Particulier employeur non - contrat de travail insuffisamment caractérisé

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 avril 2021, 19-16.566, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 19-16.566
ECLI:FR:CCASS:2021:SO00461
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 08 avril 2021
Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 15 mars 2019

Président
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION


Audience publique du 8 avril 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 461 F-D

Pourvoi n° Z 19-16.566

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 AVRIL 2021

M. P... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-16.566 contre l’arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l’opposant à M. Q... H..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

M. H... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. X..., de Me Le Prado, avocat de M. H..., après débats en l’audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 mars 2019), M. X... a été
engagé, le 1er janvier 2012, par M. H..., en qualité d’homme toutes mains - gardien au pair, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de neuf heures cinquante par semaine. Aux termes d’un avenant au contrat de travail signé le 1er janvier 2014, la durée du travail a été portée à trente-six heures par mois.

2. Par courrier du 5 décembre 2014, le salarié a été licencié.

3. Il a saisi la juridiction prud’homale, le 5 février 2015, afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein et la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter la demande de requalification du contrat de travail en un contrat à temps complet et de limiter la condamnation de l’employeur à certaines sommes au titre de l’indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet ; que l’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; que la cour d’appel a retenu qu’ ’’Il résulte des cinq factures de matériaux enlevés par le salarié auprès de la société Tout Faire Matériaux en décembre 2011, et à défaut de toute preuve d’une autre prestation de travail, que cette dernière - pour la période antérieure à la conclusion du contrat de travail - était accomplie à temps partiel et que l’intéressé, intervenant seulement ponctuellement et hors la présence de l’employeur, connaissait son rythme de travail et n’était pas contraint de se maintenir à sa disposition en permanence’’ ; qu’elle a donc déduit le caractère partiel du temps de travail de ce seulement que le salarié ne rapportait pas la preuve d’un temps complet ; qu’elle a ainsi inversé la charge de la preuve et, par suite, violé l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

6. La cour d’appel a estimé, sans inverser la charge de la preuve, que les éléments fournis par l’employeur permettaient de vérifier un temps de travail réduit, conforme aux contrat et avenant signés postérieurement, ainsi qu’une grande liberté d’organisation de l’emploi du temps, de sorte que la présomption de travail à temps complet était renversée.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident de l’employeur

Enoncé du moyen

8. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que la relation de travail avait débuté le 10 décembre 2011, de constater un travail dissimulé du 10 au 31 décembre 2011 et, en conséquence, de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé, alors « que la condamnation au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé suppose, au préalable, de caractériser l’existence d’un contrat de travail ; que le lien de subordination juridique caractérise l’existence d’un contrat de travail ; que le lien de subordination juridique se définit comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour dire que la relation salariée a débuté le 10 décembre 2011, la cour d’appel s’est bornée à relever que M. X... a été hébergé dans la propriété de M. H... en novembre 2011 et qu’il a procédé, à différentes reprises, pour le compte de ce dernier, à l’enlèvement d’engin (tronçonneuse), d’équipements (casque anti-bruit) et de matériaux auprès de la société Tout faire matériaux à compter du 10 décembre 2011 ainsi qu’il en résulte des cinq factures produites qui portent la signature de M. X... ; qu’en statuant par ces motifs impropres à caractériser l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail :

9. Aux termes de ce texte, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

10. Il en résulte que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

11. Pour dire que la relation de travail avait débuté le 10 décembre 2011, l’arrêt retient qu’il résulte des pièces produites que M. X..., délié de son ancien bail à compter du 25 octobre 2011, a été hébergé dans la propriété de M. H... dès après, et en tous cas au moins en novembre 2011, puis qu’il a procédé, à différentes reprises, pour le compte de M. H..., à l’enlèvement d’engin, d’équipements et de matériaux à compter du 10 décembre 2011, dans des entrepôts de la société Tout faire matériaux, comme le montrent les différentes factures produites par les mentions dactylographiées et la signature de M. X..., qu’en l’absence de toute justification donnée par l’employeur à ces opérations successives effectuées pour son compte et non contestées, il convient de constater une prestation de travail effectuée par l’intéressé à compter du 10 décembre 2011.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’existence d’un travail effectif accompli dans un lien de subordination pour la période antérieure au 1er janvier 2012, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la relation de travail a débuté le 10 décembre 2011, en ce qu’il constate un travail dissimulé du 10 au 31 décembre 2011 et en ce qu’il condamne M. H... à payer à M. X... les sommes de 2 418 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 15 mars 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir rejeté la demande de requalification du contrat de travail en un contrat à temps complet et d’avoir, en conséquence, limité la condamnation de M. Q... H... envers M. P... X... aux sommes de 2 418 euros d’indemnité pour travail dissimulé et 5 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que « Sur la requalification du contrat de travail :

