Travaux du bâtiment

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 11 juillet 2017

N° de pourvoi : 16-83733

ECLI:FR:CCASS:2017:CR01942

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 

 

M. Ricardo C... X...,

Mme Y... D... , épouse X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 7e chambre, en date du 4 mai 2016, qui a condamné le premier, pour travail dissimulé et déclaration mensongère à une administration publique en vue d’obtenir un avantage indu, à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 6 000 euros d’amende, la seconde, pour travail dissimulé, à six mois d’emprisonnement avec sursis à 4 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Desportes ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Desportes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire ampliatif et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que M et Mme X... ont été poursuivis du chef de travail dissimulé pour avoir fait procéder à des travaux dans leur maison par deux ouvriers sans leur remettre de bulletin de paie ni procéder à leur déclaration préalable à l’embauche ; que M. X... a en outre été poursuivi du chef de fausse déclaration en vue d’obtenir d’un organisme de protection sociale une prestation indue ; que le tribunal correctionnel a déclaré les faits établis ; que les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaque a déclaré les demandeurs coupables du délit d’exécution d’un travail dissimulé et les a condamnés à une peine d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’au paiement, chacun, d’une amende ;

”aux motifs que les faits reprochés à M. Ricardo C... X... et Mme Y... D... , épouse X..., d’exécution de travail dissimulé sont établis par les éléments de la procédure, tels que ci-dessus relatés ; qu’en effet, malgré les dénégations des prévenus, il est constant que ceux-ci ont employé MM. José B... E... et Mauricio F... en tant que maçons sur le chantier de rénovation de leur maison ; qu’ils ont admis, confirmant ainsi les déclarations de ces deux personnes, qu’ils leur donnaient régulièrement leurs instructions quant au travail à faire, effectuaient les réunions de chantier, leur fournissaient le véhicule utilitaire de marque Opel Combo immatriculé au nom de la société Rifer, géré par l’époux, ainsi que leurs équipements, les rémunéraient mensuellement par des remises d’espèces ou des virements effectués au Portugal, les logeaient dans un appartement sis à Gex étant observé par ailleurs qu’ils réalisaient un bénéfice sur cette sous-location, avaient conservé le permis de résidence de M. José B... E... sans donner suite à sa demande d’établissement d’un contrat de travail ; que, bien qu’ayant ainsi employé MM. José B... E... et Mauricio F... pendant une période de quatre mois à compter du 15 février 2013, les prévenus ont omis intentionnellement de procéder à leur déclaration préalable à l’embauche et de leur remettre un bulletin de salaire lors du paiement de leurs rémunérations ; qu’ils ne peuvent utilement arguer d’un accord d’entreprise avec la société Funchal pour soutenir qu’il appartenait à cette dernière de procéder à la déclaration des deux ouvriers ; qu’ils ne produisent aucun document établissant l’existence d’un tel contrat, le devis sommaire d’une page, non accepté, et la facture intitulée « transformation de villa au [...] », non détaillée et non acquittée, étant dépourvus de toute valeur probante à cet égard ; qu’en tout état de cause, dans l’hypothèse où un contrat d’entreprise aurait été conclu, ni les instructions de travail ni le paiement des salaires n’auraient été assurés par le maître de l’ouvrage ; qu’au contraire, les circonstances de l’emploi de MM. José B... E... et Mauricio F... sur le chantier des époux X... établissent suffisamment l’existence d’un lien de subordination entre eux, et il apparaît que c’est en parfaite connaissance de cause que les prévenus se sont abstenus de respecter leurs obligations d’employeurs ; que la déclaration de culpabilité de ce chef, prononcée par le tribunal, sera confirmée ;

