Non respect législation sur le travail temporaire oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 8 avril 2009

N° de pourvoi : 07-41850

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Collomp (président), président

SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause la société Railrest ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société d’intérim Hors Clichés et mise à la disposition, en qualité d’hôtesse de quai, de la société Railrest, qui a pour activité la prestation de services à la clientèle de voyageurs à bord des trains « Thalys », pour la période du 19 août 2002 au 10 août 2003, dans le cadre de deux contrats de mission à temps partiel, le premier d’une durée d’un mois à compter du 19 août 2002, le second du 19 septembre 2002 au 19 août 2003 ; que le 25 septembre 2002, Mme X... a signé un contrat de travail temporaire pour la journée du 23 septembre ; que le 1er juillet 2003, elle a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable au licenciement pour le 1er juillet 2003 ; qu’elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 11 juillet 2003 pour avoir abandonné son poste de travail le 1er juillet 2003 ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le pourvoi incident de la société Hors Clichés :

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société de travail temporaire fait grief à l’arrêt d’avoir requalifié les contrats de mission d’intérim en un contrat à durée indéterminée la liant à la salariée et de l’avoir condamnée au paiement d’une indemnité de requalification au profit de la salariée, alors, selon le moyen :

1°/ que la loi exige la mention des fonctions exercées par le salarié intérimaire, et non celle de sa qualification, qui résulte des fonctions exercées ; que la cour d’appel a violé l’article L. 124-4 du code du travail ;

2°/ que la mise à disposition en qualité « d’hôtesse de quai », dans le cadre d’un accroissement passager d’activité, à savoir la création pendant un temps à durée déterminée d’un travail supplémentaire dont le renouvellement n’est pas assuré, n’implique pas le « remplacement » d’un autre salarié, ni par voie de conséquence l’indication, sur le contrat de mission, de la qualification d’un salarié inexistant ; qu’en requalifiant le contrat de mission, portant sur un accroissement passager d’activité, et donc sur la création d’un poste effectivement temporaire, en contrat à durée indéterminée, au prétexte inopérant et inapplicable à l’espèce que la qualification du salarié « remplacé » n’aurait pas figuré sur le contrat et que le temps de mission impliquait un temps de formation, la cour d’appel a violé les articles L. 124-2-1, L. 124-2-4 et L. 124-4 du code du travail par fausse application ;

3°/ qu’en vertu de l’article L. 124-7 du code du travail, le respect des dispositions des articles L. 124-2 et L. 124- 2-4 du même code incombe à l’entreprise utilisatrice du salarié intérimaire ; qu’en décidant que les prétendues irrégularités relevées, relatives à l’identification de la mission au sein de l’entreprise utilisatrice, entraînant soi-disant la requalification, incombaient exclusivement à la société de travail temporaire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des textes précités ;

Mais attendu que les dispositions de l’article L. 124-7, alinéa 2, devenu L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l’inobservation, par l’entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 devenus L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, n’excluent pas la possibilité, pour le salarié, d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite, n’ont pas été respectées ;

