Prix insuffisant oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 18 avril 2000

N° de pourvoi : 99-86048

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit avril deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me C..., de Me F... et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général de J... ;

Statuant sur les pourvois formés par :

 D... Richard,

 B... Gérard,

 B... Maurice,

 X... Moïse,

 Z... Marlène, épouse X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème chambre, en date du 6 mai 1999, qui, pour recours aux services d’entreprises dissimulant des salariés, a condamné, les trois premiers à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et 150 000 francs d’amende et les deux derniers à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d’amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire personnel et les mémoires ampliatifs produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Richard D..., pris de la violation des articles 485, 459, alinéa 3, 512, 593, alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, violation des droits de la défense ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Richard D..., pris de la violation de l’article 7.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 111-3 du Code pénal et de l’article 591 du Code de procédure pénale ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Richard D..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 8 de la Déclaration de droits de l’homme, de l’article 111-3 du Code pénal et de l’article 591 du Code de procédure pénale ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Richard D..., pris de la violation de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Richard D..., pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-14 et L.362-3 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Richard D... coupable d’avoir sciemment eu recours aux services d’entreprises exerçant un travail dissimulé, et l’a condamné de ce chef ;

”aux motifs que l’évaluation du prix de revient de la minute des façonniers, faite par les agents de l’URSSAF, critiquée comme arbitraire et non contradictoire, peut être écartée au profit de l’estimation réalisée par la société Grégory elle-même, évaluant à 1,66 francs par minute son propre coût de revient ; que les experts ont - (page 33 de leur rapport) évalué à 1,25 francs le prix de la minute payée aux façonniers ; que M. E..., expert-comptable de la société Grégory, a évalué à 1,21 francs la minute le prix de revient des façonniers ; qu’il s’ensuit que Richard D..., qui payait des prix anormalement bas, était nécessairement informé du fait que les façonniers asiatiques ne pouvaient fonctionner qu’en dissimulant tout ou partie de leur main-d’oeuvre ;

”alors, d’une part, que le donneur d’ordre ne peut faire l’objet de poursuites pénales que s’il recourt sciemment aux services de celui qui effectue un travail clandestin, c’est-à-dire s’il a connaissance de la dissimulation ; qu’il résulte expressément du jugement confirmé (p.15, 2) que Richard D... avait, concernant les ateliers de façonniers auxquels il avait eu recours, effectué les diligences imposées par les articles L. 324-14 et suivants du Code du travail, ce qui impliquait qu’il pouvait légitimement penser avoir recours à des entreprises en situation régulière ; qu’en le déclarant néanmoins coupable de recours conscient au travail dissimulé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

”alors, d’autre part, qu’en déduisant la prétendue conscience qu’aurait eue Richard D... de la nécessité pour ses façonniers de dissimuler une partie de leur main-d’oeuvre, des “prix anormalement bas” payés par la société Grégory, tout en relevant (cf. jugement p.15, 3) que les façonniers ont tous déclaré que cette société était le donneur d’ordre le plus correct au niveau des prix, ce qui impliquait nécessairement que les prix payés par la société Grégory étaient considérés par eux comme suffisants et ne les contraignaient pas à la dissimulation, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, de troisième part, que l’évaluation à 1,25 francs le prix de la minute payé aux façonniers, faite par les experts page 33 (et annexe IV) de leur rapport, ne concerne pas les façonniers extérieurs, sous-traitants de la société Grégory, mais les ateliers internes de cette dernière ; qu’en affirmant, par référence au rapport d’expertise, que le prix/minute payé aux façonniers aurait été de 1,25 francs, la cour d’appel a dénaturé le rapport des experts A... et Rode, qui n’ont pas déterminé ce prix ;

