Procédure régulière oui - contrôle conjoint

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 3 mai 2012

N° de pourvoi : 11-83341

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Ghestin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
"-" M. Emad X...,
contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 2 mars 2011, qui, pour abus de biens sociaux, travail dissimulé, emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, blanchiment, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et 25 000 euros d’amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, 646 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande l’inscription de faux formé par M. X... à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel de Nanterre dont il a fait appel ;
” aux motifs que, sur l’inscription de faux, la copie du jugement qui porte la mention « appels des prévenus le 27 mai 2010 au civil et au pénal (n° 1060/ 10 et 1061/ 10) appel incident du parquet » n’est qu’une expédition dont il importe peu qu’elle ait été postérieure à la date des appels et donc à la date du jugement lui-même ; qu’il ne peut en être déduit que le jugement est un faux quant à sa date ;
” alors que, saisie d’un incident d’inscription de faux contre la mention de la date du jugement entrepris, la cour d’appel devait examiner la minute du jugement afin de vérifier que la mention de la date n’était pas en discordance, comme dans l’expédition dudit jugement, avec la mention de l’existence de l’appel des prévenus et du parquet ; qu’en se bornant à relever que l’existence du faux ne pouvait pas être déduit des seules mentions d’une expédition, sans procéder à la vérification de la minute du jugement, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Attendu que le demandeur est sans intérêt à critiquer la régularité du jugement dès lors que, si la cour d’appel avait annulé le jugement, elle était tenue d’évoquer et de statuer sur le fond ainsi que le prescrit l’article 520 du code de procédure pénale ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 53, 60, 78-2-1, 593 et 802 du code de procédure pénale, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motif et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation des actes de l’enquête réalisés le 17 décembre 2008 dans les deux établissements de restauration gérés par M. X... ;

” aux motifs que les prévenus soutiennent que les règles de l’enquête de flagrance ont été appliquées irrégulièrement par les policiers à l’occasion de leurs contrôles sur réquisitions du 17 décembre 2008 effectués dans le cadre de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, puisque l’appel dès le début des opérations aux services de l’URSSAF et de la DGCCRF démontrerait que les délits n’ont pas été découverts de manière inopinée ; que les officiers de police judiciaire, intervenant en application de l’article 78-2-1 qui découvrent des indices apparents d’un comportement délictueux, sans qu’il importe que ces éléments aient été envisagés comme possibles auparavant, peuvent procéder selon les règles prévues pour l’enquête de flagrance ; que les agents de la DGCCRF, de l’URSSAF et des impôts pouvaient donc, dès lors que les conditions du flagrant délit se trouvaient réunies, être requis dans les conditions de l’article 60 du code de procédure pénale, nécessairement le jour même des investigations pour des constatations ne pouvant être différées ; que le défaut de remise du procès-verbal des mesures prises en application de l’article 78-2-2, dès la fin des opérations correspondantes n’a pas causé de grief démontré et même allégué aux intéressés et ne saurait entraîner la nullité de la procédure ; qu’ils ont pu débattre de ces procès-verbaux, après en avoir pris connaissance, pour les besoins de leur défense ; que les agents de l’URSSAF, de la DGCCRF et des impôts ont été régulièrement associés à l’enquête en application de l’article 60 du code de procédure pénale et ont accepté la réquisition dont ils faisaient l’objet de la part du procureur de la République en signant sous la mention : “ accepte la mission et prête serment d’apporter son concours à la justice en son honneur et conscience “ conformément aux prescriptions de ce texte ; que la participation de services de l’Etat en tant que personnes qualifiées, fussent-elles intéressées au premier chef par le préjudice éventuellement causé à la collectivité par le comportement des prévenus, ne constitue pas une atteinte aux droits de ceux-ci, ces sachants n’ayant pas de pouvoirs d’enquête policiers et n’étant présents que pour apporter leur concours à l’enquête par leurs connaissances ; que le recours à ces personnes répond à des exigences proportionnées à la recherche de la vérité dans l’intérêt de l’ordre public ;
” alors que M. X... soutenait dans ses conclusions d’appel que la présence d’agents des impôts, de la DGCCRF et de l’URSSAF dès le début de l’opération d’investigation menée le 17 décembre 2008 simultanément dans les deux restaurants dont il est le gérant, confirmée par le procès-verbal de synthèse du 15 juin 2009 révélant l’existence d’une coordination préalable entre les différentes administrations intervenante trahissait un détournement de la procédure dès lors que les enquêteurs agissaient sur réquisition du procureur de la République dans le cadre d’un simple contrôle d’identité fondé sur l’article 78-2 du code de procédure pénale et non pas dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une enquête de flagrance et que ce détournement de procédure avait pour objet d’éluder les règles de l’enquête préliminaire ; qu’en se bornant à relever

