pourtant déterminantes d’une telle qualification, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 121-1 du code du travail, ensemble l’article L. 125-1 du même code ;

5°/ que la cour d’appel ne pouvait valablement affirmer qu’aucun matériel significatif n’était personnellement fourni par les sous-traitants à leurs salariés, alors que précisément, la société Jalpak démontrait l’inverse, en détail, dans ses conclusions d’appel (p.13 et 14), ni ajouter qu’en tout état de cause les missions étaient très précisément définies par la société Jalpak, alors que précisément, dès lors qu’elle constatait qu’aucun contrat commercial n’était conclu avec les sociétés sous-traitantes, la société Jalpak devait nécessairement adresser à ces dernières, et non à leurs salariés, des propositions de missions très précises, pour en déduire l’existence d’une opération de main d’oeuvre illicite ; que partant, en se prononçant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article L. 125-3 du code du travail, ensemble l’article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la société Jalpak exposait sans aucune ambiguïté dans ses conclusions d’appel que de graves difficultés économiques l’avait conduite à se recentrer sur son métier d’agence de voyage et de tourisme, décidant en conséquence de cesser de fournir des prestations annexes qu’elle n’avait plus les moyens de financer, comme les prestations d’accueil des touristes à l’aéroport ou à la gare, leur transfert et leur accompagnement, pour lesquelles elle ferait désormais appel à des sociétés spécialisées ; qu’en affirmant que la société Jalpak “ne fait pas appel aux salariés de ces sociétés pour obtenir la fourniture de prestations particulières qu’il lui serait impossible de confier à ses propres agents”, pour en déduire que le recours à la sous-traitance par la société Jalpak était caractéristique du prêt de main d’oeuvre illicite, alors que la motivation économique de ce choix de l’employeur était amplement exposée dans les conclusions de la société Jalpak, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt, qui a constaté, d’une part, que le montant des prestations facturées à la société Jalpak faisait apparaître un bénéfice financier évident pour les sociétés sous-traitantes, d’autre part, que l’intervention des salariés qui lui étaient “prêtés”, dont elle définissait très précisément la mission, ne révélait aucune spécificité technique par rapport à l’activité de ses propres salariés exerçant la fonction d’agents d’accueil transféristes, a, par ces seuls motifs, caractérisé une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif la fourniture de main d’oeuvre exercée en dehors des règles du travail temporaire, interdite par les dispositions de l’article L. 8241-1 du code du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jalpak international France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Jalpak international France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société JALPAK, exposante,

Aux motifs que « le syndicat est recevable sur le fondement des dispositions de l’article L.411-11 du Code du travail à faire constater que la société JALPAK ne respecte pas la législation sur le marchandage et le prêt de main d’oeuvre, singulièrement protectrice de l’intérêt collectif des salariés, dont ce syndicat a pour mission d’assurer la défense ; qu’en outre il convient d’observer que - contrairement aux affirmations de la société JALPAK dans ses conclusions - les demandes du syndicat ne visent aucun contrat de sous-traitance en particulier, dont l’annulation serait sollicitée ; qu’il importe peu, dès lors, que toutes les parties à ces contrats ne soient pas en cause ; qu’il appartiendra, le cas échéant, à la société JALPAK de tirer, elle-même, toutes conséquences à l’égard de ses cocontractants, dans l’hypothèse où sa pratique serait jugée contraire aux dispositions d’ordre public précitées » ;

Alors qu’aux termes de l’article 14 du Code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu’il en résulte qu’aucune condamnation ne saurait être prononcée à l’encontre d’une personne sans que celle-ci ait été mise à même de se défendre dans le cadre de l’instance ayant abouti à cette condamnation, et qu’un juge ne saurait davantage constater la nullité d’un contrat si l’une des parties à ce contrat n’a pas été appelée à l’instance ; que la demande formée par le syndicat CFDT-HTR avait pour objet de voir déclaré constitutif d’un prêt de main d’oeuvre illicite le contrat de sous-traitance litigieux, et devait donc nécessairement entraîner, en cas d’accueil favorable par les juges, la nullité du contrat de sous-traitance en raison de l’illicéité de son objet ; que partant, la Cour d’appel, qui y était expressément invitée (conclusions d’appel, p.9, §2), aurait dû appeler dans la cause l’ensemble des parties aux contrats de sous-traitance litigieux ; qu’en refusant de faire droit à cette demande, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 14 du Code de procédure civile, ensemble l’article L.125-3 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé qu’il convenait de faire interdiction à la société JALPAK, exposante, de recourir au prêt de main d’oeuvre pour assurer des activités de « accueil, de transfert et d’assistance des touristes »,

