Fausse prestation de services internationale

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 1 décembre 2015

N° de pourvoi : 13-84785

ECLI:FR:CCASS:2015:CR05214

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

"-" M. Michel X...,
"-" M. Nabgah Z...,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 8 avril 2013, qui, pour infraction à la législation sur le transport public routier de marchandises et marchandage, les a condamnés, respectivement, à 30 000 euros et 20 000 euros d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 20 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBERGE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par M. X... :
Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;
II-Sur le pourvoi formé par M. Z... :
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8231-1 et 8234-1 du code du travail, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Z... coupable de marchandage et l’a condamné à une amende délictuelle ;
” aux motifs adoptés que les deux prévenus ne peuvent faire valablement soutenir que, en l’espèce, les relations contractuelles entre la société STE Méditerranée et la société OTI ont revêtu tous les éléments d’un contrat de sous-traitance dès lors que l’information a établi l’étroitesse des liens entre les deux sociétés et l’absence totale d’autonomie de la seconde par rapport à la première ; qu’en effet les pièces de la procédure font ressortir, principalement que :

"-" la société STE Méditerranée détenait 49 % du capital de la société OTI M. X...étant à la fois président directeur général de la première et le président du conseil d’administration de la seconde, M. Z... en étant le directeur général ;

"-" plusieurs conducteurs tunisiens des véhicules se sont présentés lors des contrôles comme des salariés des sociétés STE Méditerranée ayant produit des documents, des cartes de péage et d’essence au nom de celle-ci ;

"-" les chauffeurs étaient hébergés dans des locaux appartenant à cette même société et certains d’entre eux ont reçu des instructions de la part de M. X...et des sommes d’argent en espèce de la part de son directeur d’exploitation ;

"-" les seize tracteurs de la société OTI demeuraient stationnés en permanence quand ils n’assuraient pas les livraisons, dans les locaux de la société STE ;

