Particulier - en relation avec l’emploi illégal d’un salarié étranger

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 6 mai 2014

N° de pourvoi : 13-82137

ECLI:FR:CCASS:2014:CR01631

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

 

M. Gérard X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 7e chambre, en date du 20 février 2013, qui, pour exécution d’un travail dissimulé et aide au séjour irrégulier d’un étranger, l’a condamné à 6 000 euros d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 11 mars 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Monfort, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DESPORTES ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite d’un début d’incendie, les gendarmes se sont présentés au domicile de M. X..., à Limonest, où séjournaient deux personnes, M. Y... et M. Z..., ce dernier de nationalité sénégalaise ; qu’ils ont relevé à cette occasion divers indices faisant présumer que ces personnes étaient employées à un travail de réfection de la maison de M. X... ; qu’à l’issue de l’enquête, celui-ci, poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d’exécution d’un travail dissimulé et d’aide au séjour irrégulier d’un étranger, a été déclaré coupable de ces délits ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 385 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable l’exception de nullité soulevée par la défense pour violation de l’article 53 du code de procédure pénale ;

”aux motifs que la défense du prévenu a soulevé en première instance une exception de nullité de la perquisition tirée de la violation de l’article 76 du code de procédure pénale, au motif que celle-ci avait été effectuée en l’absence du propriétaire des lieux et donc de son consentement écrit, et d’une violation du respect des droits de la défense au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, cette dernière violation n’étant pas explicitée, sauf à recouvrir exactement la violation précédente ; que le tribunal a justement fait valoir, pour rejeter l’exception de nullité, que l’article 76 susvisé était applicable aux enquêtes préliminaires, et qu’en l’espèce, la perquisition effectuée avait été conduite dans le cadre d’une enquête de flagrance, de sorte que l’assentiment du propriétaire des lieux n’était pas nécessaire ; que l’exception de nullité soulevée par la défense devant la cour d’appel pour violation de l’article 53 du code de procédure pénale et l’absence de légitimité de l’utilisation de la procédure de flagrance, en l’absence supposée d’indices d’un comportement délictueux, soulevée pour la première fois devant la cour, ne l’a pas été in limine litis et doit donc être déclarée irrecevable ;

”alors que le fait de soulever in limine litis, devant le premier juge, la nullité d’une perquisition, pour violation de l’article 76 du code de procédure pénale, au motif que celle-ci avait été effectuée en l’absence du propriétaire des lieux et de son consentement, implique nécessairement contestation, au moins en substance, de la condition de flagrance retenue par les enquêteurs, peu important l’absence de visa du texte de l’article 53 du code de procédure pénale ; qu’en déclarant le moyen tiré de l’absence de flagrance irrecevable comme n’ayant pas été présenté in limine litis, la cour a violé les textes visés au moyen, dénaturé le cadre du litige, et privé sa décision de tout fondement légal” ;

Attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel a opposé la forclusion édictée par l’article 385 du code de procédure pénale à l’exception de nullité de la procédure antérieure, tirée d’une violation de l’article 53 du même code, présentée pour la première fois devant elle, et fondée sur une disposition légale différente de celle qui avait été invoquée devant les premiers juges avant toute défense au fond ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 21 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, L. 311-1, 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, 121-3, alinéa 1, du code pénal, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger ;

”aux motifs propres que M. Z... a déclaré être arrivé en France en août 2010 (en fait le 25 juillet 2010 comme l’indique M. X... lorsqu’il est interrogé sur le billet de train de M. Z... Milano Centrale-Lyon qui était en sa possession : “Sur le billet de train Milano Centrale vers Lyon : il appartient à M. Z... quand il est venu me rendre visite en France. C’était le 25 juillet 2010”) avec son passeport sénégalais muni d’un visa italien valable du 4 septembre 2009 au 3 septembre 2010 ; que celui-ci n’a jamais indiqué être reparti en Italie dans l’intervalle, entre son arrivée à Lyon et son interpellation, ce que M. X... n’a pas non plus soutenu dans ses différents interrogatoires par les services de gendarmerie, contrairement à ce qui est fait dans un document manuscrit (mais non dans ses conclusions) portant récapitulation de ses différentes pièces ; que si M. X... a produit dans son dossier de première instance une photocopie de permis de séjour italien de M. Z..., valable pour la période du 15 décembre 2007 au 22 septembre 2011, cette possession d’un permis de séjour italien, qui permettait à M. Z... de se déplacer pour de courtes périodes dans l’espace Schengen, lui interdisait en toute hypothèse un séjour de plus de trois mois sur le territoire français sans obtention d’un titre de séjour français ; que le tribunal a justement noté que M . X... était parfaitement au courant de la situation administrative de M. Z... ; qu’il y a lieu de confirmer la déclaration de culpabilité pour aide au séjour irrégulier ;

”et aux motifs adoptés que le tribunal déclare le prévenu coupable d’aide au séjour irrégulier, eu égard au fait que M. X... connaissait la situation administrative de M. Z..., comme il ressort suffisamment de ses déclarations au procès-verbal 10 page 2 ;

”1°) alors qu’en faisant grief à M. Z... de n’avoir pas indiqué être reparti en Italie entre le 25 juillet 2010 et le 16 novembre 2010, et à M. X..., de ne l’avoir pas soutenu durant ses interrogatoires, cependant qu’il incombait à l’accusation d’établir que M. Z... se serait maintenu sur le territoire au-delà d’un délai de trois mois, l’arrêt attaqué a inversé la charge de la preuve et violé la présomption d’innocence ;

