Finalités des textes

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 juin 2016

N° de pourvoi : 14-80041

ECLI:FR:CCASS:2016:CR03465

Publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

 M. Brahim X...,

L- a société ABL,

contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 23 octobre 2013, qui a condamné le premier, pour aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, travail dissimulé, emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, à un an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, la seconde, pour complicité de soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, à 5 000 euros d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LAURENT, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général BONNET ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 622-1 et L. 622-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, L. 1221-1, L. 8221-1 et suivants du code du travail, L. 8251-1 et suivants du code du travail, 225-14 et 225-15 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, du principe des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Brahim X...et la société ABL coupables des faits qui leur sont reprochés, et a prononcé sur la répression ;
” aux motifs propres que M. X...conteste les infractions qui lui sont reprochées et plaide la relaxe ; qu’il explique que les trois personnes retrouvées au sous-sol au 7 rue de Budange étaient en situation régulière sur le territoire français, qu’elles étaient arrivées il y a peu de temps pour une visite familiale et qu’elles n’ont jamais travaillé pour lui ; qu’il estime que les charges à son encontre résident dans le témoignage de M. Mohamed Y...à qui un contentieux l’opposait et dans des surveillances qui ne se révèlent pas probantes ; qu’il remet en question les déclarations faites par M. Zaïd Z... expliquant que ce dernier n’avait pas bénéficié d’un interprète en berbère ; qu’ainsi, qu’il a été indiqué précédemment, trois surveillances ont été effectuées ; que la première date du 14 avril 2012, 22 heures et constate la présence de lumière émanant d’une lucarne située au niveau du sous-sol ; que les enquêteurs concluent par ces termes “ laissant supposer que ce dernier [le sous-sol] est occupé “ ; que, la seconde date du 26 avril 2012, de 9 heures à 12 heures ; que les enquêteurs précisent avoir constaté après 11 heures qu’à l’arrière de la bâtisse sise au 7 rue de Budange, un individu de corpulence forte, en tenue civile, qui ne sont pas des vêtements de travail se présente dans le cadre observé, il semble se pencher sur un sac contenant de l’agrégat (sable ou ciment) sérigraphié au nom de Leroy Merlin ; que plus tard, un autre homme plus jeune et de corpulence fine en tenue civile souillée de plâtre, se présente lui aussi dans le cadre observé, il effectue un bref aller-retour vers les matériaux entreposés dans la cour ; qu’enfin, à 11 heures 30, un homme vêtu en jogging et en claquettes de plage, sort de l’arrière de la maison sise au 7 rue de Budange et se dirige vers la rue du Temple ; que la troisième date du 1er mai à 10 heures, et constate la présence de trois personnes de type maghrébin sur le chantier, debout dans une remorque de camion en train de décharger du matériel de construction ; qu’il est précisé que ces personnes regardent avec insistance et à plusieurs reprises en direction de la rue tout en déchargeant le matériel ; que ces surveillances mettent en évidence, à travers leur activité et leurs vêtements, que trois hommes travaillent sur le chantier du 7 rue de Budange ; que, contrairement à ce qui est allégué, ces hommes ne déchargeaient pas le 1er mai 2012 du matériel de conservation de viande froide appartenant à M. Driss A... ; qu’en effet, d’une part, aucune livraison ne pouvait intervenir un 1er mai jour férié en France ; que, d’autre part, la surveillance précise que les trois hommes manipulaient du matériel de construction et, enfin, M. Driss A...n’évoque jamais lors de son audition, s’être fait livrer du matériel et de l’avoir fait décharger par les trois personnes vues sur le chantier ; que de plus, les attestations produites par M. X...