”et aux motifs adoptés qu’il ressort du témoignage des deux ouvriers portugais, MM. José B... E... et Antonio F... qu’ils sont venus du Portugal le 14 février 2013 pour travailler en tant que maçon sur le chantier des époux X..., que Mme Y... X..., qui était leur principal interlocuteur, leur avait fait croire à l’établissement d’un contrat de travail et les logeait dans un appartement qu’elle mettait à leur disposition à Gex pour le loyer duquel ils versaient chacun 300 euros mensuels prélevés sur leur paye, tous deux indiquaient avoir toujours été régulièrement payés en liquide pour l’un et en partie par virement bancaire sur le compte de son épouse restée au Portugal pour l’autre et ce à hauteur de 2 500 euros mensuels ; que M. José B... E... affirmait que Mme X... avait gardé son permis de résident Suisse pour élaborer son contrat de travail qui ne lui avait jamais été restitué, il confirmait avoir cessé son travail sur ce chantier suite à la décision de Mme X... début juin et s’était retrouvé en difficulté car elle leur avait également demandé de quitter l’appartement où ils logeaient ; que M. Antonio F... confirmait avoir eu des promesses de contrat de la part du couple X..., il relatait s’être grièvement blessé un jour sur le chantier et déplorait que Mme X... n’ait effectué aucune démarche pour lui car elle lui avait expliqué que n’étant pas déclaré cela lui serait trop coûteux d’assumer ces frais, il s’était ainsi retrouvé hospitalisé, soigné pour une fracture ouverte dans un hôpital Suisse, sans aucune couverture sociale ; qu’il ajoutait que, cependant, il avait eu de bons rapports avec ses employeurs qui l’avaient toujours bien payé ; que l’enquête a permis de préciser que ces deux ouvriers avaient été recrutés pour le compte des époux X... par une de leurs relations et associé de M. X... dans sa société d’électricité « Riper » sise en Suisse, M. Manuel B... E... , que ce dernier avait expliqué gérer une société de maçonnerie en Suisse [...] et qu’il avait mis en contact avec M. X... son frère et un ami vivant tous deux au Portugal, il affirmait qu’il n’avait jamais été question de travail illégal, qu’au regard des liens de famille qui l’unissait à M. José B... E... , il n’aurait pas cautionné cela, qu’en outre M. X... avait pris les papiers des ouvriers pour établir leur contrat de travail mais rien n’avait été régularisé et subitement ils s’étaient trouvés sans travail et à la rue, il déclarait se sentir très déçu et trahi suite à ces événements ; que M. Ricardo C... X... précisait dans son audition que c’était son épouse qui gérait tout le côté administratif de leur vie, ayant des difficultés avec la langue française, il expliquait tout de même avoir été incité par son associé à employer pour ses travaux de [...] deux de ses proches, il avait accepté pour rendre service, il confirmait employer ces deux personnes sans contrat de travail et ne comprenait pas qu’ils fassent aujourd’hui des problèmes puisque ces deux ouvriers avaient bien été payés, il confirmait avoir demandé à M. José B... de lui remettre ses papiers d’identité pour voir s’il pouvait lui établir un contrat de travail par sa société suisse, ce qui n’avait pas été possible, et avait ensuite oublié de rendre ce document ; que Mme Y... X... indiquait qu’il ne lui appartenait pas de rédiger un contrat de travail pour ces deux ouvriers qui étaient venus du Portugal à l’initiative de l’associé de son mari, M. Manuel B... E... , ce-dernier aurait convenu les conditions de salaire de logement et de transport de ces deux hommes, elle déclarait ainsi que « c’était à eux de se déclarer tous seuls », elle admettait les loger en sous-location pour 250 euros de loyer mensuel chacun dans un appartement qu’elle louait elle-même à Gex et leur verser chaque mois un salaire de 2 500 euros chacun, elle confirmait que son mari avait bien réceptionné le permis d’un de ces ouvriers mais sans qu’il ait été question d’établir pour autant un contrat de travail ; qu’à l’audience, les époux X... ont expliqué avoir toujours cru que c’était à M. José B... E... via sa société de maçonnerie d’établir ces contrats de travail car c’était lui qui avait tout organisé et apporter une partie du matériel, ils affirmaient ignorer la loi applicable en l’espèce puisque résidant en France depuis moins de sept ans ; que, cependant, il ressort des témoignages des ouvriers et des éléments de l’enquête que MM. José B... E... et Antonio F... considéraient bien les époux X... comme leurs employeurs, qu’ils étaient logés et payés par eux, que les papiers de M. José B... E... lui avait même été réclamés et il les a remis à M. X... dans l’objectif de voir établir par lui un contrat de travail, ce qui des aveux mêmes de M. X... n’avait finalement pas été fait car il s’était aperçu qu’il ne pouvait établir un contrat de travail par sa société de droit suisse ; que ces deux ouvriers, s’ils étaient satisfaits de percevoir un salaire conséquent chaque mois, ont été blessés à un moment donné sur ce chantier et Mme X... a dû expliquer à M. José B... E... que n’étant pas déclaré il ne bénéficiait d’aucune couverture sociale de sa part lui permettant d’assumer les soins entrepris ; qu’il apparaît que ce n’est que lorsque la crainte d’un contrôle de ce chantier par la mairie que Mme X... a demandé à ces ouvriers de cesser tout travail et de quitter leur logement, ces éléments permettent de démontrer que les époux X... ont sciemment employé illégalement MM. José B... E... et Antonio F... , organisant frauduleusement le règlement de leurs salaires, soit 5 000 euros chaque mois réglés en majeure partie en espèces, les logeant sans contrat de location visiblement sans informer leur propre bailleur de cette sous-location et les chassant lorsque le risque d’un contrôle du chantier s’est précisé ; qu’il convient donc de déclarer les deux prévenus coupables du chef d’exécution de travail dissimulé ;

