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Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 1 septembre 2009

N° de pourvoi : 08-88309

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Anzani (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Le Prado, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-"

LA SOCIÉTÉ KS SERVICES,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3e chambre, en date du 20 novembre 2008, qui, pour marchandage, l’a condamnée à 10 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des anciens articles L. 125-1, L. 125-3 et L. 125-3-1 du code du travail (abrogés par l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007), des articles L. 8231-1, L. 8241-1 et L. 8234-2 du code du travail, et des articles 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société KS Services coupable de délit de marchandage, la condamnant à une amende délictuelle de dix mille euros ;

”aux motifs que “la fourniture de main d’oeuvre à titre lucratif ne peut être effectuée légalement que dans le cadre de la législation applicable aux entreprises de travail temporaire, ce qui n’est pas le cas de la société KS Services ou dans le cadre de la sous-traitance, ce qui suppose remplies quatre conditions cumulatives :

"-" le contrat de sous-traitance doit concerner une ou des tâches spécifiques pour laquelle l’entreprise utilisatrice ne dispose pas du savoir-faire,

"-" le sous-traitant doit conserver le pouvoir de direction sur ses salariés,

"-" les moyens de travail du personnel doivent appartenir à l’entreprise sous-traitante,

"-" le prix doit être calculée de manière forfaitaire ;

qu’en l’espèce ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, les tâches incombant aux hôtesses ne revêtaient aucune spécificité qui ne s’intègre parfaitement au champ classique d’une entreprise telle que la CGE ; que les liens des deux salariées mises à disposition avec la société prestataire KS Services étaient réduits à la transmission de fiches d’horaires et au passage d’une responsable de l’agence seulement une fois toutes les six à huit semaines ; qu’il convient d’y ajouter que Sabine Richard et Caroline X... ont été recrutées pour ce seul contrat et on quitté l’entreprise lorsqu’il a été résilié ; qu’enfin la société KS Services, loin de prendre en charge la fonction accueil et standard de manière globale, s’est bornée en réalité à mettre à disposition du personnel qui utilisait le mobilier de l’entreprise, des lignes de standard mises à disposition et les consommables et fournitures de l’entreprise utilisatrice, exactement comme l’auraient fait des salariés en intérim ; que les premiers juges ont aussi relevé à juste titre que le prix prévu au contrat était, au vu des investigations faites par l’inspection du travail, lié aux salaires versés à concurrence de 17 554,16 francs hors taxes, auquel était ajoutée une commission de 1 294, 48 francs représentant les”coûts d’agence et coût des services centraux”, qu’il est ainsi acquis que le prix convenu était lié aux salaires du personnel mis à disposition et non à la facturation globale d’une prestation de service intégralement sous traitée ; qu’ainsi, la fourniture de main-d’oeuvre à la CGE n’est pas intervenue dans le cadre d’un contrat de sous-traitante ; qu’enfin les recherches de l’inspection du travail ont établi que le salaire minimum d’un salarié de la CGE, compte tenu notamment des primes s’élevait à 9 167 francs brut, contre 7 200 francs brut pour la même durée du travail et à la même date pour les salariés mis à disposition par KS Services, qu’aucune convention collective n’était à l’époque applicable aux salariés de KS Services qui ne bénéficiaient pas non plus au vu des pièces produites, d’institutions représentatives du personnel, que les protections en découlant, qui bénéficiaient aux salariés de la CGE ont ainsi été éludées ; qu’il s’ensuit que le délit, de marchandage tel qu’incriminé par les dispositions de l’article L. 125-1 du code du travail est en l’espèce constitué” ;

”alors, d’une part, que le contrat de prestation de service a pour objet l’exécution d’une tâche objective, nettement définie, habituellement rémunérée de façon forfaitaire, le sous-entrepreneur conservant son autorité sur le personnel ; et que le prêt de main-d’oeuvre ne peut être illicite lorsqu’il n’est que la conséquence de la transmission d’un savoir-faire ; que, dès lors, en considérant, pour écarter la qualification de contrat de prestation de service, que (arrêt p. 4) “les tâches incombant aux hôtesses ne revêtaient aucune spécificité qui ne s’intègre parfaitement au champ classique d’une entreprise telle que CGE”, cependant qu’il était démontré (conclusions p. 17) ; que la CGE ne disposait d’aucun savoir-faire en la matière, et n’a pas ainsi été en mesure d’assurer efficacement au sein de son entreprise les fonctions accueil réception, qui nécessitaient de réelles compétences, ce qui a précisément justifié le recours aux services de la société KS Services spécialisée en ce domaine, et disposant à cet égard d’un personnel qualifié pour exercer les tâches spécifiques s’y rapportant, la cour d’appel a laissé sans réponse ce moyen péremptoire ;