”alors, enfin, qu’en se bornant à se référer à l’évaluation, par M. E..., expert-comptable, à 1,21 francs la minute le prix de revient des façonniers sous-traitants, pour dire que le prix payé de 1,25 francs était insuffisant par rapport à ce prix de revient de 1,21 francs, sans s’expliquer sur l’ensemble de ses conclusions démontrant que, sur une base d’un prix de revient de 1,21 francs la minute et d’un prix de vente de 1,50 francs, le revenu net mensuel de l’exploitant est de 22 050 francs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Gérard et Maurice B..., pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 L. 324-14 et L. 362-3 du Code du travail, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Gérard et Maurice B... coupables d’emploi de travailleurs clandestins par personnes interposées ;

”aux motifs que, pour entrer en voie de condamnation à l’égard des donneurs d’ouvrage, le tribunal a retenu essentiellement que ceux-ci payaient les façonniers à un prix anormalement bas, compte tenu du prix de revient de la minute fixé à 1,60 francs au sein de la société Grégory ; que, dès lors, les prévenus étaient nécessairement informés du fait que les façonniers asiatiques ne pouvaient fonctionner qu’en dissimulant tout ou partie de leur main-d’oeuvre ; que cette approche économique, qui fera l’objet d’un examen ultérieur, doit être complétée par d’autres considérations extra-comptables ; qu’il convient tout d’abord de rappeler que la confection constitue le terrain d’élection du travail dissimulé, qu’il appartenait ainsi aux donneurs d’ouvrage de faire preuve d’une particulière vigilance dans leurs relations avec les façonniers dont le respect de la législation sociale ne constitue pas le trait dominant de “la culture d’entreprise” ; que, de façon unanime les façonniers ont dénoncé le niveau insuffisant des prix imposés par les donneurs d’ouvrage ; que Marie K..., épouse L..., a confirmé qu’avec les prix imposés par les frères B..., il n’était guère possible de s’en sortir ; que Jean L... a ajouté que les frères B... étaient indifférents au caractère légal ou illégal de son activité du moment que le travail était fait à temps ; qu’il a indiqué que la brièveté des délais parfois imposés, nécessitait l’existence d’un volant de main-d’oeuvre disponible, laquelle ne pouvait être que dissimulée ; que Vuba Long a soutenu que les frères B... savaient parfaitement qu’avec les prix qu’ils imposaient, personne ne pouvait fonctionner dans des conditions régulières, que Sivon Meas, veuve Koeu a précisé “avec Lika c’est très dur, il paie pas cher”, qu’enfin Khamko Phoumalavong a répété que depuis l’enquête les tarifs avaient augmenté ; que ces déclarations probantes par leur cohérence ne peuvent être écartées par les allégations selon lesquelles les façonniers avaient tenté d’échapper à leur propre responsabilité en imputant aux donneurs d’ouvrage des pratiques draconiennes, qu’en effet certains de ceux-ci comme Joseph G... et Moïse X... ont reconnu qu’ils avaient fait preuve de la plus grande indifférence aux conditions d’exercice professionnel de leurs façonniers, que les époux Y... reconnaissent devant la Cour qu’ils ont sciemment eu recours à des entreprises employant des travailleurs dissimulés, aveu de culpabilité rendant encore plus intenable la position des frères B... désignés par tous les façonniers comme les donneurs d’ouvrage imposant les conditions les plus extrêmes ; que, par leurs déclarations, que le tribunal a pu qualifier de cyniques, les frères B... ont renforcé les charges réunies contre eux ; qu’ainsi Gérard B... a déclaré : “les prix sont comme je les impose, tant que j’ai des façonniers qui acceptent mon travail, je maintiens ces prix (...) notre but est de tirer les meilleurs prix (...) je pense que lorsque les façonniers ont recours à des employés clandestins, c’est pour rendre service à leur communauté, mais pas par obligation économique” ; que Maurice B... a affirmé : “c’est moi qui décide des prix, s’ils n’ont pas envie de prendre, ils ne prennent pas