”alors que le travail dissimulé est une infraction intentionnelle ; que les demandeurs avaient fait valoir que dès lors que les deux ouvriers maçons, leur avaient été adressés pour travailler sur le chantier de leur maison, par le gérant de la société Funchal, entreprise de plâtre, peinture et décoration d’intérieur, laquelle avait au surplus établi un devis de travaux pour réaliser notamment lesdits travaux de même qu’une facture en avril 2013 mentionnant « main d’oeuvre comprise », ils ignoraient en toute bonne foi que ces ouvriers n’étaient pas déclarés comme salarié de cette société, de sorte que l’élément intentionnel de l’infraction qui leur était reprochée n’était pas caractérisé ; qu’en déduisant l’omission intentionnelle des prévenus de procéder à la déclaration préalable à l’embauche et à la remise de bulletins de salaire, de leur qualité juridique d’employeur, sans nullement rechercher ni apprécier, compte tenu des circonstances ci-dessus décrites, si les demandeurs avaient même conscience de leur qualité d’employeur de ces deux ouvriers, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 8221-5 du code du travail” ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit de travail dissimulé, l’arrêt relève notamment qu’ils ont employé MM. José B... E... et Mauricio F... en tant que maçons sur le chantier de rénovation de leur maison, qu’ils leur donnaient régulièrement leurs instructions quant au travail à faire, effectuaient les réunions de chantier, leur fournissaient un véhicule utilitaire ainsi que leurs équipements, les rémunéraient mensuellement par des remises d’espèces ou des virements effectués au Portugal, les logeaient dans un appartement sis à Gex, étant observé par ailleurs qu’ils réalisaient un bénéfice sur cette sous-location, avaient conservé le permis de résidence de M. B... E... sans donner suite à sa demande d’établissement d’un contrat de travail ; que les juges ajoutent que les époux X... ont omis intentionnellement de procéder à leur déclaration préalable à l’embauche et de leur remettre un bulletin de salaire lors du paiement de leurs rémunérations et qu’ils ne peuvent arguer sur ce point d’un accord d’entreprise avec la société Funchal pour soutenir qu’il appartenait à cette dernière de procéder à la déclaration des deux ouvriers, faute pour eux de produire un quelconque document établissant l’existence d’un tel contrat, le devis sommaire d’une page, non accepté, et la facture intitulée « transformation de villa au [...] », non détaillée et non acquittée, étant dépourvus de toute valeur probante à cet égard ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui font ressortir que c’est en parfaite connaissance de cause que les prévenus se sont abstenus de respecter leurs obligations d’employeurs, la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-6, 441-10 du code pénal, 111-2 et 111-3, 112-1 dudit code 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le demandeur coupable de déclarations mensongères à une administration publique en vue d’obtenir un avantage indu, l’a condamné à un emprisonnement délictuel avec sursis et à une amende et, sur l’action civile, l’a condamné à payer au Pôle emploi Rhône-Alpes, partie civile, la somme de 25 385,40 euros à titre de dommages-intérêts ;

