Pas d’agrément - accident du travail mortel

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 9 novembre 1998

N° de pourvoi : 97-80714

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. MILLEVILLE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Jean-Jacques,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème chambre, en date du 19 décembre 1996, qui, pour participation à une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre, homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, à 20 000 francs d’amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que Jean-Jacques X... a été déclaré coupable de prêt exclusif de main d’oeuvre à titre lucratif, du délit d’homicide involontaire et d’infraction à la réglementation sur la sécurité du travail ;

”aux motifs que, l’entreprise Kaya était placée sous la totale subordination économique de la SAPR son seul client, fournissant le matériel et les matériaux intervenant dans l’organisation de son travail, jusqu’à indiquer le nombre de salariés devant être présents sur le chantier et participant même à la rédaction des factures ; que, par ailleurs, ce prétendu sous-traitant n’avait pas été agréé par le maître d’ouvrage contrairement aux dispositions du Code des marchés publics ;

”alors qu’en statuant par ces motifs non susceptibles d’établir que l’entreprise Kaya, liée à la SAPR par un contrat de sous traitance, se trouvait dépourvue d’autonomie des points de vue juridique et technique, sans identifier l’employeur sous la subordination effective duquel se trouvaient ses salariés, ni préciser le mode de rémunération de ses prestations, ni, surtout, déterminer l’objet du contrat de sous traitance, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 30 du décret du 14 novembre 1988, L. 231-2, L. 263-2 et L. 263-6 du Code du travail, 221-6 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que Jean-Jacques X... a été déclaré coupable d’homicide involontaire et d’infractions à la réglementation sur la sécurité du travail ;

”aux motifs que, la cause immédiate de l’accident est due à l’apparition soudaine d’une tension de 220 volts sur la potence support de la nacelle ; que cette tension n’aurait pas entraîné de conséquences mortelles si les cales en bois sur lesquelles reposaient les charpentes du rail de la nacelle n’avaient pas été traversées de clous assurant un contact électrique parfait entre les éléments de la charpente et la surface métallique de l’acrotère ; qu’il appartenait à Jean-Jacques X... de veiller personnellement à l’utilisation de cales sans clous afin d’isoler la charpente et de prévenir tout risque d’électrocution ; que ces obligations lui appartenaient en tant que dirigeant de la SAPR chargée de la mise en oeuvre de l’échafaudage et de ses charpentes ; que l’accident est également dû au fait que le tableau d’alimentation électrique du chantier n’était pas équipé de disjoncteur différentiel et que la prise de terre n’était pas raccordée à la terre ; qu’en ne s’assurant pas de l’état électrique de chantier, non verrouillable, laissé sans vérification depuis plusieurs mois et en tolérant même que l’échafaudage utilisé soit branché sur un tel tableau dont les dysfonctionnements lui étaient connus au point que l’électricien devait intervenir en “urgence” le prévenu a manqué à son obligation générale de sécurité selon laquelle il doit personnellement veiller à ce que les différents équipements soient installés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs ; qu’il importe peu à cet égard, que l’électricien dont la responsabilité pénale n’a pas été recherchée, soit tenu d’obligations spécifiques de mise en oeuvre et d’entretien du réseau électrique ;

”alors que Jean-Jacques X... n’était poursuivi que pour avoir laissé travailler un salarié sur une potence d’échafaudage sous tension reliée électriquement à un tableau de chantier non équipé de disjoncteur différentiel et non relié à la terre ; qu’en le déclarant coupable de n’avoir pas veillé personnellement à l’utilisation de cales sans clous afin d’isoler la charpente, la cour d’appel a excédé les limites de sa saisine ;

”et alors qu’en retenant la responsabilité de Jean-Jacques X... du fait que le tableau d’alimentation électrique du chantier n’était pas équipé de disjoncteur différentiel, et du défaut de raccordement à la terre, sans réfuter les conclusions par lesquelles le prévenu faisait valoir qu’il avait attiré à plusieurs reprises l’attention de la direction du chantier sur la nécessité de rendre sans danger l’installation électrique dont la mise en plan et l’entretien relevaient du titulaire du lot électricité, la cour d’appel n’a pas donné de motifs suffisants à sa décision” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, sans excéder sa saisine, la cour d’appel a, par des motifs exempts d’insuffisance et répondant aux articulations essentielles des conclusions qui lui étaient soumises, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Desportes conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, Mmes Batut, Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Lyon 4ème chambre , du 19 décembre 1996