Et attendu que la cour d’appel ayant constaté qu’en violation des dispositions combinées des articles L. 124-3, alinéa 1, et L. 124-4, alinéas 1 à 9, devenus L. 1251-42 et L. 1251-16 du code du travail, l’entreprise de travail temporaire n’avait pas mentionné la qualification de la salariée intérimaire et du salarié remplacé, en a exactement déduit que la société Hors Clichés s’était placée en dehors du champ d’application du travail temporaire et que la relation contractuelle de travail avec le salarié relevait du droit commun ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Hors Clichés fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée au paiement d’une prime conventionnelle annuelle, alors, selon le moyen, que la société Hors Clichés a fait valoir, dans ses conclusions devant la cour d’appel, que le taux horaire de 10,29 euros, appliqué aux salariés de la société utilisatrice comme à Mme X..., incluait la prime conventionnelle annuelle ; qu’en prononçant une condamnation du chef de cette prime, sans vérifier qu’elle n’était pas comprise dans le taux horaire prévu au contrat de mission du salarié mis à disposition, et appliquée au personnel correspondant de la société utilisatrice, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 140-2 et L. 122-4-2 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l’article 8 de la convention collective de la restauration ferroviaire prévoit le versement par l’employeur d’une prime annuelle, correspondant à un mois de salaire augmenté de la prime d’ancienneté, en tenant compte du temps de travail effectif dans l’entreprise et que l’employeur ne justifiait pas du paiement de cette prime, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Mais le pourvoi principal de la salariée et de l’union locale CGT :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 212-4-3, alinéa 1, devenu L. 3123-14 du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes liées à la requalification de ses contrats de travail temporaire à temps partiel en un contrat à temps plein pour la période du 19 août 2002 au 19 août 2003, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les deux premiers contrats de travail ne mentionnaient pas d’horaire mais stipulaient « selon tableau de roulement », que les sociétés faisaient valoir que ce tableau était établi chaque mois, que, d’une part, les fréquentes modifications des tableaux n’étaient pas établies et que, d’autre part, compte tenu du type d’activité, le recours à un tableau de roulement paraissait évident et, enfin, que la salariée, qui ne contestait pas avoir travaillé à temps partiel, ne démontrait pas qu’elle devait se maintenir à la disposition de l’employeur ;

Attendu cependant que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ;

Qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a violé les articles susvisés ;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 125-1, alinéa 1, et L. 125-3, respectivement devenus L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour prêt illicite de main-d’oeuvre, la cour d’appel a retenu que, d’une part, l’inobservation par la société Hors Clichés de dispositions relatives au travail temporaire avait entraîné la requalification des contrats de travail temporaire de la salariée en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de la société de travail temporaire au paiement d’une indemnité et non de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice, et que, d’autre part, il n’était pas démontré que la société Hors Clichés aurait volontairement cherché à causer un préjudice à la salariée, notamment en la privant de l’application de la convention collective ou à éluder une disposition légale ;

Attendu cependant, d’une part, qu’il résulte de la combinaison des articles L. 125-1, alinéa 1, et L. 125-3, respectivement devenus L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail que toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail est interdite et, d’autre part, que les sanctions prévues pour la violation des dispositions relatives au travail temporaire ne sont pas exclusives de celles réprimant le marchandage et le prêt illicite de main-d’oeuvre et que la volonté de l’employeur de causer un préjudice au salarié est indifférente à caractériser ces infractions ;

Qu’en statuant comme elle a fait, par des motifs inopérants, alors qu’elle avait relevé que la société Hors Clichés, par les irrégularités commises dans l’élaboration des contrats de missions, s’était placée en dehors du champ d’application du travail temporaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 122-6, L. 122-8, alinéa 1, et L. 122-9, respectivement devenus L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, ayant retenu que la société Hors Clichés, avec qui Mme X... avait signé un contrat de travail temporaire, était son véritable employeur et disposait du pouvoir de rompre les relations contractuelles pour des raisons disciplinaires, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu’il était reproché à la salariée de ne pas avoir été présente à la porte du train le 1er juillet 2003 et retenu que cette absence était confirmée par le témoignage du « terminal manager » de la société Railrest et que la salariée, qui objectait qu’elle était présente mais sur le quai pour renseigner des passagers en difficulté en raison d’un mouvement de grève à la SNCF la veille, reconnaissait par là-même qu’elle n’était pas à son poste alors que la nature de son travail (se trouver à la porte du train) et les risques de pénalités importantes encourus par la société Railrest, en a déduit que cette absence constituait une faute grave ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le fait isolé pour une hôtesse de quai de ne pas avoir été présente à la porte d’un train à une seule occasion ne peut suffire à caractériser un manquement rendant impossible son maintien dans l’entreprise et n’est donc pas constitutif d’une faute grave, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le quatrième moyen :

