Arrêt de principe - obligation de vérifier

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 septembre 2014

N° de pourvoi : 13-86382

ECLI:FR:CCASS:2014:CR04022

Non publié au bulletin

Cassation

M. Louvel (président), président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" le procureur général près la cour d’appel de Paris,

contre l’arrêt de ladite cour, chambre 6-1, en date du 10 septembre 2013, qui a renvoyé M. Y... des fins de la poursuite du chef de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 17 juin 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRIN et les conclusions de M. l’avocat général BERKANI ;
Vu le mémoire produit ;
” Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale et L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8222-1 du code du travail “ ;
Vu les articles L. 8221-1 et L. 8222-1, 1°, du code du travail ;
Attendu que commet le délit de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé toute personne qui conclut un contrat pour un usage autre que personnel, sans s’acquitter de l’ensemble des formalités prévues par les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 dudit code ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Y..., en sa qualité de gérant d’une société ayant pour activité l’exploitation d’un restaurant, a confié la rénovation de cet établissement à la société Batcisse, radiée du registre du commerce et des sociétés depuis plusieurs années ; qu’à la suite d’un contrôle effectué par les services de police, révélant la présence, sur le chantier, du gérant de la société Batcisse et de deux de ses ouvriers qui n’avaient fait l’objet d’aucune déclaration d’embauche et, pour l’un, de nationalité ivoirienne, qui était démuni de tout titre de travail en France, M. Y... a été poursuivi pour avoir eu sciemment recours au service de cette société exerçant un travail dissimulé par dissimulation de salariés et par dissimulation d’activité ; que le tribunal l’ayant relaxé au motif qu’il exerçait une activité de restaurateur et qu’il n’était en conséquence pas tenu de vérifier que son cocontractant s’était acquitté des formalités prévues par les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, appel a été interjeté par le procureur de la République ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l’arrêt énonce qu’il n’est pas établi que le prévenu ait pu être conscient de ce que la société Batcisse se livrait à l’exercice d’un travail dissimulé ; que les juges ajoutent que, sans expérience des travaux immobiliers, M. Y... a tenté de se prémunir de toutes difficultés en se faisant remettre par son cocontractant un devis signé à en-tête de ladite société et portant la mention de son numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que le prévenu avait conclu le contrat pour un usage professionnel sans procéder aux vérifications requises, la cour d’appel a violé le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 10 septembre 2013, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize septembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 10 septembre 2013