”aux motifs que le délit de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir une prestation ou un paiement indu est établi par les éléments de la procédure ; que, bien qu’ayant créé le 13 février 2012 l’entreprise Rifer, sise à Genève, dont il est le dirigeant, M. Ricardo C... X... n’a pas informé les services de Pôle emploi de son activité au sein de cette société ; que sa demande d’allocations chômage, établie le 14 mai 2012, ne mentionne l’exercice d’aucune activité professionnelle, salariée ou non, et indique qu’il n’était pas inscrit au registre du commerce ou au répertoire des métiers, ni mandataire de société ; qu’il a persisté dans cette omission lors des déclarations mensuelles de situation et des entretiens avec le conseiller Pôle emploi, affirmant être à la recherche d’un emploi ; qu’il a ainsi intentionnellement caché sa véritable situation afin de bénéficier indûment du versement de prestations chômage ; que s’il invoque, pour expliquer la teneur de sa demande d’allocations, l’absence d’activité de la société Rifer et le lieu de son siège social, il sera observé qu’il ressort de la procédure que cette société, loin d’être en sommeil, avait recruté, au cours de la période visée aux poursuites, au moins un employé en la personne de M. Domingos G... en octobre 2012, voire trois selon les déclarations de M. Manuel B... E... , et disposait au minimum d’un véhicule utilitaire ; que le fait qu’elle soit établie en Suisse ne le dispensait pas d’informer les services de Pôle emploi de son statut de mandataire social ; qu’enfin, il a déclaré lors de son audition le 11 août 2013, après avoir précisé qu’il était le président d’une entreprise d’électricité en Suisse depuis deux ans, percevoir une rémunération mensuelle de 7 000 euros ; que c’est donc à bon droit que le tribunal correctionnel a retenu M. Ricardo C... X... dans les liens de la prévention ; que sa décision sera confirmée, sans qu’il n’y ait lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue d’un éventuel recours de l’intéressé contre la décision administrative de sa radiation de la liste des demandeurs d’emploi, indifférente quant à la constitution du délit poursuivi ;

”et aux motifs adoptés des premiers juges que, sur le délit de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d’une personne publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public une allocation, une prestation un paiement ou un avantage indu au préjudice de Pôle emploi ; qu’il ressort des documents déclaratifs remis par Pôle emploi que M. Ricardo C... X... a effectué le 14 mai 2012 une demande d’allocation auprès de ce service affirmant par écrit n’avoir aucune activité professionnelle et aucun statut de chef d’entreprise, que cependant, le 13 février 2012, il avait créé une société d’électricité nommé « Rifer » et sise en Suisse et qu’il n’a jamais évoqué ce statut ni au moment de sa demande initiale ni lorsque chaque mois il lui était demandé par Pôle emploi d’actualiser sa situation ; que le prévenu conteste le délit de déclaration fausse ou incomplète à Pôle emploi expliquant que sa société est de droit suisse et se trouve depuis toujours en sommeil, qu’il n’a perçu aucun revenu quant à cette société et qu’il n’a pas effectué de déclaration mensongère puisqu’en France il est sans activité ni ne se trouve inscrit au registre du commerce et des sociétés ou de la chambre des métiers ; que si l’enquête présente des carences en matière d’investigations financières et n’a pas permis de préciser l’activité réelle de la société suisse Rifer ainsi que les sommes perçues par M. Ricardo C... X... de cette activité, il convient de rappeler que dans son audition du 11 août 2013 (PV 10) il affirmait « gagner environ 7 000 euros par mois », qu’à l’audience il admet par ailleurs avoir eu pour cette société au moins un salarié sur plusieurs chantiers et il ne peut qu’être rappelé que si les revenus officiels du couple sont le salaire de Mme X... comme gouvernante pour environ 6 à 7 000 euros mensuels et les prestations pôle emploi pour Monsieur, ils sont parvenus à régler un salaire pour deux ouvriers d’environ 5 000 euros au total par mois pendant un trimestre et à financer des travaux dans une maison à [...] ainsi qu’à louer un appartement à Gex qu’ils n’occupent pas ; qu’en outre le délit reproché au prévenu est constitué dès lors qu’il n’ignorait pas son statut de dirigeant de société même de droit étranger et qu’il effectuait à Pôle emploi des déclarations de situation erronées car incomplètes et ce quelque soit le profit ou l’absence de profit qu’il en a retiré ; qu’il résulte de ces éléments qu’il convient donc de déclarer M. Ricardo C... X... coupable du chef de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d’une personne publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu ;