Vu le principe « à travail égal, salaire égal » et les articles L. 124-4-2 et L. 140-2 devenus L. 1251-18 et L. 3221-2 du code du travail ;

Attendu que Mme X... faisait valoir qu’employée par contrat de travail temporaire, elle percevait une rémunération horaire inférieure à celle versée aux salariés de l’entreprise utilisatrice occupant les mêmes fonctions ;

Attendu que pour rejeter la demande de rappel de salaires à ce titre, l’arrêt retient que celle-ci fonde sa demande sur une comparaison avec la rémunération versée à une salariée postérieurement au départ de l’entreprise de Mme X... et avec la rémunération d’un salarié percevant un salaire d’un montant inférieur ;

Qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle ;

Sur le cinquième moyen :

Vu les articles L. 125-3-1 et L. 411-11 devenus respectivement L. 8242-1 et L. 2131-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter l’union locale CGT de Chatou de sa demande de dommages-intérêts, la cour d’appel a considéré qu’il n’était pas démontré par l’union locale CGT de Chatou que les manquements de la société Hors Clichés et de la société Railrest relevés dans l’arrêt soient de nature à porter un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession d’hôtesse de quai ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la violation des dispositions relatives au travail temporaire est de nature à porter préjudice à l’intérêt collectif de la profession, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa cinquième branche :

Vu l’article L. 124-7-1 devenu L. 1251-41 du code du travail ;

Attendu qu’il résulte de l’article L. 124-7-1 devenu L. 1251-41 du code du travail qu’en cas de requalification d’une mission d’intérim en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l’utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; qu’il en résulte qu’en condamnant la société Hors Clichés au paiement d’une indemnité de requalification, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant débouté la salariée de ses demandes relatives à la requalification de contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de sa demande de dommages-intérêts pour prêt illicite de main-d’oeuvre, de sa demande de rappels de salaire sur le fondement des articles L. 124-4-2 et L. 140-2 du code du travail, de ses demandes dirigées contre la société Railrest en cas de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et l’union locale CGT de Chatou de sa demande de dommages-intérêts et ayant condamné la société Hors Clichés au paiement d’indemnités de requalification, l’arrêt rendu le 8 février 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Hors Clichés et Railrest à payer à Mme X... et à l’union locale CGT de Chatou la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits -à l’appui du pourvoi principal- par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour Mme Daphné X... et l’union locale CGT de Chatou.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande de requalification du contrat de travail en contrat à temps plein ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mademoiselle X... expose que ses contrats de travail temporaire ne mentionnaient ni une durée préalablement fixée ni une répartition de cet horaire pendant la semaine et le mois et se bornaient à préciser que le travail serait effectué suivant l’horaire de roulement et conclut à la requalification de ses contrats de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein ; Néanmoins, que c’est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs, que la Cour adopte, en l’absence d’éléments nouveaux, que le Conseil de prud’hommes a débouté Mademoiselle X... de cette demande en précisant que les fréquentes modifications des tableaux et l’obligation en découlant de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur alléguées par la salariée n’étaient établies par aucune pièces ; par ailleurs, que Mademoiselle X... soutient que les dispositions de l’article L. 212-4-6 du Code du travail n’ayant pas été respectées par la SARL Rail Rest, l’accord collectif du 7 novembre 2002 prévoyant un temps de travail annualisé est illégal et ne peut pas lui être opposé et qu’en conséquence, cette dernière ne pouvait pas se prévaloir d’un aménagement du temps de travail de ce type ; que l’article L. 212-4-6 du Code du travail précise qu’une convention ou un accord d’entreprise n’ayant pas fait l’objet d’opposition dans un délai de huit jours d’une ou des organisations syndicales habilitées n’ayant pas signé l’un des textes en question ou à défaut des délégués du personnel, peut prévoir que la durée hebdomadaire de travail peut varier dans certaines conditions sur tout ou partie de l’année ; qu’il n’est pas soutenu par Mademoiselle X... que l’accord litigieux, signé par les syndicats CFDT et Force ouvrière, aurait été dénoncé, alors que les modalités relatives à l’aménagement du temps de travail des personnels sédentaires d’exécution ont été régulièrement précisées dans ce document et s’appliquent aux hôtesses de quai ; qu’enfin, les clauses du contrat de travail sont conformes aux dispositions de l’article L. 212-4-3 du Code du travail puisque la durée mensuelle de travail, la qualification du salarié et les éléments du salarié et que la répartition du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois étaient communiquées avec un délai de prévenance de septembre jours ; que Mademoiselle X... sera donc déboutée de ses demandes liées à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein ; que Mademoiselle X..., qui ne démontre pas que l’employeur n’aurait pas déclaré toutes les heures travaillées, doit également être déboutée de sa demande de condamnation pour travail dissimulé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les deux contrats de travail ne mentionnent pas d’horaire mais stipulent : « selon tableau de roulement ». Les sociétés font valoir que le tableau était établi tous les mois. La demanderesse invoque la difficulté de comprendre ce tableau et ses fréquentes modifications ; d’une part, que ces dernières ne sont démontrées par aucun document. Cet argument sera donc écarté ; d’autre part, que compte tenu du type d’activité, le recours à un tableau de roulement paraît évident ; enfin, qu’il n’est pas contesté par la salariée qu’elle travaillait à temps partiel et elle ne démontre pas qu’elle devait se maintenir à la disposition de son employeur ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre et de celle au titre d’un travail dissimulé qui est lié ;