Aux motifs que « l’article L.125-3 du Code du travail prohibe toute opération à but lucratif, ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre, qui n’est pas effectuée dans le cadre des dispositions du livre Ier, titre II, chapitre IV du Code du travail relatives au travail temporaire ; que ce texte a pour effet de réserver l’exercice du prêt de main d’oeuvre à but lucratif aux seules entreprises de travail temporaire visées par ces dispositions ; que si le prêt de main d’oeuvre illicite, comme le contrat d’entreprise et le contrat de sous-traitance, permet à une entreprise de recourir aux prestations et aux salariés d’une autre, il se distingue de ces deux contrats en ce qu’il ne trouve sa justification dans aucune technicité, aucune spécificité de la prestation accomplie par l’entreprise prêteuse, par rapport à l’activité de l’entreprise utilisatrice ; qu’il s’ensuit que constitue un prêt de main d’oeuvre illicite, tout contrat tendant exclusivement à la fourniture de la main d’oeuvre, moyennant rémunération, qui intervient dans le domaine d’activité de l’entreprise utilisatrice, sans être passé par l’entremise d’une entreprise de travail temporaire ; qu’il incombe au juge de requalifier en droit les pratiques suivies par une entreprise sous couvert de contrats de sous-traitance, lorsque celles-ci constituent en réalité des opérations contraires aux dispositions d’ordre public précédemment rappelées ; que pour déterminer l’exacte qualification juridique applicable à ces opérations, il y a lieu de se rapporter aux éléments de fait constituant la teneur réelle des relations existant d’une part, entre l’entreprise qui met ses salariés à la dispositions et cette autre entreprise, et d’autre part, entre ces deux entreprises et les salariés de l’entreprises qui « prête » son personnel ; considérant qu’en l’espèce, les contrats liant la société JALPAK à ses « sous-traitants », examinés par les inspecteurs du travail lors de leurs constatations mentionnées dans le procès-verbal précité s’avèrent bien constitutifs de prêt de main d’oeuvre illicite ; qu’en effet il résulte de ce procès-verbal - dont le contenu fait foi jusqu’à preuve contraire et n’est démenti par aucun élément, ni même aucune affirmation contraire de la société JALPAK, tant lors de l’enquête que précédemment, dans ses conclusions - que :

« - le recours par la société JALPAK à la conclusion de contrats de sous-traitance avec d’autres entreprises - qui sont, comme elle, agents de voyage - est systématique pour l’exercice des missions d’ »agent d’accueil transfériste », bien qu’actuellement la société JALPAK dispose au sein de son personnel de 6 de ces agents, employés en contrat à durée déterminée ;

« - le montant des factures acquittées par la société JALPAK auprès de ces sous-traitants », en règlement des prestations accomplies pour son compte par les salariés de celles-ci, fait apparaître un bénéfice financier évident, tiré par ces entreprises de ces opérations de mise à disposition de leur propre personnel, puisque le prix payé par la société JALPAK est supérieur au coût que représente pour elles, le montant des sommes versées au titre de la rémunération de leurs salariés ;

« - qu’aucun matériel significatif n’est personnellement fourni par les « sous-traitants » à leurs salariés, ainsi la mise à disposition pour leur personne même, et surtout - puisque la prestation fournie par les agents en cause est, il est vari, d’ordre essentiellement immatériel -

« - les missions à effectuer par ces agents sont définies très précisément par la société JALPAK (horaires et itinéraires à suivre, confection des menus, hôtels à desservir...) qui - quelles que soient les raisons de ce choix - va jusqu’à choisir, elle-même, les agents qu’elle souhaite, parmi le personnel des sociétés « sous-traitantes » ; qu’ainsi est caractérisé un lien de subordination entre ces agents et la société JALPAK, en dépit de l’apparente qualité d’employeur que confèrent aux sociétés « sous-traitantes » les bulletins de paie de ces salariés ;