Monsieur H... conteste que Monsieur X... ait été à sa disposition permanente et rappelle que la convention collective applicable, celle du salarié du particulier employeur, rappelle en son article 15 que tout salarié dont la durée normale de travail est inférieure à 40 heures hebdomadaires est un travailleur à temps partiel, que les horaires irréguliers sont possibles et que la répartition des heures travaillées dans le contrat de travail n’est pas obligatoire. Ayant parfaitement respecté les dispositions reconventionnelles lors de la conclusion du contrat, et en l’absence de tout élément permettant de vérifier les allégations du salarié - qui n’a jamais contesté ses horaires de travail ni sa rémunération correspondant au temps partiel - sur son maintien à disposition permanente de l’employeur, l’appelant rappelle que la durée du travail de Monsieur X... a été fixée d’un commun accord à 9,50 heures hebdomadaires, temps d’ailleurs surestimé et susceptible d’être modulé, lui permettant de trouver un autre emploi pour une rémunération complémentaire. Il souligne que l’intimé effectuait des travaux pour des voisins et qu’à son insu, avec son épouse, il préparait des repas aux locataires du Timon Haut.

Monsieur X... considère que la convention collective nationale des salariés du particulier employeur n’est pas applicable en l’espèce, son lieu de travail étant dans les Alpes-de-Haute-Provence, à Pierrerue, alors que Monsieur H... est domicilié dans l’Isère, qu’il a été embauché au sein d’une propriété donnant lieu à des locations, et donc pour les besoins d’une activité commerciale. Ayant été embauché sans écrit du 25 octobre au 31 décembre 2011, puis par un contrat du 1er janvier 2012 ne contenant pas la répartition de sa durée de travail entre les jours de la semaine, les cas de modification éventuelle de cette répartition ainsi que d’autres mentions, il considère que la relation de travail doit être requalifiée à temps complet puisque son employeur ne rapporte pas la preuve de ce qu’il n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

La liste des tâches principales assignées à P... X... dans le contrat de travail correspond d’une part, à sa qualité de gardien (surveillance de la propriété, fermeture des portes, portail et volets, surveillance des alarmes, assurance d’une présence sécurisante, accueil des personnes lorsque la maison est louée, réception des locataires, visite et présentation de la propriété à ces derniers... à la fin de la location, vérification de la propreté, de l’état général de l’habitation, inventaire, ménage de la partie locative...) et d’autre part, en sa qualité d’homme toutes mains (entretien des terrasses, pelouses, allées, haies et arbustes, petits travaux de bricolage, entretien de la piscine et du mobilier de jardin, contact avec les différents corps de métier pouvant intervenir notamment).

La convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 qui prévoit qu’ "est salarié toute personne, à temps plein ou partiel, qui effectue tout ou partie des tâches de la maison à caractère familial ou ménager [...]. Le particulier employeur ne peut poursuivre, au moyen de ces travaux, des fins lucratives" ne saurait s’appliquer en l’espèce.

L’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet. L’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Force est de constater en l’espèce qu’aucun écrit n’a été établi pour le début de la prestation de travail en décembre 2011 et que le contrat de travail conclu le 1er janvier 2012 prévoit un temps partiel à hauteur de "9,50 h de travail par semaine" mais non la répartition de ces heures entre les jours de la semaine, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiqués par écrit au salarié, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires.

