Appréciée chez le prêteur

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 12 octobre 1993

N° de pourvoi : 92-86291

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. Le GUNEHEC, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me BROUCHOT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MONESTIE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Marie-Claude, épouse Y... contre l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER, 3ème chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 1992, qui, pour marchandage, participation à une opération de prêt de main- d’oeuvre illicite et infraction à la réglementation du travail en matière d’hygiène et de sécurité, l’a condamnée à une amende de dix mille francs et à des réparations civiles ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Marie-Claude X... coupable du délit de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif ;

”aux motifs propres et adoptés qu’il ressort des déclarations de Marie-Claude X... que Z... s’est vu mettre à disposition un ensemble àéchafaudage et que ce matériel n’a pas été monté correctement ; qu’ainsi le matériel était bien fourni par l’entreprise X... ; que le contrôleur du travail a constaté que l’échafaudage de pied ne répondait pas aux exigences légales et réglementaires ; que le matériel ayant été fourni par M. X..., les infractions reprochées lui sont imputables, et ce d’autant que les attestations produites n’apportent pas la preuve que les échafaudages fournis par M. X... étaient conformes à la réglementation, eu égard à la hauteur des travaux ; que l’infraction a été constatée en janvier 1990 sur deux chantiers différents, confiés à la SARL X..., qu’ainsi l’infraction est constituée ;

qu’il apparaît qu’un contrat qualifié de sous-traitance a été signé le 3 janvier 1990 entre Marie-Claude X... et M. Z... et que l’objet de cette convention est l’application d’un enduit de façade type Ribbo ; que le prix de la prestation est fixé au mètre carré et non de manière forfaitaire ; que Z... disposait pour la réalisation de ces travaux d’un échafaudage mis à sa disposition par la SARL X... ; qu’il ne disposait pas de l’autonomie d’un entrepreneur au sens des articles 1792 et suivants du Code civil mais qu’il agissait sous la surveillance et le contrôle du directeur des travaux de la SARL X... qui passait sur le chantier trois fois par semaine ; que le caractère fictif de la sous-traitance qui s’induit de ce qui précède est confirmé par les éléments suivants : - l’entreprise Z... travaille exclusivement pour l’entreprise X... depuis son inscription au registre des métiers et qu’elle n’a pas de clientèle personnelle, - le soi-disant sous-traitant n’a pas été agréé par le maître de l’ouvrage au mépris de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 ; que les infractions relevées sont donc caractérisées ; que Baeza, en l’absence de tout contrat écrit utilisait un matériel appartenant à l’entreprise X... ; que le personnel embauché par Baeza était encadré par M. Y..., conducteur de travaux de la

SARL X... ; que si Z... était officiellement le sous-traitant de la SARL X... suivant contrat du 30 décembre 1989, prévoyant à sa charge l’application d’enduit de façade pour le prix de 18 francs (le m2 ?) en fait, cette tâche était réalisée avec l’assistance de Baeza et de ses ouvriers clandestins ; qu’aucun contrat de sous-traitance n’a été produit par Baeza soit pour établir qu’il était le sous-traitant de X... soit celui de Z..., que le prêt de main-d’oeuvre illicite est caractérisé ; que, le 16 janvier 1990, l’inspecteur du travail a aussi constaté la présence de Z... assisté de ses salariés ; que si la SARL X... est en mesure de produire un contrat qualifié de sous-traitance conclu le 30 décembre 1989 avec Z..., les observations faites pour le chantier du “Mas de Cavalier” s’appliquent à ce deuxième contrat qualifié de sous-traitance :

paiement de prestation au m2, absence d’autonomie dans l’exécution des prestations, utilisation d’un matériel mis à la disposition de l’entreprise X..., non déclaration au maître de l’ouvrage de la “sous-traitance” ; qu’ainsi, là encore, le caractère fictif du contrat de sous-traitance est patent et que les infractions relevées sont caractérisées ; qu’il n’est pas contesté par Baeza qu’il employait de la main-d’oeuvre clandestine dont la SARL X... a utilisé les services ;

”alors que l’opération de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif n’est incriminée que lorsque ce prêt constitue l’objet exclusif de l’activité rémunérée ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que l’entreprise X... avait mis également à disposition outre du personnel, des échafaudages pour la réalisation des travaux effectués tant sur le chantier du Mas de Cavalier que sur celui du Clos Saint-Guy ; qu’ainsi l’activité exclusive de prêt de main-d’oeuvre n’est pas caractérisé ; qu’en décidant le contraire, la Cour a violé les articles susvisés ;

”et alors qu’il résulte des mentions de l’arrêt que Marie-Claude X... avait exposé dans ses conclusions que “la fourniture de matériaux est faite par X... mais que la plupart du temps, c’est le sous-traitant qui reste libre d’alimenter son chantier en matériaux” ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef de conclusions de nature àdémontrer que le prêt de main-d’oeuvre s’accompagnait de fourniture de matériaux et ainsi ne revêtait pas un caractère exclusif, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés” ;

Attendu que, pour déclarer Marie-Claude X... coupable de marchandage et de participation à une opération ayant pour objet exclusif un prêt de main-d’oeuvre illicite, l’arrêt attaqué relève notamment qu’elle a utilisé les services de salariés mis à sa disposition par de prétendus sous-traitants qui se bornaient à lui fournir la main-d’oeuvre nécessaire et ne dirigeaient pas les travaux qui leur auraient été sous-traités ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

que, d’une part, le caractère exclusif du prêt s’apprécie en fonction des prestations du prêteur de main-d’oeuvre et non de celles de l’utilisateur et qu’il n’importe donc que la prévenue ait fourni un échafaudage aux ouvriers qui lui étaient prêtés ;

que d’autre part, répondant aux conclusions prétendument délaissées, les juges observent qu’il résulte des procès-verbaux de l’inspecteur du travail que le matériel utilisé appartenait à l’entreprise X... ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris des articles L. 263-2 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Marie-Claude X... coupable d’infractions à la réglementation sur la sécurité du travail ;

”aux motifs que les attestations produites n’apportent pas la preuve que les échafaudages fournis étaient conformes à la réglementation, eu égard à la hauteur des travaux ;

”alors qu’en faisant ainsi peser sur Marie-Claude X..., la charge de prouver la conformité à la réglementation en vigueur du matériel qu’elle aurait fourni, la Cour a méconnu le principe de la présomption d’innocence, violant ainsi les articles L. 263-2 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale” ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d’infraction aux prescriptions du décret du 8 janvier 1965, la cour d’appel relève que, selon le procès-verbal de l’inspecteur du travail, base de la poursuite, l’échafaudage, ni entrecroisé ou entretoisé, ni fixé au gros-oeuvre, était démuni de garde-corps et que les plates-formes de travail ne comportaient qu’un seul madrier d’une largeur de vingt-sept cm, contrairement aux prescriptions dudit décret ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations du fonctionnaire du travail, faisant foi jusqu’à preuve contraire, c’est sans renverser la charge de la preuve que la cour d’appel a souverainement apprécié que les attestations produites par la prévenue n’apportaient pas la preuve de la conformité de l’échafaudage à la réglementation ;

Qu’ainsi le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Fontaine, Milleville, Alphand, Guerder, Pinsseau, Joly conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier, M. Poisot conseillers référendaires, M. Monestié avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier du 21 octobre 1992

Titrages et résumés : (sur le 1er moyen) TRAVAIL - Travail temporaire - Prêt de main d’oeuvre à titre lucratif - Utilisation de salariés mis à la disposition par de prétendus sous-traitants - Constatations suffisantes.

Textes appliqués :
* Code de procédure pénale 593
* Code du travail L125-3