Employeur de fait - transfert du lien de subordination

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 septembre 1990

N° de pourvoi : 88-19856

Publié au bulletin

Rejet.

Président :M. Cochard, président

Rapporteur :Mlle Sant, conseiller apporteur

Avocat général :M. Dorwling-Carter, avocat général

Avocat :M. Vuitton., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Sur les deux moyens réunis :

Attendu que la société Luderic fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 1988) d’avoir dit qu’elle avait exercé le prêt de main-d’oeuvre à but lucratif en dehors des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire, alors, selon le pourvoi, en premier lieu, d’une part, qu’il appartient à la société Bretagne, qui invoquait la nullité du contrat passé par elle avec la société Luderic, d’en apporter la preuve ; qu’en exigeant que la société Luderic apporte la preuve que sa facturation correspondait à une prestation de services, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d’autre part, que s’il résulte de l’article L. 124-3 du Code du travail que le contrat de travail entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice doit être écrit à peine de nullité, la cour d’appel ne pouvait déduire de l’absence du contrat écrit que l’entreprise Luderic exerçait une activité de travail temporaire ; qu’en conséquence, la cour d’appel a fait une fausse application de l’article L. 124-3 du Code du travail et l’a violé ; alors, encore, que la cour d’appel, qui avait constaté que la société Luderic avait facturé à la société Bretagne par type d’activité : “ étiquetage, rangement, déménagement “, ne pouvait sans méconnaître les conséquences de ses propres constatations, déduire du fait que cette facturation n’ait pas été effectuée pour chaque chantier de la société Bretagne, que lesdites facturations ne correspondaient pas à des prestations de services ; qu’en conséquence, la cour d’appel a violé les articles L. 124-1 et suivants du Code du travail ; alors, en second lieu, que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que le contrat passé entre la société Bretagne et la société Luderic avait pour effet de causer un préjudice aux salariés ou d’éluder l’application des dispositions de la loi ou de la convention collective, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 125-1 du Code du travail ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la facturation était calculée en fonction du nombre d’heures de travail des préposés de la société Luderic et que les références portées sur les factures n’étaient relatives qu’à la spécialité des salariés, la cour d’appel a retenu que la société Luderic avait transféré à la société Bretagne le lien de subordination sur les salariés et l’obligation de paiement du salaire et des accessoires par son intermédiaire, tout en prélevant un bénéfice pour elle-même ; qu’elle ne contestait pas qu’elle n’avait pas rempli les conditions exigées par l’article L. 124-3 du Code du travail et reconnaissait qu’elle n’avait pas pour activité exclusive de mettre à la disposition provisoire d’utilisateurs des salariés qu’elle embauchait et rémunérait à cet effet ; qu’elle a ainsi, sans renverser la charge de la preuve, fait ressortir que la société Luderic avait réalisé l’opération à but lucratif, interdite par l’article L. 125-3 du Code du travail, ayant pour effet exclusif le prêt de main-d’oeuvre en dehors du cadre des dispositions relatives au travail temporaire ; que nonobstant la référence à l’article L. 125-1, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin 1990 V N° 382 p. 230

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 12 octobre 1988

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Responsabilité - Prêt illicite de main-d’oeuvre - Définition - Opération à but lucratif ayant pour objet exclusif la fourniture de main-d’oeuvre Réalise l’opération de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif interdite par l’article L. 125-3 du Code du travail, la société qui ne répondant pas aux conditions d’application des articles L. 124 et suivants du même Code, met des salariés à la disposition d’une autre entreprise, en transférant à celle-ci le lien de subordination et l’obligation de paiement par son intermédiaire du salaire et des accessoires tout en prélevant un bénéfice pour elle-même.

Précédents jurisprudentiels : DANS LE MEME SENS : Chambre sociale, 1990-05-16 , Bulletin 1990, V, n° 225, p. 136 (rejet), et l’arrêt cité.

Textes appliqués :
• Code du travail L125-3, L124