1°) ALORS QU’en l’absence de contrat écrit ou des mentions légales quant à la durée du travail et à sa répartition, l’emploi est présumé à temps complet ; qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d’une part qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur ; qu’après avoir constaté que les contrats de travail de la salariée ne mentionnaient pas d’horaire et prévoyaient seulement que le travail serait effectué « selon tableau de roulement », la Cour d’appel qui a débouté la salariée au motif qu’elle n’apportait pas la preuve des fréquentes modifications des tableaux et de l’obligation en découlant pour elle de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble l’article L. 212-4-3 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE (subsidiairement), en se bornant à énoncer que compte tenu du type d’activité, le recours à un tableau de roulement apparaissait évident, la Cour d’appel n’a relevé aucun élément d’où il résulterait que l’employeur a renversé la présomption d’emploi à temps plein ; qu’en déboutant la salariée de sa demande de requalification, la Cour d’appel a derechef violé l’article L. 212-4-3 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE selon l’article L. 212-4-6 du Code du travail relatif au travail à temps partiel modulé le contrat doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle de référence, les autres éléments devant être impérativement fixés par la convention ou l’accord collectif relatif à l’organisation du temps de travail ; que pour débouter la salariée de sa demande de requalification en contrat à temps plein du contrat ne portant pas mention de la répartition des horaires de travail dans la semaine ou dans le mois, la Cour d’appel a retenu qu’il n’était pas démontré que l’accord collectif, incomplet, aurait été dénoncé ; qu’en statuant par ce motif inopérant quand l’accord collectif, même non dénoncé, ne pouvait pallier la carence du contrat de travail, la Cour d’appel a violé l’article L. 212-4-6 du Code du travail ;

4°) ALORS QU’en s’abstenant de vérifier si l’accord collectif du 7 novembre 2002 comportait des mentions relatives aux modalités de décompte de la durée du travail, aux modalités de durée minimale journalière et aux modalités d’information du salarié sur les programmations d’horaires et les modifications de ces horaires, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 212-4-6 du Code du travail ;

5°) ALORS QU ‘en déclarant opposable aux salariés intérimaires l’accord collectif d’aménagement du temps de travail de la société utilisatrice instituant un travail à temps partiel modulé sur l’année, sans rechercher si les contrats de mission faisaient référence à cet accord, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 212-4-6 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande de dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite ;