à ce sujet, indiquent seulement qu’une livraison et pose d’une chambre de pousse et les installations, mise en place et mise en route de matériel de boucherie ont été effectuées pour le 9 rue de Budange entre le 30 avril et le 10 mai 2012 ; que ces attestations ne prouvent aucunement qu’une livraison a été faite le 1er mai au matin ; que ces trois hommes logent au sous-sol du 7 rue de Budange ; que, d’une part, le 26 avril 2012, un d’entre eux est vu sortant de cet endroit ; que, d’autre part, le 2 mai 2012, jour de contrôle à 9 heures 45, les enquêteurs constatent la présence d’une forme humaine derrière les vitres de la cave de la maison, alors qu’ils se trouvent au 9 rue de Budange, et se rendant à cet endroit, constatent la présence de trois personnes d’origine marocaine logées dans le sous-sol aménagé ; que ces surveillances confortent la véracité du témoignage de M. Y..., peu importe le mobile à l’origine de son concours ; qu’enfin, les surveillances et le témoignage de M. Y...sont affermis par le témoignage de M. Z... ; que M. X...argue que ce dernier n’ayant pas bénéficié d’un interprète en berbère, a mal compris les questions qui lui étaient posées et demande que ses déclarations soient écartées du débat ; qu’il ressort des procès-verbaux relatifs à sa garde à vue que M. Z... ne s’est jamais plaint de ne pas comprendre l’interprète qui l’assistait, qu’il a répondu de manière précise et circonstanciée et non par des simples affirmations ou négations aux questions qui lui étaient posées, démontrant ainsi qu’il avait bien compris ces dernières ; que M. Z... indique travailler, ainsi que deux des autres personnes trouvées avec lui pour M. X... ; qu’il avait d’ailleurs été photographié en train de décharger des marchandises devant le magasin Proxi en décembre 2011 ; que la similitude des attestations produites par M. Z... au soutien de M. X...avec les explications données par celui-ci sur sa présence au 7 rue de Budange et la tardiveté de ces attestations font douter du crédit à leur donner ; qu’il convient de préciser que, ainsi que l’indiquaient MM. Y...et Z..., l’hébergement dans le sous-sol du 7 rue de Budange n’était pas ponctuel, servant à des visiteurs familiaux ou des amis ; qu’ainsi, l’augmentation de la consommation d’électricité ne peut s’expliquer par l’activité du cabinet médical ou l’occupation occasionnelle du sous-sol ; que les factures produites par M. X...démontrant une consommation constante d’électricité sont relatives au 9 rue de Budange et ne sont donc pas probantes ; que le caractère habituel de cette résidence ressort également lors du contrôle du 2 mai 2012 de la présence de vêtements, dont des vêtements de travail accrochés à des patères ou disposés dans une armoire, dont la légende d’une photographie de l’album précise qu’elle contient des vêtements et sacs appartenant aux trois ouvriers ; qu’en conséquence, il ressort des éléments ainsi exposés que MM. D..., E...et Z..., travaillaient pour M. X...et logeaient au sous-sol du 7 rue de Budange depuis plusieurs mois, voire un an, pour M. Z... ; que ces faits sont constitutifs d’une aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France par fourniture d’un logement et d’un travail ; que, d’une part, ni MM. D...ni Z..., n’avaient de titre de séjour régulier sur le territoire français, vu les décisions d’éloignement les concernant, prises par l’autorité préfectorale ; que s’agissant de M. D..., l’autorité préfectorale précise dans sa motivation que ce dernier était arrivé sur le territoire français courant janvier 2012, contredisant ainsi son affirmation d’une présence de seulement quinze jours ; que s’agissant de M. E..., aucune autorisation de travail n’était produite, que, par ailleurs, il était vu par les enquêteurs sur le chantier du 7/ 9 rue de Budange, en habits de travail et était reconnu par M. Y... comme travaillant pour le compte de M. X...depuis quelque temps ; que ces deux éléments viennent infirmer ses explications, par ailleurs, fantaisistes sur la visite de brocantes ; que ces faits sont également constitutifs d’un travail dissimulé, les trois ouvriers étrangers n’étant pas déclarés ; que l’argument selon lequel le chantier sur lequel ils travaillaient ne serait pas précisément déterminé est sans incidence sur la qualification de l’infraction ; que M. X...ne conteste d’ailleurs pas qu’un chantier était déclaré au 9 rue de Budange et qu’un autre s’était ouvert sans autorisation au 7 rue de Budange ; (...) que M. X...et son frère Ali, en tant que représentant de la société ABL, contestent que les conditions d’hébergement au sous-sol du 7 rue de Budange soient indignes et soutiennent même l’utiliser comme cuisine