(...) j’essaie de payer le moins cher possible, c’est la guerre (...) c’est la loi du marché, mon but est de gratter partout, c’est mon boulot (... ) il n y a pas que les miens qui font du travail clandestin (...) une fois que j’ai demandé les papiers et que j’ai vérifié qu’a priori ils étaient en règle, je ne peux plus vérifier plus loin, on trouve toujours une bonne raison pour baisser les prix convenus” ; que les frères B... étaient si peu regardants, qu’ils ont continué d’entretenir des relations professionnelles avec Khamdeng Baccam après sa mise en examen ; qu’il importe peu que les frères B... aient demandé aux dirigeants d’ateliers de leur fournir certaines pièces justificatives dès lors qu’ils payaient leurs cocontractants à des prix anormalement bas pour ne pas dire scandaleusement bas, ne per- mettant en aucun cas à ceux-ci de s’acquitter de leurs obligations sociales, que les autres donneurs d’ouvrage ayant parfaitement conscience qu’ils contraignaient leurs façonniers à recourir à des travailleurs dissimulés, a fortiori les dirigeants de la société Lika employant des méthodes encore plus rigoureuses, avaient-ils connaissance des conséquences inéluctables de leurs pratiques ;

qu’en effet, tous les donneurs d’ouvrage ont payé les façonniers à des prix anormalement bas, que les agents assermentés de l’URSSAF ont évalué à 2 francs le prix de revient de la minute de confection ; que les prévenus ayant véhémentement protesté contre une telle évaluation, celle-ci peut être écartée au profit de l’estima- tion émanant de la SARL Angele, travaillant également pour la société Grégory ayant fixé à 1,85 francs par minute son prix d’équi- libre ; que la sûreté du raisonnement commande d’écarter encore cette évaluation au profit de celle de la société Grégory ayant évalué à 1,66 francs par minute son propre coût de revient ; que Richard D... a soutenu que sa société réalisait le travail le plus délicat, les façonniers étant chargés des opérations plus simples ; qu’il pouvait être objecté que les ateliers étant moins bien agencés et supportant le coût du transport des pièces à l’aller comme au retour, leur prix par minute en était alourdi d’autant ; que le tribunal a considéré que ce prix de revient-minute de 1,66 francs devait constituer le prix de référence en deçà duquel le façonnier ne pouvait plus faire face à ses obligations ; que les experts A... et Rode ont évalué à 1,25 francs le prix de la minute payée aux façonniers ; que, si de l’avis unanime, la société Lika était connue pour être la plus rigoureuse, la société Grégory était connue pour être la plus généreuse ; que Henri I..., expert sollicité par Gérard B..., a évalué entre 1,13 francs et 1,38 francs le coût de revient total de la minute en 1992 ; qu’il résulte des pièces établies par les prévenus eux-mêmes que le prix de 1,25 francs payé par Richard D... n’était pas suffisant pour permettre aux façonniers d’avoir recours à de la main-d’oeuvre déclarée, qu’il en va de même à plus forte raison, des autres donneurs d’ouvrage versant une rémunération plus basse ;

”alors que, d’une part, en l’état d’une information ayant établi que les frères B... avaient bien vérifié que leurs sous-traitants avaient bien satisfait aux obligations qui leur étaient imposées par l’article L. 324-10 du Code du travail mais qui n’avait ordonné aucune expertise portant sur la question de savoir si les prix qu’ils avaient imposés à leurs sous-traitants permettaient à ces derniers de faire face à leurs obligations sociales envers leurs salariés, les juges du fond qui ont cru pouvoir se référer aux déclarations des sous-traitants accusant les demandeurs de leur avoir imposé des prix anormalement bas pour admettre la réalité de cette version destinée à minimiser la responsabilité de ceux qui la soutenaient et qui se présentaient ainsi comme des victimes, ont laissé sans aucune réponse le moyen péremptoire de défense invoqué dans les conclusions d’appel des demandeurs tiré de l’importance du niveau de vie souligné dans le réquisitoire définitif, des sous-traitants pendant la période où ceux-ci avaient travaillé avec eux et des déclarations contraires de façonniers ayant satisfait à leurs obligations légales ;