”alors, d’autre part, que de la même façon, en se fondant, pour écarter la qualification de contrat de prestation de service, sur la circonstance que la société KS Services n’aurait pas suffisamment encadré l’activité de ses salariées, son contrôle se bornant, selon les juges du fond (arrêt p. 4), à la transmission hebdomadaire de fiches d’horaires et au passage d’une responsable une fois tous les deux mois en moyenne, sans rechercher préalablement, ainsi que l’y invitaient expressément les conclusions d’appel développées en ce sens (p. 18 à 20), si le fait que Caroline X... et Sabine Y... aient disposé de toute la formation et de l’expérience requise pour occuper un tel poste ainsi que des outils s’y rapportant, n’était pas de nature à démontrer qu’un contrôle plus poussé de la part des responsables de la société KS Services ne s’avérait nullement nécessaire, la cour d’appel n’a pas légalement justifié de sa décision ;

”alors, de troisième part, que dans le même sens, en retenant, pour conclure, en l’espèce, au caractère illicite de la fourniture de main-d’oeuvre, que les deux salariées ainsi mises à disposition de la CGE n’auraient pas été suffisamment encadrées par la société KS Services, sans constater par ailleurs l’existence d’un transfert d’autorité se caractérisant par le fait que Caroline X... et Sabine Y... auraient alors été placées sous le contrôle direct de la société CGE faisant appel à leurs services, la cour d’appel n’a, une fois encore, pas donné de base légale à sa décision ;

”alors, de quatrième part, que en se fondant sur la circonstance inopérante (arrêt p. 4) que “la société KS Services, loin de prendre en charge la fonction accueil et standard de manière globale, s’est bornée en réalité à mettre à disposition du personnel qui utilisait le mobilier de l’entreprise, des lignes de standard mises à disposition sans rechercher si cette présence dans les locaux mêmes de la société CGE et l’intervention sur ses lignes téléphoniques n’étaient pas rendus nécessaires par la finalité de cette prestation accueil standard téléphonique, la cour d’appel n’a pas légalement justifié de sa décision ;

”alors, de cinquième part, que le prêt de main-d’oeuvre à titre lucratif que la loi réserve aux entreprises de travail temporaire se caractérise par la mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, pour une durée déterminée, de salariés dont la rémunération est alors calculée en fonction de cette durée ; qu’en considérant, dès lors, afin d’écarter le fait que la fourniture de main-d’oeuvre à but lucratif soit intervenue dans le cadre d’un contrat de prestation de service, que le prix convenu au contrat serait lié aux salaires du personnel mis ainsi à disposition de la CGE, sans rechercher pour autant si la rémunération des salariés détachés était calculée en fonction de la durée de leur mise à disposition, la cour d’appel n’a pas légalement justifié de sa décision ;

”alors, de sixième part, que le délit de marchandage n’est caractérisé qu’autant que l’opération illicite de prêt de main-d’oeuvre est établie, puisqu’il sanctionne les cas où une telle opération est de nature à entraîner des conséquences préjudiciables pour les salariés concernés ; qu’ainsi, la cassation à intervenir sur les moyens démontrant que la convention de prestation de services conclue entre la société KS Services et la société CGE, présentait bien toutes les caractéristiques d’un contrat de sous-traitance, et ne pouvait ainsi être requalifiée en prêt de main-d’oeuvre illicite, entraînera par voie de conséquence la censure des dispositions de l’arrêt ayant retenu le délit de marchandage ;

”alors, enfin, qu’en tout état de cause, les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise pour leur compte, par leurs organes ou représentants, lesquels doivent être impérativement désignés ; qu’ainsi, en entrant en voie de condamnation à l’encontre de la société KS Services sans identifier l’organe ou représentant de l’entreprise poursuivie à qui revenait personnellement la responsabilité des contrats litigieux et de leur exécution, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Attendu que le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, que la mise à disposition, par la société KS Services, prise en la personne de son représentant légal, Paul Z..., à la société CGE, de deux hôtesses d’accueil exerçant leur activité dans les locaux de cette dernière société, dissimulait une opération de marchandage ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa septième branche dès lors que l’infraction retenue n’a pu être commise, pour le compte de la personne morale, que par ses organes ou représentants, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Anzani conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes du 20 novembre 2008