d’été, s’y reposer ou y dormir de temps en temps ; que cependant, les photographies prises par les enquêteurs montrent des locaux non sécurisés, très sommaires, exigus, en contraventions multiples avec les règles relatives à l’hébergement de salariés ; que M. X...a sciemment commis les infractions qui lui sont reprochées ainsi que l’indique le fait qu’il ait convenablement procédé aux déclarations des salariés du Proxi ou qu’il n’ait pas demandé un permis de construire pour le chantier du 7 rue de Budange ; que ces infractions procèdent d’une volonté affirmée de s’affranchir de règles considérées comme trop contraignantes alors même qu’elles ont pour objectif de protéger tout travailleur ;
” et aux motifs adoptés, que l’enquête diligentée par la brigade de gendarmerie d’Uckange a débuté en mars 2012, à la suite de renseignements donnés par une personne d’abord désireuse de garder l’anonymat (elle apparaîtra nommément en cours de procédure) au sujet des conditions dans lesquelles M. X...ferait travailler des ouvriers d’origine étrangère dépourvus de titre de travail pour procéder à des travaux de réalisation d’un parking, d’appartements et de locaux professionnels, au 7 et 9 rue de Budange à Uckange, en les hébergeant au demeurant dans des conditions d’hygiène déplorables dans la cave de l’immeuble situé au numéro 7 ; que cette personne indiquait que les travaux duraient depuis déjà deux ans, et qu’elle avait dénombré la présence d’une quinzaine d’ouvriers différents, mais qu’au moment de sa démarche auprès de la gendarmerie, quatre à six ouvriers seraient quotidiennement présents sur le chantier, dont trois d’origine marocaine, qu’il disait se prénommer MM. Mohamed, Brahim et Zaïd ; que les gendarmes ont d’abord entrepris au cours du mois d’avril des investigations au sujet de la situation financière et patrimoniale de M. X...et de celle des sociétés commerciales et des sociétés civiles immobilières appartenant à MM. X...et à ses frères ; qu’en ce qui concerne les investigations, concernant directement l’emploi de main-d’oeuvre clandestine sur le chantier et l’hébergement d’ouvriers sur le chantier lui-même, l’enquête mentionne deux contrôles précédant leur intervention sur le site ; que le 14 avril à 22 heures, lors d’un service de surveillance générale, de passage au niveau du n° 7 de la rue de Budange, où se situe une maison uniquement occupée par un cabinet médical, ils observaient au sous-sol, où des travaux étaient en cours pour la construction d’un salon de coiffure, la présence de lumière laissant présumer une occupation nocturne ; que, renseignements pris plus tard auprès de la régie d’électricité d’Uckange, il apparaissait que la consommation du premier semestre 2012 ne pouvait s’expliquer par la simple occupation de l’immeuble du fait du cabinet médical, mais devait être justifiée par l’usage important d’un chauffage électrique ; que le 1er mai 2012, à 10 heures, les enquêteurs constataient la présence de trois personnes de type maghrébin sur le chantier, debout dans une remorque de camion en train de décharger du matériel de construction, regardant avec insistance et à plusieurs reprises en direction de la rue tout en travaillant ; que le 2 mai 2012, accompagnés par des agents de l’URSSAF, mais aussi de la direction des entreprises de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (qui adressera son propre rapport au parquet fin septembre), les enquêteurs procédaient au 9 rue de Budange au contrôle de l’entreprise Proxi et de ses annexes et dépendances (entreprise d’alimentation boucherie gérée autrefois en SARL par les frères Marghich, se situant dans un local appartenant à M. X..., le fonds devant être repris par M. Driss A...et au contrôle du chantier en cours au numéro 7 ; qu’il convient d’observer que M. Driss A..., placé en garde à vue, affirmait n’avoir vu aucun ouvrier travailler sur le chantier depuis un mois, que son entreprise occupait le local ; que le 2 mai à 9 heures 45, les enquêteurs constataient la présence de trois personnes d’origine marocaine, logées dans un local sommairement aménagé en sous-sol ; que l’état de cette cave est décrit en ces termes dans le rapport de la DIRECCTE : “ absence de confort, de protection, d’intimité, absence de ventilation, câbles électriques à nu, endroit très confiné (30 mètres carré), hauteur de plafond de moins de 2 mètres, chambres de 5 mètres carré (espace de couchage