que l’opération était régulière dès lors que la révélation d’infraction flagrante au cours de cette mesure justifiait l’assistance de sachants des autres administrations dans les conditions de l’article 60 du code de procédure pénale, sans tenir compte de la concertation préalable révélant que les enquêteurs savaient à l’avance qu’il n’agissaient pas dans le cadre du simple contrôle d’identité prescrit par le procureur de la République, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l’argumentation que, par une motivation exempte d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l’article préliminaire et des articles, 62 et 78, 593 et 802 du code de procédure pénale, de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, défaut de motif et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation des ordres de comparution du 21 septembre 2009 ;
” aux motifs que le procureur de la République a, à juste titre, signé deux ordres de comparaître le 21 septembre 2009 car le prévenu était susceptible de ne pas répondre à une convocation compte tenu de l’enquête déjà bien avancée dont il n’ignorait pas qu’elle le plaçait en position difficile ; qu’aucune irrégularité n’est donc décelable ; qu’il se déduit des observations qui précède que le prévenu était susceptible de s’évader, fut-ce temporairement, pour retarder l’audition à laquelle il ne s’attendait pas, de sorte que les policiers pouvaient lui mettre des menottes en application de l’article 803 du code de procédure pénale ; qu’en tout état de cause, un port de menottess fut-il inapproprié, n’a pas pu avoir pour effet en l’espèce du moins de modifier les éléments du dossier soumis à l’appréciation de la justice ni d’influer sur les décisions des autorités judiciaires ; que le prévenu ne peut invoquer aucun grief à raison de l’atteinte aux droits de la défense ; que l’exception sera rejetée ;
” 1°) alors que l’officier de police ne peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n’ont pas répondu à une

convocation à comparaître que si on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation ; qu’à défaut de convocation préalable, la présomption d’innocence s’oppose à un tel pouvoir de contrainte sauf justification par le procureur de la République dans son autorisation des raisons pour lesquelles il estime qu’il y a lieu de craindre un défaut de comparution sur convocation ; que M. X... avait soulevé le grief tiré de l’absence de toute motivation de la décision de le faire comparaître par la force le 21 septembre 2009 devant l’officier de police judiciaire et de l’atteinte en résultant aux droits de la défense ; qu’en se bornant à relever que M. X... n’ignorait pas que l’enquête était bien avancée et le plaçait dans une position difficile et qu’il s’en déduit qu’il était susceptible de s’évader fut-ce temporairement et en substituant ainsi a posteriori son appréciation à celle qui aurait dû être exprimée par le procureur de la République dans son ordre de comparution, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;
” 2°) alors que M. X... soutenait qu’il était père de famille, commerçant honorablement connu exploitant deux restaurants et propriétaire d’un pavillon et offrait toutes les garanties de représentation, ce qui démontrait le caractère purement vexatoire de la décision de le faire comparaître de force et entravé par des menottes devant l’officier de police judiciaire dans le but de l’impressionner ; qu’il avait aussi soutenu que son avocat n’avait pu avoir accès au dossier que quelques jours seulement avant sa citation à comparaître devant le tribunal correctionnel et qu’il n’avait donc eu aucune connaissance du dossier de l’enquête ; qu’en déduisant de la seule constatation selon laquelle il se savait en position difficile compte tenu de l’état d’avancement de l’enquête et qu’il aurait un risque d’évasion même temporaire, sans répondre au moyen de ses conclusions d’appel, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation des ordres de comparution du 21 septembre 2009, l’arrêt énonce que le prévenu était susceptible de ne pas répondre à une convocation compte tenu de l’état d’avancement de l’enquête, dont il n’ignorait pas qu’elle le plaçait en situation difficile ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a, à bon droit, déduit des faits de l’espèce que l’on pouvait craindre que le prévenu ne réponde pas à une convocation, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles, 63 et suivants, 593 et 802 du code de procédure pénale, de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motif et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation des actes de la garde à vue et de la procédure subséquente fondée sur le défaut d’assistance d’un avocat ;
” aux motifs qu’eu égard aux nécessités de l’enquête et aux impératifs liés à la nécessité d’obtenir la manifestation de la vérité, le principe du secret de l’enquête édicté par l’article 11 du code de procédure pénale n’est pas disproportionné à l’objectif recherché, dès lors que le prévenu peut obtenir la délivrance de la copie des pièces du dossier soumis à la juridiction devant laquelle il est appelé à comparaître ; qu’en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses ne tenant pas à la seule nature du crime ou délit imputé, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat, dans des conditions lui permettant d’organiser sa défense et de préparer avec lui les interrogatoires ; qu’en l’état de la législation française, M. et Mme X... n’ont pu obtenir un avocat dans ces conditions ; que, toutefois, ces règles de procédure ne sauraient s’appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ; que ces règles prendront effet lors de l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, modifier le régime juridique de la garde à vue ou, au plus tard, le 1 er juillet 2011 ;
” alors qu’aux termes de l’article 6 § 1 de la Cour européenne des droits de l’homme et au regard du principe général des droits de la défense, droit essentiel du procès équitable, l’effectivité d’un procès équitable exige, notamment, que la personne mise en garde à vue soit assistée d’un avocat dès son premier interrogatoire ; que ce droit a d’ailleurs été consacré par la loi du 14 avril 2011 ; qu’il n’était pas contesté qu’en l’espèce, M. X... n’a pas été assisté d’un avocat pendant toute la durée de sa garde à vue qui a débuté le 17 décembre 2008 pour se terminer le lendemain ; que les exigences du procès équitable ne sont dès lors pas remplies ; que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme s’imposent aux pays adhérents ayant des dispositions législatives analogues à celles censurées ; que la cour d’appel, qui ne conteste pas l’absence d’assistance de M. X... pendant le cours de sa garde à vue tout en affirmant que les dispositions légales prescrivant l’assistance d’un avocat tout au long de la garde à vue n’était pas applicables en l’espèce où la garde à vue a été effectuée avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, a méconnu les textes et principes susvisés “ ;
Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation de la mesure de garde à vue prise à l’encontre du prévenu, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en cet état, et dès lors qu’il n’est pas établi que la déclaration de culpabilité du prévenu s’est fondée exclusivement ou même essentiellement sur les auditions recueillies en garde à vue, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier le forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 2 mars 2011