« - cette activité d’ « agent d’accueil transfériste » est actuellement exercée par 6 des agents de la société JALPAK de sorte que cette société ne fait pas appel aux salariés de ces sociétés pour obtenir la fourniture de prestations particulières qu’il lui serait impossible de confier à ces propres agents ; que d’ailleurs, aucun contrat commercial écrit n’est jamais conclu ente la société JALPAK et ses co-contractants, qui pourrait précisément stigmatiser, en la définissant, la spécificité de l’intervention des salariés des entreprises « prêteuses » » ;

Alors, de première part, que dans ses conclusions d’appel (page 9 à 18) la société JALPAK contestait point par point le contenu et la portée du procès verbal dressé par les inspecteurs du travail ; qu’avant d’examiner plus avant les conditions dans lesquelles la société JALPAK recourait à la sous-traitance, la Cour d’appel a relevé que le contenu du procès verbal des inspecteurs du travail « n’est démenti par aucun élément ni aucune affirmation contraire de la société JALPAK tant lors de l’enquête que (...) dans ses conclusions » ; qu’en procédant à une telle affirmation, en méconnaissance totale de l’argumentation développée par la société JALPAK, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles 4 et 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, que la qualification de contrat de sous-traitance ou de prêt de main d’oeuvre ne dépend pas du recours systématique à la prestation litigieuse ; que pour décider que le recours à la sous-traitance par la société JALPAK pour l’activité d’accueil, de transfert et d’assistance des touristes, était constitutif d’un prêt de main d’oeuvre illicite, la Cour d’appel a affirmé que ce recours était systématique ; qu’en se prononçant ainsi, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L.125-3 du Code du travail ;

Alors, de troisième part, que pour décider que le recours à la sous-traitance par la société JALPAK était constitutif d’un prêt de main d’oeuvre illicite, la Cour d’appel a également constaté que le montant des factures payées par la société JALPAK était plus élevé que les charges et le salaire réellement perçus ; qu’en procédant à une telle déduction, alors qu’il ne saurait être reproché à une société ayant conclu un contrat de sous-traitance en vue d’obtenir une prestation de service d’avoir payé davantage que le simple coût des salariés, qui plus est dans le cadre d’une opération de sous-traitance, la Cour d’appel n’a pas davantage donné de base légale à sa décision au regard de l’article L.125-3 du Code du travail ;

Alors, de quatrième part, que l’existence d’un lien de subordination suppose que soit caractérisée l’existence d’un triple pouvoir de direction, de contrôle et de sanction exercé par l’employeur à l’encontre de ses salariés ; que partant, la Cour d’appel qui s’est bornée à affirmer qu’un lien de subordination était caractérisé entre les agents des sociétés sous-traitantes et la société JALPAK, sans même procéder aux constatations pourtant déterminantes d’une telle qualification, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L.121-1 du Code du travail, ensemble l’article L.125-1 du même Code ;

Alors, de cinquième part, que la Cour d’appel ne pouvait valablement affirmer qu’aucun matériel significatif n’était personnellement fourni par les sous-traitants à leurs salariés, alors que précisément, la société JALPAK démontrait l’inverse, en détail, dans ses conclusions d’appel (p.13 et 14), ni ajouter qu’en tout état de cause les missions étaient très précisément définies par la société JALPAK, alors que précisément, dès lors qu’elle constatait qu’aucun contrat commercial n’était conclu avec les sociétés sous-traitantes, la société JALPAK devait nécessairement adresser à ces dernières, et non à leurs salariés, des propositions de missions très précises, pour en déduire l’existence d’une opération de main d’oeuvre illicite ; que partant, en se prononçant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé l’article L.125-3 du Code du travail, ensemble l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Alors, enfin, de sixième part, que la société JALPAK exposait sans aucune ambiguïté dans ses conclusions d’appel que de graves difficultés économiques l’avait conduite à se recentrer sur son métier d’agence de voyage et de tourisme, décidant en conséquence de cesser de fournir des prestations annexes qu’elle n’avait plus les moyens de financer, comme les prestations d’accueil des touristes à l’aéroport ou à la gare, leur transfert et leur accompagnement, pour lesquelles elle ferait désormais appel à des sociétés spécialisées ; qu’en affirmant que la société JALPAK « ne fait pas appel aux salariés de ces sociétés pour obtenir la fourniture de prestations particulières qu’il lui serait impossible de confier à ses propres agents », pour en déduire que le recours à la sous-traitance par la société JALPAK était caractéristique du prêt de main d’oeuvre illicite, alors que la motivation économique de ce choix de l’employeur était amplement exposée dans les conclusions de la société JALPAK, la Cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 13 septembre 2007