réduit, comprenant deux lits “ ; qu’à la vue des photographies figurant à la procédure, le tribunal observe lui-même, combien les conditions d’hébergement sont particulièrement précaires, les conditions de sécurité potentiellement dangereuses et les conditions d’hygiène douteuses ; que la présence et la proximité immédiate de vêtements de travail et de matériel de travail démontrent aussi qu’il s’agit d’effets vestimentaires et d’outils de personnes travaillant sur le chantier et non pas de personnes de passage ; que M. I..., docteur, locataire de la maison occupant le numéro 7, affirmait qu’il n’avait pas fait attention au fait que des travaux seraient en cours derrière son cabinet et n’avoir vu que des personnes de la famille hébergées dans ce logement de fortune situé en dessous de celui-ci ; que, parmi les trois personnes entendues sur les raisons de leur présence, deux d’entre elles ont donné des explications peu convaincantes ; que M. D...a déclaré n’être hébergé là, que depuis quinze jours, et seulement parce que M. X...devait l’aider à lui faire obtenir un poste d’imam à Uckange, et qu’il l’attendait pour ce faire alors que M. X...était momentanément au Maroc, tout en se préparant à rentrer en Italie quand M. X...serait rentré ; qu’il contestait avoir travaillé pour lui sur le chantier, et il disait savoir qu’il ne pouvait travailler en France ; que M. E...déclarait qu’il n’était arrivé en France que depuis deux semaines, hébergé par la famille X..., qu’il n’avait jamais travaillé pour M. X..., même s’il avait pu donner un coup de balai pour rendre service ; que seul M. Z... faisait des déclarations circonstanciées sur son arrivée en France, pour travailler pour M. X..., disait-il clairement, il y a environ un an, travaillant 7 à 9 heures par jour, avec le dimanche comme jour de repos, moyennant 800 euros par mois, sans contrat de travail et sans autorisation préalable ; qu’il disait être hébergé par lui, dans cette cave, comme les deux autres personnes, employées comme lui « On ne nous empêche pas de sortir, mais on sort pas, on travaille et on rentre à notre habitation » ; que le tribunal rappelle qu’il était, comme les deux autres, assisté par un interprète ; que M. X...a présenté pour sa défense à l’audience, la traduction d’un document manuscrit présenté comme ayant été rédigé par M. Z... qui reviendrait sur ses déclarations antérieures, n’ayant été de passage à Uckange que pour une nuit et n’ayant jamais travaillé pour M. X... ; que le tribunal n’est pas convaincu de crédibilité de ce document, qu’il qualifiera au moins d’opportuniste, et de son utilité pour la défense de la cause de M. X... ; qu’en cours d’enquête, le 29 mai 2012, les enquêteurs entendaient par procès-verbal M. Y..., gérant du snack sis au numéro 9 rue de Budange : « J’ai côtoyé ces gens, ils venaient manger au snack et j’ai discuté plusieurs fois avec eux. Ils m’ont expliqué leur situation, qu’ils travaillent pour le compte de M. X...dans des travaux de bâtiment. Je les ai vu souvent travailler. C’est la raison pour laquelle je vous ai prévenu pour que vous fassiez quelque chose. Cela fait depuis 2009 que je suis dans ce local et il y a toujours eu des étrangers qui travaillent pour M. X.... Parfois même une dizaine » ; qu’interrogé, quant au témoignage de M. I..., docteur, il a déclaré : « Oui il les a vus en bas et il les a vus travailler. S’il ne les a pas vus c’est grave » ; que le témoin a également remis aux enquêteurs une photographie qu’il avait prise le 15 décembre 2011, la date figure incrustée sur la photo, où l’on voit deux personnes décharger une camionnette devant le magasin Proxi : M. Z... à l’intérieur du véhicule et M. Khalid X..., fils de Brahim reconnus par M. Ali X..., lors de son audition ; que le tribunal considère cet élément comme révélateur de la présence de M. Z... à cette date sur les lieux mais ne considère pas que cela révélerait en quoi que ce soit qu’il aurait été employé par M. X...pour les besoins du commerce d’alimentation établi à cette adresse ; qu’à l’audience, M. X...a contesté ce témoignage au motif que le témoin et lui auraient un différend ; que le tribunal l’estime au contraire digne de foi, au moins en ce qui concerne la présence sur le chantier des trois personnes dont il avait indiqué le prénom dès le mois de mars lors de sa dénonciation ; qu’au cours de son audition devant les gendarmes, il a affirmé que les personnes