Saisie camions entreprises étrangères

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 13 juin 2018

N° de pourvoi : 17-82278

ECLI:FR:CCASS:2018:CR01291

Non publié au bulletin

Decheance

M. Soulard (président), président

SCP Alain Bénabent , avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" La société Intertruck Spolka Jawna Jacek Kaczmarczyk,

"-" La société Transeuropa Sylwester Bera Piotr Wlodarczyk SC ,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de DOUAI, en date du 14 décembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre elles des chefs de travail dissimulé et infractions à la législation sur les temps de travail dans les transports, a confirmé la décision du procureur de la République de remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) de véhicules aux fins d’aliénation ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 3 mai 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Steinmann, Germain, Larmanjat, d’Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Z... ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle ALAIN BÉNABENT , avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général Z... ;

I - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par la société Transeuropa Sylwester Bera Piotr Wlodarczyk SC :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

II - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par la société Intertruck Spolka Jawna Jacek Kaczmarczyk :

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que par ordonnance des 2 et 8 décembre 2015 visant l’alinéa 9 de l’article 131-21 du code pénal qui régit la confiscation en valeur, le procureur de la République a ordonné la remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), respectivement, d’un véhicule tracteur semi-remorque de marque Volvo appartenant à la société Intertruck Spolka Jawna Jacek Kaczmarczyk et d’un véhicule de même type appartenant à la société Transeuropa Sylwester Bera Piotr Wlodarczyk SC , saisis, avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention, le 29 novembre 2015 dans le cadre de l’enquête préliminaire diligentée du chef de travail dissimulé et infractions à la législation sur les temps de travail dans les transports et mettant en cause les deux sociétés susnommées ; que celles-ci ont interjeté appel de ces deux décisions ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 41-5, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du procureur de la République de Béthune du 2 décembre 2015 ayant autorisé la remise à l’Agrasc, en vue de son aliénation, d’un véhicule appartenant à la société Intertruck ;

”aux motifs qu’il résulte notamment des dispositions de l’article préliminaire du code de procédure pénale que les mesures de contrainte dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle de l’autorité judiciaire et doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne ; que, par ailleurs, le droit au respect des biens, garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, impose de s’assurer d’une juste proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure ; qu’en l’espèce, la question de la nécessité et de la proportionnalité de la contrainte imposée ne saurait être appréciée au seul regard des mesures prises à l’encontre d’une autre société mise en cause, d’autant que celle-ci se trouvait dans une situation distincte en ce que les camions utilisés étaient exploités dans le cadre de contrats de leasing, ce qui n’est pas le cas des tracteurs utilisés par les sociétés appelantes qui en sont propriétaires ; qu’en tout état de cause, la mesure prise sur le fondement de l’article 41-5 du code de procédure pénale n’a pas pour objet de conduire à une privation de la propriété du bien saisi mais à son aliénation afin de procéder, le cas échéant, à une confiscation en valeur ; qu’en tout état de cause, le texte prévoit qu’en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, le produit de la vente est restitué au propriétaire qui en fait la demande ; que, par conséquent, il résulte de ce qui précède que la mesure prise à l’encontre des sociétés appelantes ne saurait constituer une charge spéciale et exorbitante et être considérée comme contraire aux principes de nécessité et de proportionnalité ;

”alors que la chambre de l’instruction saisie de l’appel d’une ordonnance du procureur de la République autorisant, sur le fondement de l’article 41-5, alinéa 2, du code de procédure pénale, la remise de biens saisis à l’Agrasc, en vue de leur aliénation, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée par cette mesure au droit de propriété de l’intéressé ; qu’en énonçant, pour rejeter le moyen tiré du caractère disproportionné de la remise ordonnée, que la question de la proportionnalité de cette mesure ne saurait être appréciée au seul regard des mesures prises à l’encontre d’une autre société mise en cause, que cette mesure n’a pas pour objet de conduire à une privation de la propriété du bien saisi et que l’article 41-5 du code de procédure pénale prévoit qu’en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, le produit de la vente est restitué au propriétaire qui en fait la demande, sans rechercher, de façon concrète, si la remise ordonnée était proportionnée à l’atteinte portée au droit de propriété de la société Intertruck, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision” ;

Attendu qu’est inopérant le moyen qui, dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de remise à l’AGRASC, invoque une atteinte disproportionnée au droit de propriété ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du procureur de la République de Béthune du 2 décembre 2015 ayant autorisé la remise à l’Agrasc, en vue de son aliénation, d’un véhicule appartenant à la société Intertruck ;

”aux motifs qu’il résulte notamment des dispositions de l’article 41-5 du code de procédure pénale que le procureur de la République peut également autoriser la remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, en vue de leur aliénation, des biens meubles saisis dont la conservation en nature n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien ; que les décisions prises en application des quatre premiers alinéas sont motivées ; qu’aux termes de l’article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation est encourue pour tous les crimes et délits punis d’une peine d’une durée supérieure à un an d’emprisonnement ; qu’elle peut être ordonnée en valeur et peut être exécutée sur tous biens, quelle qu’en soit la nature, dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ; que si le pocureur de la République a indiqué dans les ordonnances contestées qu’il était indispensable de maintenir saisies des valeurs permettant « d’assurer le remboursement des administrations flouées par la commission des faits » et que la confiscation est susceptible d’être ordonnée « en valeur et à hauteur du montant du préjudice estimé définitivement », le fondement d’une peine qui demeure parfaitement hypothétique ne saurait être apprécié dès à présent ; que les éléments relatifs tant à la valeur des biens saisis qu’à celle des répercussions économiques des agissements reprochés devront le cas échéant être appréciés au moment du prononcé de la peine par la juridiction de jugement, l’article 41-5 du code de procédure pénale ne prescrivant une évaluation de la valeur des biens saisis qu’en cas de remise des biens au service des domaines en vue de leur affectation à titre gratuit par l’autorité administrative ;

”alors que la saisie pénale ne garantit pas la réparation du préjudice mais la confiscation, en nature ou en valeur, du seul produit de l’infraction ; que la cour d’appel ne pouvait donc valider la remise des véhicules à l’Agrasc en vue de leur aliénation sans avoir préalablement recherché, comme il le lui était demandé, tant la valeur des biens concernés que celle du produit de l’infraction” ;

Attendu qu’est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l’appel contre une mesure de remise à l’AGRASC, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite ;

Par ces motifs :

I - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par la société Transeuropa :

LA DÉCLARE déchue de son pourvoi ;

II - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par la société Intertruck :

LE REJETTE ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai , du 14 décembre 2016