AUX MOTIFS QUE la salariée demande que la SARL Hors Clichés soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre ; qu’elle soutient qu’en cas de requalification en application des dispositions de l’article L. 212-3-13 du Code du travail, le prêt de main d’oeuvre devient facto illicite, notamment parce que le salarié se trouve privé du bénéfice de la convention collective nationale applicable ; que l’article L. 125.3 du Code du travail interdit les opérations à but lucratif ayant pour objet le prêt de main d’oeuvre qui ne seraient pas effectuées dans le cadre des dispositions relatives au travail temporaire ; qu’en outre, selon l’article L. 125.1 du Code du travail, est interdit le marchandage de main d’oeuvre lequel est constitué par toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui aurait pour effet de causer un préjudice au salarié ou d’éluder les dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou d’accord collectif de travail ; qu’en l’espèce, l’inobservation par la SARL Hors Clichés de dispositions relatives au travail temporaire a entraîné la requalification des contrats de travail temporaire de la salariée en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de la société de travail temporaire au paiement d’une indemnité et non de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice ; qu’en outre, il n’est pas démontré que la SARL Hors Clichés aurait volontairement cherché à causer un préjudice à la salariée, notamment en la privant de l’application de la convention collective ou à éluder une disposition légale ; que la salariée doit être déboutée de ses demandes ;

1°) ALORS QUE la requalification du contrat de travail temporaire irrégulier en contrat à durée indéterminée et l’allocation de l’indemnité afférente ne sont pas exclusives de la condamnation de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice à des dommages-intérêts envers le salarié pour marchandage ou prêt illicite de main d’oeuvre ; qu’en déboutant la salariée au motif que l’inobservation des dispositions relatives au travail temporaire avait donné lieu à la requalification du contrat et à une indemnité, la Cour d’appel a violé les articles L. 125-1 et L. 125-3 du Code du travail ;

2°) ALORS QU’aux termes de l’article L. 125-1 du Code du travail, toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail ou « marchandage » est interdite ; que la sanction de ces opérations illicites n’est pas subordonnée au caractère intentionnel de l’infraction ; qu’en retenant dès lors, pour débouter la salariée de sa demande qu’il n’était pas démontré que l’entreprise de travail temporaire avait volontairement cherché à lui causer un préjudice, la Cour d’appel a violé l’article L. 125-3 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit le licenciement de Mademoiselle X... justifié par une faute grave ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c’est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs, que la Cour adopte en l’absence d’éléments nouveaux, que le Conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement pour faute grave de Mademoiselle X... était fondé ; que le jugement sera confirmé de ce chef de demande ; qu’en effet, contrairement à ce que soutient Mademoiselle X..., la SARL Hors Clichés, avec qui elle avait signé un contra de travail temporaire, était son véritable employeur et disposait du pouvoir de rompre les relations contractuelles pour des raisons disciplinaires ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il est reproché à Mademoiselle X... de ne pas avoir été présente à la porte du train le 1er juillet 2003. Son absence est confirmée par un rapport de Monsieur Y... « terminal manager » de la société Rail Rest. Mademoiselle X... objecte qu’elle était présente mais sur le quai pour renseigner des passagers en difficulté en raison d’un mouvement de grève à la SNCF la veille. Elle ne produit à ce titre aucun élément et reconnaît par là même qu’elle n’était pas à son poste ; qu’il y a donc lieu de retenir que les faits sont établis ; or, l’essence de sa mission était de se trouver à la porte du train et la société Rail Rest était exposée à des pénalités importantes dès lors qu’elle ne satisfaisait pas à cette obligation. La nature de son travail et les risques encourus par la société confèrent à cette faute une nature de faute grave ; qu’elle sera donc déboutée de ses demandes au titre de la rupture et au titre de l’indemnité de fin de contrat celle-ci n’étant pas due en cas de rupture pour faute grave ;