présentes dans la cave au moment du contrôle n’avaient jamais travaillé sur le chantier, les travaux n’ayant été réalisés depuis 2009 que par lui-même, son père et ses enfants, les tenues de travail souillées de plâtre et de béton trouvées dans la cave ayant été utilisées par lui ; que la société ABL est propriétaire de la maison d’habitation situé au numéro 7 de la rue de Budange ; que le 1er étage est loué à M. I..., docteur, pour son cabinet médical ; que le sous-sol où étaient hébergés les ouvriers, était en réfection afin d’y installer un salon de coiffure il convient de mentionner qu’aucun permis de construire n’a été demandé pour ces travaux ; que l’immeuble situé au numéro 9 de la rue de Budange appartient en propre à M. X... ; que celui-ci a indiqué y poursuivre des travaux depuis 2009 : démolition d’un garage pour y installer un parking, couverture de la terrasse et installation d’un escalier extérieur, début de construction de logements en parpaings, les bâtis de fenêtres placés sous scellés sont destinés à ces logements, travaux d’électricité ; qu’au sujet de la situation de chacune des personnes hébergées au sous-sol, il déclarait :

 au sujet de M. D..., qu’apparenté, à lui du côté de sa mère, il était venu chercher un poste d’imam et qu’il était là depuis deux mois, (ce qui contraste avec les déclarations de celui-ci, qui a dit qu’il était arrivé quinze jours auparavant), et qu’il ignorait que son visa lui permettant de séjourner en France était expiré ;

 au sujet de M. E..., oncle de la femme de son frère, qu’il était venu voir sa nièce deux semaines auparavant ;

 au sujet de M. Z..., « c’est un gars de mon village natal, il est venu pour me voir, je ne me souviens plus de la date de son arrivée en France », ajoutant qu’il faisait des allers retours depuis au moins six mois, parce qu’il cherchait une fiancée en France ;

que M. Ali X...est associé pour un tiers des parts de la société ABL, comme ses frères MM. Brahim et Lahcen ; qu’il en est également le gérant ; que, dans le patrimoine immobilier de la société figure, notamment, l’immeuble situé au n° 7 de la rue de Budange à Uckange mais pas celui situé au n° 9 qui appartient en propre à M. X... ; qu’à défaut de délégation de pouvoirs, M. Ali X...s’est reconnu comme seul responsable de la personne morale ; que lors de son audition, il a déclaré que si des personnes avaient dormi dans le sous-sol de l’immeuble où les gendarmes les avaient trouvés, c’est sans doute parce que, venus rendre visite à son frère Brahim, ils ne pouvaient dormir à son domicile en son absence ; que le tribunal ne s’attend évidemment pas, à ce qu’il reconnaisse qu’ils y étaient hébergés à proximité du chantier où ils travaillaient ; que, sur les déclarations de culpabilité, en ce qui concerne M. X..., alors que l’enquête a suffisamment établi que M. X...avait engagé et conservé à son service MM. D..., E...et Z..., pour des travaux de maçonnerie et de construction sur le chantier des immeubles situés aux numéros 7 et 9 de la rue de Budange, sans avoir effectué de déclarations nominatives préalables à embauche les concernant auprès de l’URSSAF, il sera déclaré coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ; que, MM. D..., E...et Z..., ayant travaillé sur ce chantier au service de M. X..., en étant dépourvus de titre de travail les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, alors que M. X...devait s’assurer de la nationalité des personnes employées et vérifier qu’ils produisent un titre de travail conforme, il sera déclaré coupable du délit d’emploi d’étrangers sans titre de travail ; que, MM. D..., E...et Z...ont été logés dans un local situé à proximité immédiate du chantier de travail dans des conditions d’hébergement particulièrement précaires, ne respectant pas des règles d’hygiène et de sécurité suffisantes, conditions qu’ils étaient contraints d’accepter en raison de leur situation de précarité et de dépendance à l’égard de M. X..., afin qu’il accepte de leur fournir ce travail ; que celui-ci sera déclaré coupable de soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail indignes ; qu’il résulte de ces éléments que les faits reprochés à M. X...sont établis ; qu’il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation ; qu’en ce qui concerne la société ABL, représentée par M. Ali X..., dans la mesure où l’hébergement dans le sous-sol de l’immeuble situé au n° 7 rue de