Absence de précision

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 29 septembre 1998

N° de pourvoi : 97-83739

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 GAUTIER X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 2 juin 1997, qui, pour participation à une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre, l’a condamné à 2 mois d’emprisonnement avec sursis et à 20 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3 et L. 152-3 du Code du travail, 121-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Léon Gautier coupable de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire, et l’a condamné à 2 mois d’emprisonnement et à 20 000 francs d’amende ;

”aux motifs que Léon Gautier n’a à aucun moment précisé la nature spécifique de la tâche confiée à Muslf Gol, lequel, travaillant pour la seule entreprise Gautier, était dépourvu de toute réelle clientèle et se trouvait de ce fait sous la totale dépendance économique de l’entreprise utilisatrice ; qu’il résulte ainsi de la procédure et des débats que la convention signée entre les parties avait pour seul but de donner une apparence de légalité aux relations les unissant et que, sous couvert d’un contrat de sous-traitance rémunéré au forfait, Muslf Gol n’a apporté à la SARL Gautier que du personnel, opération réservée aux seules entreprises de travail temporaire ;

”alors, d’une part, que le prêt de main-d’oeuvre lucratif suppose la mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, pour une durée déterminée, de salariés dont la rémunération est calculée en fonction de cette durée, du nombre et de la qualification des travailleurs détachés et qui sont placés sous la seule autorité et sous la responsabilité de l’entreprise utilisatrice ; que ce délit n’est pas constitué lorsque existe un contrat de sous-traitance ou d’entreprise ayant pour objet l’exécution d’une tâche objective, définie, rémunérée de façon forfaitaire, le sous-entrepreneur conservant son autorité sur son personnel ; que, dès lors, en l’espèce, en se bornant, pour déclarer le prévenu coupable du prêt de main-d’oeuvre illicite, à relever l’absence de “nature spécifique” de la tâche confiée au sous-traitant et l’état de “subordination économique” de celui-ci, sans s’expliquer sur les conditions de rémunération et d’exécution des travaux de construction et sans constater sous l’autorité et la responsabilité de quelle entreprise les salariés étaient placés, alors que ces éléments avaient conduit le tribunal à relaxer le prévenu des fins de la poursuite, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”alors, d’autre part, que, dans ses conclusions, le prévenu faisait valoir que l’entreprise de sous-traitance avait une existence réelle et une activité régulière ; que cette entreprise était propriétaire de l’intégralité de son matériel de travail ; qu’elle utilisait ses propres véhicules et demeurait responsable du personnel mis à la disposition de l’entreprise utilisatrice ; qu’en omettant de se prononcer sur ces éléments expressément soumis à son appréciation, tendant à démontrer qu’il ne s’agissait pas d’une simple fourniture de main-d’oeuvre, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision ;

”alors, enfin, que, selon l’article 121-3 du nouveau Code pénal, immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, il n’y a point de délit sans intention de le commettre ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui n’a pas constaté la violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale ou réglementaire, n’a pas caractérisé tous les éléments constitutifs du délit de prêt de main-d’oeuvre ; qu’en conséquence, sa décision est entachée d’un défaut de motifs et doit être annulée” ;

Attendu que, pour déclarer Léon Gautier, dirigeant de l’entreprise Gautier, coupable de prêt illicite de main-d’oeuvre, la cour d’appel retient que, chargée de la réalisation de travaux de construction, cette entreprise a utilisé, sous le couvert d’un contrat de sous-traitance fictif, plusieurs salariés mis à sa disposition par un artisan-maçon, Muslf Gol, hors le cadre des dispositions relatives au travail temporaire ; que les juges relèvent que cet artisan a admis n’avoir apporté que “la seule main-d’oeuvre” à l’entreprise utilisatrice, laquelle fournissait “l’ensemble des matériaux et le gros matériel” nécessaires et assurait la surveillance et la conduite des travaux ; qu’ils énoncent que cette entreprise était l’unique cliente de l’artisan qui se trouvait ainsi placé sous sa “totale dépendance économique” ; qu’ils précisent que le prix forfaitaire convenu entre les parties recouvrait, selon les termes mêmes du prétendu contrat de sous-traitance, “essentiellement” les frais de main-d’oeuvre ; qu’ils ajoutent qu’à aucun moment, Léon Gautier n’a précisé la nature spécifique de la tâche confiée à Mulsf Gol, dont les salariés, dépourvus de toute qualification particulière, ont été embauchés par lui pour les seuls besoins du chantier ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, la cour d’appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit prévu par l’article L.125-3 du Code du travail ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du second degré des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Desportes conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mmes Batut, Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE 7ème chambre , du 2 juin 1997

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main d’oeuvre à but lucratif - Prêt réalisé sous le couvert d’un contrat de sous-traitance fictif.

Textes appliqués :
• Code du travail L125-3