qu’il résulte de ce qui précède que l’intérêt de ce dispositif était manifestement de permettre à la société STE Méditerranée de faire tracter ses remorques à bon compte pour les transports internes à l’union économique européenne ;
” et aux motifs propres que c’est à juste titre que le tribunal a relevé que les prévenus ne pouvaient soutenir que les relations contractuelles entre les deux sociétés revêtaient tous les éléments de la sous-traitance alors que l’information révélait l’étroitesse des liens entre les deux sociétés ; qu’ainsi l’enquête a établi que la société Méditerranée possédait 46 % des parts du capital de la société OTI ; que M. X...était à la fois président directeur général de la première société et président du conseil d’administration de la seconde ; que les chauffeurs tunisiens étaient hébergés dans des locaux appartenant à la société Méditerranée et qu’ils utilisaient des documents et des cartes de péage et d’essence de cette société ; que certains chauffeurs se sont même présentés comme étant salariés de la société Méditerranée et ont déclaré avoir reçu des instructions et des sommes d’argent en espèces de M. X... ; que les seize tracteurs étaient en permanence stationnés sur la propriété de la société Méditerranée ; que ce système permettait aussi à M. X...et à la société Méditerranée, en sa qualité d’actionnaire de leur filiale, la société OTI, d’augmenter les bénéfices à partager de cette dernière en lui faisant effectuer des transports internes irréguliers, à moindre coût grâce à sa faible charge salariale, et en faussant ainsi le jeu de la concurrence entre les opérateurs ;
” 1°) alors que ne caractérise pas les éléments constitutifs du délit de marchandage, la cour d’appel qui pour exclure l’existence d’un contrat de sous-traitance, se borne à relever l’existence des liens étroits existant entre les deux sociétés contractantes et le fait que plusieurs salariés de l’une des sociétés se sont présentés comme salariés de la seconde et que les véhicules de la première demeuraient stationnés en permanence dans les locaux de la seconde ;
” 2°) alors que le prévenu avait fait valoir, sans qu’il lui soit répondu, que la société STE Méditerranée agissait en qualité de commissionnaire de transport, chargée d’organiser le transport de bout en bout et qu’elle ne possédait ainsi aucun camion et n’employait aucun chauffeur, et qu’elle avait confié à la société OTI, transporteur, l’opération matérielle de déplacement ;
” 3°) alors que le prévenu avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que les transports confiés à la société OTI avaient été effectués uniquement avec les véhicules tracteurs appartenant à celle-ci ;
” 4°) alors que le prévenu faisait encore valoir sans qu’il lui soit non plus répondu, que les chauffeurs de la société OTI Tunisie n’étaient pas dans un lien de subordination avec la société STE Méditerranée et que la société OTI avait même détaché en France, pour gérer les transports, un membre de son personnel et qu’elle avait ainsi conservé l’autorité d’employeur sur son personnel ; que le prévenu faisait encore valoir que M. X...était également dirigeant de la société OTI et qu’il n’était donc pas anormal que les chauffeurs tunisiens reçoivent de sa part des instructions et même des sommes d’agent et qu’ils considèrent M. X...comme leur employeur ;
” 5°) alors que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions d’appel que les transports étaient effectués avec des véhicules appartenant à la société OTI et que contrairement à ce qu’avaient affirmé les premiers juges, les locaux dans lesquels les chauffeurs étaient hébergés à Marignane étaient loués par la société OTI ainsi qu’il en avait été justifié et que si les cartes de péage et d’essence étaient gérées par la société STE Méditerranée les frais étaient refacturés à la seule société OTI ; que sur ce point encore la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions péremptoires du prévenu ;
” 6°) alors que le prévenu avait fait valoir que la société OTI Tunisie étaient rémunérée forfaitairement au kilomètre par la société STE Méditerranée pour les tractions que lui confiait cette dernière et qu’elle ne facturait en aucun cas son intervention en fonction des heures de travail de ses chauffeurs “ ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 25 II de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, des articles 121-1, 121-3 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Z..., directeur général de la société tunisienne OTI, coupable d’exercice de l’activité de transport public routier de marchandise sans licence valable et l’a condamné à une amende délictuelle ;
” aux motifs que si l’accord bilatéral franco-tunisien du 28 juin 1983, régit effectivement les transports internationaux de marchandise entre la Tunisie et la France, il prévoit également que la législation interne de chaque pays s’applique à toutes les questions non réglées par l’accord, ce qui est le cas de l’infraction visée ci-dessus ; que contrairement à ce que voudrait laisser croire les prévenus, la prévention ne concerne pas le transport international de marchandise par la société OTI qui s’effectue dans le cadre de l’accord bilatéral de 1983 ; qu’elle concerne les transports internes en France et en Europe, effectués par les chauffeurs et les tracteurs de la société OTI, en dehors de tout cadre légal ; que par suite, il n’y a pas lieu de répondre aux motifs développés par les prévenus dans leurs écritures qui concernent les seuls transports internationaux ; que les constatations faites par les services des douanes, les éléments tirés de l’exploitation des documents saisis tant lors de la perquisition dans la maison hébergeant les chauffeurs tunisiens que sur les chauffeurs eux-mêmes, que les déclarations de M. Y...que les chauffeurs, démontrent, à l’évidence, que la société Méditerranée faisait réaliser, à bon compte, par les chauffeurs de la société OTI des transports internes en France et en Europe ; que les prévenus ont, d’ailleurs, reconnu avoir, au moins, effectué trente-cinq transports nationaux pour le compte de la société Méditerranée ;
” alors que M. Z... faisait valoir que la quasi-totalité des opérations incriminées (2370) étaient des opérations de transport international effectuées régulièrement au regard de l’article 1 de l’accord franco-tunisien du 28 juin 1983 ; que s’il reconnaissait que quelques opérations (35 sur 2370) étaient des transports nationaux qui n’auraient pas dû être pris en charge par la société OTI, le prévenu soulignait qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée puisqu’il avait interdit formellement de telles opérations et donné des instructions en ce sens pour que la réglementation soit observée ; qu’en se bornant à relever que le prévenu reconnaissait qu’au moins trente-cinq transports nationaux avaient été effectués, sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, dont elle n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation, et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D’où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 8 avril 2013