QPC Cour de cassation - conformité oui - non renvoi

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 8 février 2012

N° de pourvoi : 11-40094

Non publié au bulletin

Qpc seule - Non-lieu à renvoi au cc

M. Loriferne (président), président

SCP Delvolvé, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu l’ordonnance rendue le 9 novembre 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue à la Cour de cassation le 15 décembre 2011, dans l’instance mettant en cause :

D’une part,

"-" l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) du Rhône, dont le siège est 6 rue du 19 mars 1962, 69200 Vénissieux,

D’autre part,

"-" la société Jumfil, dont le siège est 200 route de Lyon, 69390 Vernaison,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique de ce jour ;

Sur le rapport de M. Feydeau, conseiller, l’avis de Mme de Beaupuis, avocat général, et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;

Attendu que la question transmise par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon est ainsi rédigée :

”L’article L. 324-14 ancien du code du travail est-il contraire à la Constitution au regard des articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’aux principes d’intelligibilité et de lisibilité de la loi, de garantie des droits, de liberté du commerce et de l’industrie, du principe de nécessité de proportionnalité et d’individualisation des peines :

"-" en ce qu’il ne prévoit pas directement les diligences à accomplir pour satisfaire aux dispositions de cet article, renvoyant à un article codifié dans la partie réglementaire du code du travail, à l’article R. 324-4 dudit code, lequel cite un certain nombre de documents ne permettant nullement de s’assurer que le cocontractant ne recourt pas au travail dissimulé ;

"-" en ce qu’il ne garantit pas les droits d’un donneur d’ordre, les documents à fournir devant être demandés et -ou établis par le seul cocontractant, qui peut tromper son donneur d’ordre ;

"-" en ce que les obligations imposées à l’article L. 324-14 ancien du code du travail constituent une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dans la mesure où avant d’engager des relations contractuelles et au cours de celles-ci, tous les six mois, la loi impose des sujétions préalables - au demeurant inutiles - dont la garantie dépend du cocontractant ;

"-" en ce que la sanction de la violation de l’article L. 324-14 ancien du code du travail constitue une peine, n’étant pas proportionnée ni au comportement ni à la personnalité du donneur d’ordre poursuivi ?”

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, les mises en demeure adressées le 27 février 2008 à la société Jumfil ayant été délivrées par l’URSSAF du Rhône au titre de la solidarité financière du donneur d’ordres qu’elle institue, et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la méconnaissance de l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, que le texte litigieux qui s’inscrit dans le dispositif de lutte contre le travail dissimulé et tend à assurer la loyauté de la concurrence, ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, pas plus qu’il ne contrevient à la garantie des droits requise par l’article 16 de la Déclaration de 1789, le donneur d’ordres pouvant contester en justice son application, et que la solidarité financière établie par l’article L. 324-14 ne revêt pas le caractère de punition au sens de l’article 8 de la Déclaration précitée ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en l’audience publique du huit février deux mille douze ;

Où étaient présents : M. Loriferne, président, M. Feydeau, conseiller rapporteur, M. Héderer, conseiller, Mme Laumône, greffier de chambre.
Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon du 9 novembre 2011