Pour démontrer la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire et sa répartition, le fait que le salarié n’avait pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition, Monsieur H... produit notamment diverses attestations de professionnels (maçon, plombier, pisciniste notamment) intervenus pour divers travaux sur la propriété [...] indiquant avoir prévenu l’intimé du créneau horaire correspondant à leur arrivée, d’un ami de passage n’ayant rencontré personne lors de sa visite, de locataires non accueillis à leur arrivée ou décrivant la piscine et le jardin non entretenus, des équipements non réparés, n’ayant pas remarqué d’activité particulière de la part du gardien pendant leur séjour ou très peu ayant dû pour certains (M... J... notamment) "passer l’aspirateur et la brosse dans la piscine et remettre en état son alarme. Il fournit les plannings d’occupation de la maison, diverses factures de professionnels intervenant sur la propriété (débouchage, ramonage, soudure), la copie d’un menu d’été à l’en-tête "[...]" ainsi qu’un avenant au contrat de travail, modifiant la durée du travail à 36 heures par mois, soit un horaire hebdomadaire de 9 heures, l’attestation d’un voisin G... E... disant que Monsieur X... et sa femme lui avaient "offert leurs services quand ils avaient du temps livre car ils avaient besoin d’argent", disant encore "j’ai remarqué que Monsieur X... ne travaillait pas de façon permanente dans la propriété de Monsieur H... et qu’il avait le temps de travailler pour autre emploi régulier quand il avait le temps" et relatant les activités professionnelles exercées par ailleurs par ses prédécesseurs. Il verse également au débat les attestations des précédents gardiens décrivant leur emploi du temps, leur autonomie d’action et leurs bonnes conditions de travail ainsi que des listes manuscrites de travaux décrits par l’intimé sur un cahier d’incident portant mention d’horaires manifestement corrigés.

Il résulte des cinq factures de matériaux enlevés par le salarié auprès de la société Tout Faire Matériaux en décembre 2011, et à défaut de toute preuve d’une autre prestation de travail, que cette dernière - pour la période antérieure à la conclusion du contrat de travail - était accomplie à temps partiel et que l’intéressé, intervenant seulement ponctuellement et hors la présence de l’employeur, connaissait son rythme de travail et n’était pas contraint de se maintenir à sa disposition en permanence.

Si les attributions de gardien assurant la surveillance de la propriété, telles que décrites dans le contrat de travail par la suite, peuvent être astreignantes, chronophages et même de nature à occuper un salarié nuit et jour, force est de constater à la lecture des différents témoignages produits que Monsieur X..., comme d’ailleurs Monsieur H... qui ne lui en a pas tenu rigueur, avait une toute autre conception du gardiennage, assurant de sa présence la propriété quand il n’était pas en déplacement ou n’avait pas d’activité ailleurs, fixant aux intervenants professionnels les créneaux horaires correspondant à sa disponibilité sur place et pouvant même laisser les clients prendre possession de leur location seuls. De même, dans ces conditions et eu égard aux témoignages faisant état d’interventions ponctuelles du gardien, l’absence de précision au contrat des jours d’accueil des clients et de remise des clés par eux ne saurait induire une quelconque incertitude du salarié quant à son rythme de travail.

En ce qui concerne ses attributions d’homme toutes mains, le contrat qui les précise constitue la preuve qu’elles étaient prévisibles et les factures et témoignages de professionnels intervenant régulièrement sur la propriété démontrent leur caractère limité, d’autant que ces artisans indiquent avoir eu Monsieur H... comme principal interlocuteur. Il est manifeste que le récapitulatif des salaires versés à Madame X..., épouse de l’intimé, par chèques emploi services en rémunération du ménage fait par elle à la demande des clients dans les lieux loués, montre que ces tâches n’incombaient à son mari que par défaut.

Les attestations produites décrivant un jardin et une piscine non entretenus montrent en outre un résultat correspondant à une durée de travail très réduite, et certains courriels versés aux débats démontrent un retard certain dans la réponse apportée à l’employeur sur des questions techniques, telles que les relevés de compteur par exemple, retard peu compatible avec l’assiduité alléguée.

Si le salarié invoque même avoir accompli des heures supplémentaires (sans toutefois formuler de demande de rappel de salaire à ce titre) en se fondant sur une liste portant mention des différents travaux effectués et de leur durée, de mars 2014 à mai 2015, ainsi qu’un courrier du 10 novembre 2014 réclamant paiement d’heures supplémentaires effectuées du 15 mars au 15 mai 2014 (61 h 30), force est de constater qu’il comptabilise ces heures en tenant compte des "36 heures mensuelles de (son) contrat, soit par deux mois, soit 72 heures", reconnaissant par là-même le temps partiel convenu et que, comme le fait remarquer l’employeur qui verse au débat une copie différente du cahier d’incident portant mention des travaux effectués en "mars et avril 2014 jusqu’au 15 mai 2014", la liste de l’intimé diffère de la copie du cahier d’incident lui-même visiblement raturé ou corrigé sur presque toutes les mentions d’horaires invoqués.

