Prix insuffisants

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 11 janvier 2000

N° de pourvoi : 99-80823

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mil, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Roland,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 15 décembre 1998, qui, pour recours aux services d’une entreprise ayant dissimulé une partie de ses salariés, l’a condamné à 5 mois d’emprisonnement et à 150 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 121-3 du Code pénal, L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, du principe de sécurité juridique, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Roland X... coupable de recours aux services de travailleurs clandestins ;

”aux motifs que Roland X... doit être considéré comme ayant procédé aux vérifications quant à la situation de l’atelier au regard des dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail, même si le flux de personnel inhérent au fonctionnement de ces ateliers et l’augmentation de ses commandes auraient dû l’amener à exiger un engagement de son cocontractant ; qu’il apparaît que le donneur d’ordre savait pertinemment qu’en dépit de cette régularité formelle, le façonnier ne pouvait assurer sa prestation en respectant ses obligations sociales et fiscales ;

”alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que le délit de l’article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail consiste dans le fait, pour un donneur d’ouvrage, à s’abstenir de vérifier la régularité, au regard des dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail, de la situation de l’entrepreneur dont il utilise les services et que l’arrêt, qui constatait expressément que Roland X... devait être considéré comme ayant procédé aux vérifications qui lui incombaient quant à la situation de l’atelier au regard des dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail et qui n’a pas constaté qu’il ait accepté en connaissance de cause des documents mensongers de la part de son cocontractant ou qu’il ait participé à la fraude de ce dernier, ne pouvait, sans se contredire et méconnaître le principe susvisé, entrer en voie de condamnation à son encontre sur le fondement de l’article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail ;

”alors que le délit de l’article L. 324-14 du Code du travail consiste, pour une personne, à négliger de s’assurer, lors de la conclusion d’un contrat, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard de l’article L. 324-10 du Code du travail ; que cette infraction ne peut être retenue qu’autant que les juges constatent expressément conformément auxdispositions de l’article 121-3, alinéa 3, du Code pénal, que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission ou de ses fonctions, de ses compétences et des moyens dont il disposait et que l’arrêt attaqué qui constatait expressément que Roland X... avait procédé aux vérifications normales lui incombant en application de l’article L. 324-10 du Code du travail, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles 121-3, alinéa 3, du Code pénal et L. 324-14 du Code du travail, entrer en voie de condamnation à son encontre du chef de recours aux services de travailleurs clandestins” ;

Attendu que, pour déclarer Roland X..., gérant de la société “CGC”, coupable du délit prévu par l’article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail, pour avoir, en sa qualité de donneur d’ouvrage, eu sciemment recours aux services de l’entreprise “Morgane Confection” qui dissimulait partie de ses salariés, la cour d’appel retient, au terme de l’analyse des éléments de fait contradictoirement débattus, qu’en confiant à cette entreprise, qui pratiquait des prix très bas, des commandes aussi importantes à exécuter dans de brefs délais, le prévenu avait conscience que cette entreprise artisanale ne pouvait assurer sa prestation avec les seuls salariés régulièrement déclarés et en respectant ses obligations sociales et fiscales ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations souveraines, la cour d’appel, qui ne s’est pas contredite, a justifié sa décision ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre du 15 décembre 1998

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Donneur d’ouvrage - Recours aux services d’un entrepreneur clandestin - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Pouvoirs des juges du fond.

Textes appliqués :
• Code du travail L324-9 al. 2