1°) ALORS QU’aux termes de l’article L. 124-7, alinéa 2, du Code du travail, lorsqu’un utilisateur a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4, ce salarié peut faire valoir auprès de l’utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ; qu’il s’ensuit que, dans l’hypothèse de la requalification du contrat, l’entreprise de travail temporaire n’a pas qualité pour notifier le licenciement, cette qualité appartenant ab initio à l’entreprise utilisatrice ; qu’en retenant dès lors, pour écarter le moyen tiré de l’absence de lettre de licenciement, que la SARL Hors Clichés était le véritable employeur de la salariée, quand elle requalifiait le contrat de mission en contrat à durée indéterminée, après avoir relevé que le recrutement de Mademoiselle X... n’avait ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, la Cour d’appel a violé les articles L. 124-7, L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis ; que pour déclarer fondé sur une faute grave le licenciement de Mademoiselle X..., engagée en qualité « d’hôtesse de quai » pour accueillir les voyageurs de trains Thalys, la Cour d’appel a retenu qu’elle n’était « pas présente à la porte du train le 1er juillet 2003 » ; qu’en statuant ainsi sans établir en quoi ce fait isolé avait rendu impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis, cependant que la salariée soutenait se trouver sur le quai pour renseigner des passager en difficulté en raison d’un mouvement de grève la veille, la Cour d’appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande de rappel de salaire ;

AUX MOTIFS QUE Mademoiselle X... fonde sa demande sur la comparaison avec les salaires de deux salariés dont l’une, Mademoiselle Z..., a perçu la rémunération réclamée à une époque où l’intimée avait quitté la société et l’autre Monsieur A... avait un salaire d’un montant inférieur ;

ALORS QUE selon les articles L. 124-4-2 et L. 140-2 du Code du travail, la rémunération que perçoit le salarié lié par un contrat de travail temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l’entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail ; que pour débouter Mademoiselle X... de sa demande, la Cour d’appel a retenu que la salariée de référence avait perçu une rémunération supérieure mais pour une période postérieure au départ de la salariée intérimaire ; qu’en subordonnant ainsi l’égalité de la rémunération à une condition que la loi ne prévoit pas, sans constater que les salariées n’auraient pas eu une qualification équivalente ou n’auraient pas occupé le même poste de travail, la Cour d’appel a violé les articles L. 124-4-2 et L. 140-2 du Code du travail.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté l’Union Locale CGT de Chatou de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU’il n’est pas démontré par l’Union Locale CGT de Chatou que les manquements de la SARL Hors Clichés et de la SARM Rail Rest relevés dans l’arrêt soient de nature à porter un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession d’hôtesse de quai (cf. arrêt p. 10 § III) ;

ALORS QUE les manquements de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice à l’égard des salariés portent une atteinte à l’intérêt collectif de la profession dont le syndicat doit obtenir réparation ; qu’en déboutant l’Union Locale CGT de Chatou de sa demande de dommages-intérêts au motif inopérant qu’une atteinte à l’intérêt collectif de « la profession d’hôtesse de quai » n’était pas démontrée, quand elle sanctionnait notamment par la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée les manquements des sociétés Hors Clichés et Rail Rest envers la salariée, la Cour d’appel a violé l’article L. 411-11 du Code du travail.