Budange, à proximité immédiate du chantier où ils travaillaient, a facilité la réalisation des travaux réalisés par MM. D..., E...et Z...dans l’immeuble situé au n° 7, qui est la propriété de la société ABL et dans l’immeuble et les dépendances du n° 9 appartenant en propre de M. X..., et a permis l’emploi à moindres frais de ces ouvriers, il convient de considérer que la société s’est rendu coupable de complicité du délit commis par M. X...de soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions d’hébergement indignes, en fournissant le local qui a facilité la préparation ou la consommation de l’infraction ; que la responsabilité pénale de cette personne morale est engagée par la simple faute de M. Ali X..., son gérant, qui a sciemment accepté au bénéfice de la société et au bénéfice de son frère, que ces ouvriers soient hébergés dans ce local ; qu’il résulte de ces éléments que les faits reprochés à la société ABL sont établis ; qu’il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation ;
” 1°) alors que l’exigence d’un procès équitable implique qu’une personne ne puisse être déclarée coupable simultanément d’infractions incompatibles entre elles ; qu’en déclarant M. X..., coupable de l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France, par fourniture d’un logement et d’un travail et de l’infraction relative à l’emploi d’étrangers sans titre de travail, ce qui impliquait qu’il aurait dû s’abstenir d’employer et d’héberger les salariés concernés, tout en le déclarant coupable des chefs de travail dissimulé et d’hébergement de salariés incompatible avec la dignité humaine, ce qui impliquait au contraire, qu’il aurait dû procéder aux déclarations légales relatives à l’emploi de ces salariés et les héberger dignement, la cour d’appel a méconnu les exigences du droit au procès équitable, et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités ;
” 2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant que les trois surveillances mettaient en évidence à travers leur activité et leurs vêtements, que trois hommes travaillent sur le chantier du 7 rue de la Budange, après avoir pourtant relevé que la première surveillance se bornait à constater la présence de lumière émanant d’une lucarne située au niveau du sous-sol, que la deuxième surveillance constatait la présence de deux hommes en tenue civile et d’un troisième en jogging et claquettes de plages, et que la troisième surveillance constatait la présence de trois personnes dont la nature de la tenue n’était pas précisée, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités ;
” 3°) alors qu’en relevant qu’aucune livraison ne pouvait intervenir un 1er mai, jour férié en France, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités ;
” 4°) alors que tout jugement, ou arrêt, doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en laissant sans aucune réponse les conclusions de M. X..., faisant valoir que l’interprète ayant assisté M. Z... lors de son audition par les enquêteurs, n’était pas inscrit sur la liste des interprètes en langue arabe près la cour d’appel de Metz, et n’avait pas davantage prêté serment, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités ;
” 5°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente, tant que sa culpabilité n’a pas été établie, en sorte que le doute doit profiter au prévenu ; qu’en relevant, que la similitude des attestations produites par M. Z... au soutien de M. X...avec les explications données par celui-ci sur sa présence au 7 rue de Budange et la tardiveté de ces attestations font douter du crédit à leur donner, la cour d’appel qui, en présence d’un doute sur la force probante des attestations précitées, devait en faire profiter M. X..., n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes visés au moyen ;
” 6°) alors qu’en retenant, à l’encontre de M. X..., les infractions de travail dissimulé et d’emploi salarié d’un étranger sans titre de travail, sans caractériser le lien de subordination entre le prévenu et MM. D..., E...et Z..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes précités ;