”alors que, d’autre part, les demandeurs ayant dans leurs conclusions d’appel contesté que les prix qu’ils avaient imposés à leurs sous-traitants ne permettaient pas à ces derniers de faire face à leurs obligations légales en invoquant les résultats d’un constat d’huissier démontrant que le temps de travail nécessaire pour parvenir à la fabrication des articles qu’ils commandaient à leurs sous-traitants était considérablement plus court que celui qui avait été évalué par les inspecteurs de l’URSSAF, les juges du fond qui, sans tenir aucun compte de ce moyen péremptoire de défense, ont déduit l’existence de prix anormalement bas pratiqués par les prévenus d’un prétendu prix de rentabilité de la minute de travail des sous-traitants, ont ainsi à nouveau violé l’article 459 du Code de procédure pénale ;

”et qu’enfin, l’article L. 324-9 du Code du travail qui interdit le recours au travail dissimulé par personne interposée ne s’appliquant, aux termes de ce texte, que quand l’auteur a agi sciemment et en l’espèce les prévenus ayant soutenu sans être contredits, qu’ils avaient pris soin de n’avoir recours aux services de leurs sous-traitants qu’après s’être assurés que ceux-ci avaient bien accompli les formalités prévues par l’article L. 324-10 du Code du travail, les juges du fond ont privé de toute base légale leur décision les déclarant coupables de l’infraction poursuivie sous prétexte qu’ils pratiquaient des prix anormalement bas vis-à-vis de leurs sous-traitants sans répondre à leurs moyens péremptoires de défense tirés de leurs diligences et de leur ignorance du prix des articles fabriqués par leurs sous-traitants au dessous duquel ces derniers ne pouvaient faire face à leurs obligations sociales, les juges du fond s’étant contentés vainement d’invoquer les déclarations des demandeurs faisant état de leur souci, caractéristique de tout le monde du commerce, d’obtenir des prix les plus bas possibles de leurs sous-traitants, de souligner qu’ils avaient continué à travailler avec une sous-traitante après sa mise en examen, ne tenant ainsi aucun compte de leurs conclusions d’appel qui précisaient que ladite sous-traitante avait été autorisée à continuer son activité par une ordonnance du juge d’instruction, et

de faire état des déclarations des autres donneurs d’ouvrage, ces éléments invoqués par les juges du fond à l’appui de leur condamnation, étant insuffisants pour caractériser la connaissance que les demandeurs auraient pu avoir de la nature dissimulée du travail de leurs sous-traitants” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Richard D..., Gérard et Maurice B..., en qualité, respectivement, de président, de gérant et de directeur commercial des sociétés “Gregory’ et “Lika” , ayant pour activité la confection et la vente de vêtements, coupables d’avoir sciemment eu recours, courant 1990, 1991, 1992 et 1993, aux services d’entreprises employant des travailleurs dissimulés, la cour d’appel, après avoir exposé les faits et les éléments de preuve versés aux débats, retient notamment que ces donneurs d’ouvrage payaient les façonniers à un prix trop bas pour leur permettre de faire face à leurs charges sociales et qu’ils ne vérifiaient pas si le nombre des salariés officiellement déclarés par ces derniers était en rapport avec l’importance des travaux confiés et les délais imposés ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus et dont il résulte que les prévenus avaient conscience qu’ils avaient recours à des entreprises qui dissimulaient une partie de leurs salariés, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision au regard de l’article L. 324-9 du Code du travail, tant dans sa rédaction antérieure à la loi du 31 décembre 1991, que dans sa rédaction issue de cette loi ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Moïse X... et Marlène Z..., épouse X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3 du Code pénal, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-14, L. 341-6, L. 362-3 et L. 364-2 du Code du travail, 1382 du Code civil, 2, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que la Cour a condamné les demandeurs tant sur l’action publique que sur l’action civile pour avoir eu sciemment recours aux services d’entreprises exerçant un travail dissimulé ;