”1°) alors qu’en retenant que le « délit de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir une prestation ou un paiement indu est établi » et en déclarant le demandeur coupable de ce chef à raison de son « omission » lors des déclarations mensuelles de situation auprès du service de Pôle emploi et du fait qu’il aurait « intentionnellement caché sa véritable situation », la cour d’appel qui s’est ainsi nécessairement fondée sur les dispositions de l’article 441-6 du code pénal, issues de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, texte inapplicable au regard de la date des faits visés à la prévention, lesquels étaient antérieurs au 31 août 2013, a violé les textes susvisés ;

”2°) alors que le demandeur avait fait valoir et offert de rapporter la preuve qu’au temps de la prévention, la société Rifer qu’il avait constituée en Suisse et de laquelle il ne percevait aucun revenu, était en sommeil dès lors qu’elle restait dans l’attente d’une autorisation de l’administration suisse pour développer son activité, cette autorisation n’ayant été finalement accordée que le 16 juin 2014 ; qu’en se bornant à relever que la société Rifer, loin d’être en sommeil, avait recruté au cours de la période visée aux poursuites, au moins un employé en octobre 2012 et disposait au minimum d’un véhicule utilitaire, sans nullement rechercher ni préciser, au-delà de ces seules constatations, d’où il ressort qu’en dépit de l’absence d’autorisation de l’administration Suisse, cette société avait effectivement développé, au temps de la prévention, une activité et que celle-ci aurait été à l’origine d’un quelconque revenu pour le demandeur, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

”3°) alors que le délit de fourniture d’une déclaration mensongère pour obtenir des allocations n’est caractérisé que si celles-ci ne sont pas dues ; que le caractère indu des allocations ne peut se déduire de la seule fausseté de la déclaration effectuée par le prévenu ou de son seul caractère incomplet ; qu’en relevant qu’ayant créé le 13 février 2012 l’entreprise Rifer sise à Genève, dont il est le dirigeant, le demandeur, prévenu, n’avait pas informé les services de Pôle emploi de son activité au sein de cette société, que sa demande d’allocations chômage établie le 14 mai 2012 ne mentionne l’exercice d’aucune activité professionnelle salariée ou non et indique qu’il n’était pas inscrit au registre du commerce ou au répertoire des métiers ni mandataire de société et qu’il a persisté dans cette omission lors des déclarations mensuelles de situation et des entretiens avec le conseiller Pôle emploi, affirmant être à la recherche d’un emploi, pour en déduire « qu’il a ainsi intentionnellement caché sa véritable situation afin de bénéficier indûment du versement de prestations chômage », la cour d’appel qui a ainsi déduit le caractère indu des allocations chômages litigieuses, du seul constat de ce que le prévenu aurait caché sa véritable situation ou omis certaines informations lors des déclarations mensuelles de situation, n’a nullement caractérisé en quoi, s’il n’avait pas omis de révéler ces informations, le prévenu n’aurait pu prétendre auxdites allocations chômage et partant leur caractère indu, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 441-6, alinéa 2, du code pénal ;