Les éléments fournis par Q... H... - et notamment les plannings d’occupation de la maison, les descriptions de l’état des lieux et les renseignements sur la présence du salarié - permettent de vérifier des périodes limitées de location, un temps de travail réduit, conforme aux contrats et avenants signés, ainsi qu’une grande liberté d’organisation de l’emploi du temps du salarié rendant possible, pour lui, non seulement de vaquer à ses occupations personnelles (cf. l’attestation de K... R..., dont la valeur probante n’est pas valablement critiquée, affirmant être "passé dans (sa) propriété ’[...]’ à Forcalquier pour ramasser des truffes le samedi 13 décembre 2014 et le dimanche 21 décembre 2014 accompagné d’un ami et de son chier. J’ai pu accéder à la propriété. J’y ai même garé mon véhicule sans être inquiété. Je n’ai pas vu de gardien. A aucun moment il n’est intervenu bien que nous ne nous connaissions pas. Nous sommes restés sur la propriété plus d’une heure et nous sommes repartis sans l’avoir rencontré. Une situation identique s’était déjà produite en 2013"), sans être tenu en permanence à la surveillance de la propriété ou à l’accueil des locataires, même en période estivale, mais encore d’être employé par ailleurs ou d’effectuer des travaux et prestations pour des tiers, comme le faisaient sans difficulté ses prédécesseurs - l’un d’eux ayant même été employé également comme conducteur de bus -.

La demande de requalification du contrat à temps complet doit donc être rejetée, par infirmation du jugement entrepris de ce chef » ;

Et aux motifs également que :

« S’agissant d’un licenciement opéré par un employeur occupant habituellement moins de onze salariés, par application de l’article L. 1235-5 du Code du travail, eu égard à l’âge du salarié (64 ans) au moment de la rupture, à son ancienneté (3 ans et un mois), à son salaire moyen mensuel brut (soit 403 euros, selon l’évaluation par le salarié de l’avantage en nature dont il bénéficiait et à la lecture des bulletins de salaire produits), de l’absence de justification de sa situation professionnelle après la rupture, il convient d’évaluer à 5 500 euros l’indemnisation du préjudice démontré par P... X... ».

Alors que l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet ; que l’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; que la Cour d’appel a retenu qu’ « Il résulte des cinq factures de matériaux enlevés par le salarié auprès de la société Tout Faire Matériaux en décembre 2011, et à défaut de toute preuve d’une autre prestation de travail, que cette dernière - pour la période antérieure à la conclusion du contrat de travail - était accomplie à temps partiel et que l’intéressé, intervenant seulement ponctuellement et hors la présence de l’employeur, connaissait son rythme de travail et n’était pas contraint de se maintenir à sa disposition en permanence » ; qu’elle a donc déduit le caractère partiel du temps de travail de ce seulement que le salarié ne rapportait pas la preuve d’un temps complet ; qu’elle a ainsi inversé la charge de la preuve et, par suite, violé l’article L. 3123-14 du Code du travail, dans sa version applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir constaté la compensation partielle des sommes réciproquement dues par les parties,

Aux motifs que « Cette dette de 1 133,08 euros (de Monsieur X... envers Monsieur H... au titre de l’indemnité d’occupation du logement) sera compensée par la créance de Monsieur X... à l’encontre de Monsieur H..., ces sommes étant réciproquement dues par les parties » ;

Alors que la compensation, qui est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes, s’opère à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies, sous réserve d’être invoquée ; qu’en l’espèce, aucune des deux parties n’avait invoqué la compensation des dettes et créances éventuellement susceptibles d’être réciproquement mises à leur charge ; qu’en "constatant" néanmoins la compensation partielle des sommes réciproquement dues par les parties, la Cour d’appel a violé l’article 1347 nouveau du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. H....

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué ;