” 7°) alors que le délit d’emploi d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France est une infraction intentionnelle qui requiert, pour être constituée, la connaissance par l’employeur, d’une part, de la qualité d’étranger de l’intéressé, d’autre part, de l’irrégularité de sa situation au regard de la législation du travail ; qu’en énonçant, pour retenir l’infraction d’emploi d’un étranger sans titre de travail, que M. X...aurait dû s’assurer de la nationalité des personnes employées et vérifier qu’ils produisaient un titre de travail conforme, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction, n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 8°) alors que le délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, notamment par fourniture d’un travail et d’un hébergement, est une infraction intentionnelle qui requiert, pour être constituée, la connaissance par le prévenu, d’une part, de la qualité d’étranger de l’intéressé, d’autre part, de l’irrégularité de sa situation au regard de la législation du travail ; qu’en retenant que M. X...aurait dû s’assurer de la nationalité des personnes employées et vérifier qu’ils produisaient un titre de travail conforme, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction, n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 9°) alors qu’en retenant que les conditions d’hébergement au sous-sol du 7 rue de Budange, caractérisaient des contraventions multiples aux règles d’hygiène et de sécurité relatives à l’hébergement des salariés, sans préciser ces règles, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des textes et principes précités “ ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à l’issue d’une enquête de gendarmerie relative aux conditions d’emploi, sur le chantier de transformation de deux immeubles, sis aux numéros 7 et 9 de la rue de la Budange à Uckange, et d’hébergement, dans la cave du numéro 7, de trois ressortissants marocains, dépourvus de titre de séjour et d’autorisation de travail en France, M. Brahim X...et la société ABL, ayant pour gérant M. Ali X..., ont été poursuivis, le premier, pour aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, travail dissimulé, emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, la seconde, pour complicité, par fourniture d’un local, du quatrième de ces délits ; que, par jugement du 28 janvier 2013, le tribunal correctionnel a déclaré M. Brahim X...et la société ABL coupables des faits leur étant reprochés et les a condamnés, le premier, à un an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, la seconde, à 5 000 euros d’amende ; que le ministère public et les prévenus ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu que le grief, qui revient à contester la régularité d’un acte de l’enquête, et qui reprend une exception de nullité présentée tardivement, pour la première fois devant la cour d’appel, alors que les prévenus avaient comparu devant le tribunal correctionnel, est irrecevable, en application de l’article 385 du code de procédure pénale ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu’en condamnant M. Brahim X...pour aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, travail dissimulé, emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, et, dès lors que ces délits n’ont pas les mêmes éléments constitutifs et tendent à la protection d’intérêts distincts, le premier participant de la police des étrangers, les deuxième et troisième, de la régulation du marché du travail ainsi que, pour le deuxième, de la garantie d’une égale et loyale concurrence entre entreprises supportant les mêmes charges, et le quatrième de la protection de la dignité de la personne humaine, la cour d’appel n’a pas déclaré ce prévenu coupable d’infractions incompatibles entre elles ;
D’où il suit que le grief ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen, pris en sa neuvième branche :
Attendu qu’en relevant, pour déclarer M. Brahim X...et la société ABL auteur et complice du délit de soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes, que trois travailleurs marocains en situation irrégulière étaient logés dans un espace exigu, confiné et bas de plafond, n’offrant ni confort ni intimité, et présentant une absence de ventilation ainsi qu’un défaut de protection des câbles électriques, et, dès lors que l’article 225-14 du code pénal ne subordonne pas la caractérisation de l’indignité desdites conditions d’hébergement à la preuve de la violation d’une norme d’hygiène ou de sécurité imposée par une disposition légale ou réglementaire spéciale, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième et huitième branches :
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz , du 23 octobre 2013