Moyens produits -à l’appui du pourvoi incident- par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Hors Clichés.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR REQUALIFIE les contrats de mission d’intérim en un contrat à durée indéterminée liant la salariée à la société Hors Clichés et D’AVOIR CONDAMNE cette société au paiement d’une indemnité de requalification au profit de la salariée ;

AUX MOTIFS QUE Mademoiselle X... a été mise à disposition en qualité d’hôtesse de quai au départ des trains Thalys, suivant deux contrats de mission, à compter du 19 août 2002 et jusqu’au 19 août 2003 ; que le motif de mise à disposition dans les deux premiers contrats étaient « tâche occasionnelle précisément définie et non durable, création de poste, formation » ; que le troisième contrat (absorbé par le second) mentionnait : « accroissement temporaire de l’activité ; travail supplémentaire » ; que l’article L. 124-2-1 du Code du travail n’autorise pas le recours au travail temporaire pour créer un poste ou former du personnel, alors que l’imprécision du motif équivaut à une absence de motif ; que par ailleurs il s’ensuit de l’absence de la mention de la qualification du salarié remplacé ou du salarié embauché dans les contrats de mission que l’employeur s’est placé en dehors du champ d‘application du travail temporaire et qu’en conséquence, la relation contractuelle de travail relevait du droit commun ; que ces irrégularités entraînent la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et incombent à la société Hors Clichés qui était chargée de l’établissement des contrats de travail ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la loi exige la mention des fonctions exercées par le salarié intérimaire, et non celle de sa qualification, qui résulte des fonctions exercées ; que la Cour d’appel a violé l’article L. 124-4 du Code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE la mise à disposition en qualité « d’hôtesse de quai », dans le cadre d’un accroissement passager d’activité, à savoir la création pendant un temps à durée déterminée d’un travail supplémentaire dont le renouvellement n’est pas assuré, n’implique pas le « remplacement » d’un autre salarié, ni par voie de conséquence l’indication, sur le contrat de mission, de la qualification d’un salarié inexistant ; qu’en requalifiant le contrat de mission, portant sur un accroissement passager d’activité, et donc sur la création d’un poste effectivement temporaire, en contrat à durée indéterminée, au prétexte inopérant et inapplicable à l’espèce que la qualification du salarié « remplacé » n’aurait pas figuré sur le contrat et que le temps de mission impliquait un temps de formation, la Cour d’appel a violé les articles L. 124-2.1, L. 124-2.4 et L. 124-4 du Code du travail par fausse application ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’en vertu de l’article L. 124-7 du Code du travail, le respect des dispositions des articles L. 124-2 et L. 124-2-4 du même Code, incombe à l’entreprise utilisatrice du salarié intérimaire ; qu’en décidant que les prétendues irrégularités relevées, relatives à l’identification de la mission au sein de l’entreprise utilisatrice, entraînant soi-disant la requalification, incombaient exclusivement à la société de travail temporaire, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des textes précités ;

ALORS ENFIN QUE la requalification d’un contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, prononcée à l’encontre de la société de travail temporaire, n’emporte pas sa condamnation au paiement d’une indemnité de requalification ; qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 124-7-1 du Code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR CONDAMNE la société de travail temporaire Hors Clichés au paiement d’une prime conventionnelle annuelle ;

AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la salariée demande paiement d’une prime annuelle prévue par l’article 8 de la convention collective de la restauration ferroviaire, et correspondant à un mois de salaire mensuel augmenté de la prime d’ancienneté en tenant compte du temps de travail effectif dans l’entreprise ; que la salariée devait percevoir cette prime conformément aux dispositions de l’article L. 124-4-2 du Code du travail ; que la société Hors Clichés ne peut opposer qu’elle l’aurait intégrée dans le taux horaire alors que cette prime n’est pas individualisée sur le bulletin de paie et que la salariée pouvait légitimement penser qu’elle s’ajoutait aux horaires ;

ALORS QUE la société Hors Clichés a fait valoir dans ses conclusions devant la Cour d’appel, que le taux horaire de 10,29 euros appliqué aux salariés de la société utilisatrice comme à Mademoiselle X..., incluait la prime conventionnelle annuelle ; qu’en prononçant une condamnation du chef de cette prime, sans vérifier qu’elle n’était pas comprise dans le taux horaire prévu au contrat de mission du salarié mis à disposition, et appliqué au personnel correspondant de la société utilisatrice, la Cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 140-2 et L. 122-4-2 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 8 février 2007