”2°) alors qu’il résulte des pièces régulièrement communiquées à l’appui des conclusions, que le 15 juin 2012, M. Z... a déclaré, devant huissier de justice, qui en a dressé constat : « je suis allé en France en août 2010 pour y passer mes congés, visiter mes compatriotes, et non y travailler (¿) M. X... devant partir en Afrique en début septembre 2010 pour deux mois, je suis retourné en Italie pour reprendre mon travail et comme c’était convenu entre nous, je suis revenu à Limonest début novembre 2010¿. » ; qu’en affirmant que M. Z... n’a jamais indiqué être reparti en Italie dans l’intervalle, sans s’expliquer sur cette pièce contraire et de nature à modifier la solution du litige, la cour a privé sa décision de base légale ;

”3°) alors que le délit d’aide au séjour irrégulier suppose la connaissance, par le prévenu, du caractère irrégulier de la situation administrative de l’étranger ; qu’en se bornant à constater que M. X... connaissait la situation administrative de M. Z... qui n’était titulaire que d’un titre de séjour délivré par l’Italie, sans constater qu’il aurait également su que M. Z... était, en fait, demeuré depuis le 25 juillet 2010, et plus de trois mois consécutifs, sur le territoire français, autrement dit, le caractère devenu irrégulier, de ce fait, de sa situation administrative, la cour a privé sa décision de base légale ;

”4°) alors que le seul fait d’héberger chez soi un ami étranger, titulaire d’un titre de séjour italien, autorisé à circuler librement dans l’espace Schengen pour de courtes périodes, ne caractérise aucune aide au séjour irrégulier au sens de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile” ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable d’aide au séjour irrégulier d’un étranger, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors qu’elle a constaté que M. Z... était demeuré plus de trois mois consécutifs sur le territoire national sans être muni d’un titre de séjour valable, et que le prévenu, qui l’hébergeait à son domicile, était informé de sa situation administrative ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-2, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1 du code du travail, 121-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de travail dissimulé ;

”aux motifs propres que, lors de l’intervention inopinée des gendarmes, MM. Y... et Z... étaient en train de commencer des travaux d’une certaine ampleur de réfection de la maison appartenant à M. X... ; qu’en dépit des dénégations du prévenu, il est manifeste que ce dernier a employé à la restauration de sa maison MM. Y... et Z..., sans procéder aux formalités légales, le fait que M. X... ait déclaré avoir pris attache avec l’URSSAF et l’inspection du travail pour régulariser la situation de M. Z... sur le plan du travail démontrant sa volonté d’employer celui-ci pour des travaux de longue haleine qu’il lui avait d’ores et déjà demandé de commencer, avant que lesdites formalités légales ne soient effectuées ; que la possession de la reconnaissance de dettes, l’envoi à la famille de M. Z... de sommes d’argent, la possession par M. X... lors de son arrivée dans la maison à la fin de la perquisition d’une importante somme en numéraire (1875 euros dans le portefeuille et 1 420 euros dans une enveloppe) démontrent le caractère lucratif des travaux ; qu’il y a lieu de confirmer la déclaration de culpabilité du chef de travail dissimulé ;

”et aux motifs adoptés qu’à l’évidence, lors de l’intervention inopinée des gendarmes, MM. Y... et Z... étaient en train de travailler à la réfection de la maison appartenant au prévenu M. X... ; qu’attestent de cette réalité la présence d’outils, de matériaux, de gravats, les vêtements de M. Y..., couverts de poussière, tous éléments constatés par les militaires ; que ces derniers ont encore noté que le réfrigérateur était plein, et qu’en dépit des dénégations du prévenu, il est manifeste que ce dernier a fait venir en sa propriété, en vue de travailler à sa restauration, MM. Y... et Z..., sans procéder aux déclarations légales, et sans remettre de bulletins de salaire ;

”1°) alors qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce ; que ces activités sont présumées accomplies à titre lucratif soit lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle, soit lorsque leur fréquence ou leur importance est établie, soit lorsque la facturation est absente ou frauduleuse, soit lorsque, pour des activités artisanales, elles sont réalisées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel ; qu’en déduisant le but lucratif, au sens du code du travail, des prétendus travaux, de la possession d’une reconnaissance de dettes, de l’envoi à une date inconnue à la famille de M. Z... de deux sommes d’argent d’un montant de 75 et 150 euros, et de la possession par le prévenu d’argent liquide, la cour a statué par des motifs radicalement inopérants et privé sa décision de base légale ;

”2°) alors qu’en l’absence de toute précision sur la nature et l’ampleur exacte des travaux qui devaient prétendument être effectués au propre domicile du prévenu, et le caractère professionnel ou non des outils présents, la cour n’a pas mis la Cour de cassation d’exercer son contrôle au regard des articles L. 8221-3 et L. 8221-4 du code du travail ;

”3°) alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié nécessite que soit caractérisée l’existence d’un contrat de travail ; que doivent être établies la prestation de travail, la rémunération et la subordination juridique du salarié au prévenu ; que le lien de subordination de M. X... sur ses prétendus employés n’est pas caractérisé” ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a relevé à la charge du prévenu l’exercice à but lucratif d’une activité de transformation ou de réparation d’un immeuble par une personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des lois en vigueur, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 20 février 2013