”aux motifs que, pour entrer en voie de condamnation à l’égard des donneurs d’ouvrage, les premiers juges ont essentiellement retenu que ceux-ci payaient les façonniers à un prix anormalement bas compte tenu du prix de revient de la minute de travail ; que, de façon unanime, les façonniers ont dénoncé le niveau insuffisant des prix imposés par les donneurs d’ouvrage ; que Moise X... a admis se contenter de vérifications extrêmement parcellaires, se bornant à compter sur la bonne foi des façonniers ;

qu’il a estimé à un montant de 1,10 francs à 1,40 francs le prix de la minute payé aux dirigeants d’ateliers concédant que ce prix était inférieur au seuil de rentabilité, mais ajoutant aussitôt :

”il faut dire que les asiatiques travaillent beaucoup” ; qu’il a imputé la responsabilité de la situation aux pratiques d’autres sociétés de commerce dénoncées comme des “casseurs de prix” ; que les époux Y... reconnaissent devant la Cour qu’ils ont sciemment eu recours à des entreprises employant des travailleurs dissimulés, faisant ainsi aveu de culpabilité (arrêt. analyse p. 14 à 20) ;

”1 ) alors que, d’une part, en l’état de la prévention initiale liée à l’emploi indirect d’une main d’oeuvre non autorisée à travailler en France, la Cour ne pouvait condamner les prévenus du chef, distinct, de travail dissimulé à l’égard des organismes de protection sociale, sans mettre préalablement les intéressés à même de se défendre sur des faits non compris dans la saisine initiale de la juridiction répressive ;

”2 ) alors que, d’autre part, seul le défaut de vérification de la situation du sous-traitant par le donneur d’ordre au regard des obligations déclaratives limitativement énumérées par l’article L. 324-10 du Code du travail est de nature à caractériser l’infraction de travail dissimulé ; qu’un éventuel abus de domination économique à l’égard d’un sous-traitant, même joint à une vérification “parcellaire” de la situation de ce dernier par le donneur d’ordre, sont des éléments inopérants ou trop généraux pour caractériser l’infraction mise à la charge des prévenus ;

”3 ) alors, en tout état de cause, que le prétendu “aveu” du prévenu sur la teneur et la portée duquel la Cour ne s’est pas expliquée au regard de l’incrimination spécifique de travail dissimulé, demeure un motif général impuissant à justifier la condamnation litigieuse” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Moïse X... et Marlène Z..., épouse X..., respectivement président et directrice commerciale de la société “M’Rubens”, ont été poursuivis devant la juridiction correctionnelle, non seulement pour avoir employé, directement ou par personnes interposées, des étrangers démunis de titre de travail, mais également pour avoir eu recours sciemment aux services d’entreprises employant des travailleurs clandestins, faits prévus et punis par les articles L. 324-9 , L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail ;

Attendu que, pour les déclarer coupables de ce dernier délit, la cour d’appel, après avoir exposé que la société “M’Rubens” avait confié la fabrication de vêtements aux entreprises “IHM Confection”, “Dominique H...” et “Paradis Confection”, a relevé que les deux prévenus reconnaissaient leur culpabilité pour avoir eu sciemment recours aux services de ces entreprises qui employaient des travailleurs dissimulés, précisant qu’ils avaient admis se contenter de vérifications extrêmement parcellaires à leur sujet, se bornant à compter sur la bonne foi de ces façonniers, et qu’ils avaient reconnu que le prix payé auxdits façonniers était inférieur au seuil de rentabilité ;

Attendu que le moyen, qui, en sa première branche, manque en fait, et qui, pour le surplus, ne tend qu’à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Richard D..., pris de la violation de l’article 132-24 du Code pénal, de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des articles 591 et 593 du Code procédure pénale ;

Attendu que, par l’arrêt attaqué, Richard D... a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, à 150 000 francs d’amende et à la publication de la décision ;

Attendu qu’en prononçant ainsi des peines, prévues par la loi en répression du délit de recours aux services d’entreprises ayant dissimilé des salariés dont il a été déclaré coupable, et alors que l’article 132-24 du Code pénal n’impose pas aux juges de motiver spécialement leur décision, la cour d’appel n’a fait qu’user d’une faculté dont elle ne doit aucun compte ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Lyon, 4ème chambre du 6 mai 1999