D’AVOIR dit que la relation de travail a débuté le 10 décembre 2011, constaté un travail dissimulé du 10 au 31 décembre 2011 et, en conséquence, condamné M. H... à payer à M. X... la somme de 2 418 euros d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur H... conteste tout travail dissimulé du 25 octobre au 31 décembre 2011, souligne que ce n’est qu’en février 2015 que Monsieur X... s’est rendu compte qu’il avait effectivement travaillé pendant cette période et seulement en avril 2017 qu’il a sollicité le paiement du salaire y afférant. II explique qu’au décès de sa compagne, occupant le poste de travail litigieux, Monsieur L... Y..., cousin de Monsieur X..., a continué à occuper le logement à titre gratuit jusqu’à son déménagement fin décembre 2011, hébergeant l’intimé sans contrepartie. Il remarque que ce dernier n’est pas en mesure de justifier de la réalité d’une prestation de travail, les factures, photographies de travaux et courriers de son ancien bailleur n’étant pas probantes. Ne pouvant se permettre de déménager de l’Aude - où il résidait antérieurement - sans que la relation de travail soit déjà nouée, Monsieur X... considère avoir été employé dès le 25 octobre 2011, soit plus de deux mois avant la déclaration d’embauche et la signature d’un contrat de travail, après un entretien d’embauche datant de septembre 2011. Arguant du travail dissimulé ainsi réalisé, il sollicite la somme de 6 445,92 € par application de l’article L. 8223-1 du code du travail, sur la base d’un salaire à temps complet après requalification -qu’il sollicite- de son contrat de travail. L’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit qu’« est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales." L’article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu’ « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. » Il appartient au salarié d’apporter la preuve de la réalité de la prestation de travail dissimulée et d’une omission intentionnelle de l’employeur. Pour ce faire, Monsieur X... produit le courtier du 11 octobre 2011 de son ancien bailleur indiquant "nous recevons seulement ce jour votre lettre RAR pour infos de résiliation de bail suite à un contrat dans une autre région", l’état des lieux de sortie en date du 25 octobre 2011, une facture Internet Orange du 21 octobre 2011 destinée à Monsieur X..., domicilié à Pierrerue. Il se prévaut également de l’attestation de Monsieur Y... produite par la partie adverse et indiquant qu’il était hébergé surplace. Il fait valoir par ces éléments que la relation de travail était déjà nouée en octobre 2011 et qu’il travaillait puisqu’il verse au débat également des photographies de travaux, des factures de matériaux en date de décembre 2011 sur lesquelles figurent son nom et sa signature lors de l’enlèvement. L’absence de toute contestation en cours de relation de travail est indifférente en la cause. Les photographies produites s’avèrent inopérantes, en l’absence de tout élément permettant de corroborer la date et le lieu des travaux effectués, ainsi que leur auteur. Il résulte en revanche des différentes autres pièces produites que l’intimé, délié de son ancien bail à compter du 25 octobre 2011, a été hébergé au Timon Haut dès après, et en tous cas au moins en novembre 2011, puis a procédé pour le compte de Monsieur H... à différentes reprises à l’enlèvement dans les entrepôts de Forcalquier ou de Voix de la société TOUT FAIRE MATERIAUX d’engin (tronçonneuse), d’équipements (casque anti-bruit) et de matériaux à compter du 10 décembre 2011, comme les différentes factures produites le montrent par les mentions dactylographiées et la signature de l’intimé. En l’absence de toute justification donnée par l’employeur à ces opérations successives effectuées pour son compte et non contestées, il convient, nonobstant l’absence de réclamation du salarié à ce sujet de constater une prestation de travail effectuée par P... X... à compter du 10 décembre 2011. Bien qu’ayant procédé à la déclaration du salarié, à l’établissement d’un contrat de travail et des bulletins de salaire correspondants à compter de janvier 2012, l’omission intentionnelle de l’employeur est manifeste pour la période litigieuse, eu égard au nombre et à la nature des livraisons prises par le salarié, déjà hébergé dans la propriété. Par conséquent, faute de justifier d’une déclaration de cette période de travail et de la délivrance d’un bulletin de salaire correspondant, la demande d’indemnité pour travail dissimulé doit être accueillie, à hauteur de six mois de salaire. Cette indemnité sera chiffrée après analyse de la demande de requalification à temps complet du contrat de travail. Le jugement de première instance doit être infirmé de ce chef ».

ALORS QUE la condamnation au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé suppose, au préalable, de caractériser l’existence d’un contrat de travail ; que le lien de subordination juridique caractérise l’existence d’un contrat de travail ; que le lien de subordination juridique se définit comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour dire que la relation salariée a débuté le 10 décembre 2011, la cour d’appel s’est bornée à relever que M. X... a été hébergé dans la propriété de M. H... en novembre 2011 et qu’il a procédé, à différentes reprises, pour le compte de ce dernier, à l’enlèvement d’engin (tronçonneuse), d’équipements (casque anti-bruit) et de matériaux auprès de la société Tout faire matériaux à compter du 10 décembre 2011 ainsi qu’il en résulte des cinq factures produites qui portent la signature de M. X... ; qu’en statuant par ces motifs impropres à caractériser l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00461