”4°) alors qu’après avoir retenu que, bien qu’ayant créé le 13 février 2012 l’entreprise Rifer sise à Genève dont il est le dirigeant, le prévenu n’avait pas informé les services de Pôle emploi de son activité au sein de cette société, pour en déduire qu’il avait ainsi intentionnellement caché sa véritable situation afin de bénéficier indûment du versement de prestations chômage, la cour d’appel qui énonce qu’il a déclaré, lors de son audition le 11 août 2013, après avoir précisé qu’il était le président d’une entreprise d’électricité en Suisse depuis deux ans, percevoir une rémunération mensuelle de 7 000 euros, sans nullement préciser d’où il ressortait que ce revenu était bien celui que le demandeur tirait d’une activité professionnelle au sein de l’entreprise Rifer, qu’il lui était précisément reproché de n’avoir pas déclarée au service de Pôle emploi, et non, comme l’avaient retenu les premiers juges, le revenu que son épouse tirait de son activité salariée de gouvernante comme elle l’avait elle-même reconnu dans un autre procès-verbal du même jour, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”5°) alors que le demandeur avait demandé qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue du recours qu’il avait formé devant le juge administratif contre la décision du 6 décembre 2013 du préfet de l’Ain l’ayant exclu définitivement du bénéfice des allocations chômage à raison des mêmes faits que ceux visés à la prévention ; que pour refuser de faire droit à cette demande, la cour d’appel qui énonce que l’issue de ce recours est « indifférente quant à la constitution du délit poursuivi », cependant qu’au contraire, la décision du juge administratif annulant la décision du préfet excluant le demandeur du bénéfice des allocations chômage - telle qu’elle est au demeurant intervenue le 5 avril 2016 - était de nature à démontrer le bien fondé de son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, son droit, en dépit des faits précisément visés à la prévention, à percevoir des allocations chômage et partant l’absence de caractère indu des allocations litigieuses en dépit de l’omission de déclaration de « sa véritable situation » s’agissant de sa qualité de dirigeant de l’entreprise Rifer en Suisse, a violé les textes susvisés” ;

Attendu que, pour déclarer établis les faits de fausse déclaration ou déclaration incomplète en vue d’obtenir d’un organisme de protection sociale une prestation indue en application de l’article 441-6 du code pénal, l’arrêt relève notamment que, bien qu’ayant créé le 13 février 2012 l’entreprise Rifer, sise à Genève, dont il est le dirigeant, M. Ricardo C... X... n’a pas informé les services de Pôle emploi de son activité au sein de cette société, sa demande d’allocations chômage, établie le 14 mai 2012, ne mentionnant l’exercice d’aucune activité professionnelle, salariée ou non, et indiquant qu’il n’était pas inscrit au registre du commerce ou au répertoire des métiers, ni mandataire de société ; que les juges ajoutent qu’il a persisté dans cette omission lors des déclarations mensuelles de situation et des entretiens avec le conseiller Pôle emploi, affirmant être à la recherche d’un emploi et a ainsi intentionnellement caché sa véritable situation afin de bénéficier indûment du versement de prestations chômage ; qu’enfin, l’arrêt énonce que si le prévenu invoque, pour expliquer la teneur de sa demande d’allocations, l’absence d’activité de la société Rifer et le lieu de son siège social, cette société, loin d’être en sommeil, avait recruté, au cours de la période visée aux poursuites, au moins un employé en la personne de M. Domingos G... en octobre 2012, voire trois selon les déclarations de M. Manuel B... E... , et disposait au minimum d’un véhicule utilitaire ; que le fait qu’elle soit établie en Suisse ne le dispensait pas d’informer les services de Pôle emploi de son statut de mandataire social ; qu’enfin, il a déclaré lors de son audition le 11 août 2013, après avoir précisé qu’il était le président d’une entreprise d’électricité en Suisse depuis deux ans, percevoir une rémunération mensuelle de 7 000 euros ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu’il résulte de l’article 441-6, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 comme dans celle applicable la date des faits, que le fait, pour un bénéficiaire des allocations d’aide aux travailleurs privés d’emploi, de ne pas déclarer à Pôle emploi l’exercice d’une activité professionnelle caractérise la fraude en vue d’obtenir lesdites allocations ;

D’où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu qu’en l’état des énonciations de l’arrêt critiqué, dont il se déduit que M. X..., qui exerçait une activité rémunérée en qualité de président d’une société active dans le secteur de l’électricité, a perçu de façon indue, au même temps, une allocation d’aide aux travailleurs privés d’emploi, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Que dès lors, les griefs ne sont pas fondés ;

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche :

Attendu que, pour rejeter la demande du prévenu tendant à ce que le juge pénal sursoie à statuer dans l’attente d’une décision à intervenir du juge administratif, l’arrêt relève que la décision administrative de sa radiation de la liste des demandeurs d’emploi est indifférente quant à la constitution du délit poursuivi ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Qu’en effet, en raison de l’indépendance et de la différence d’objet des poursuites pénales pour fraude ou fausse déclaration en vue d’obtenir d’un organisme de protection sociale une allocation ou une prestation indue et de l’action exercée devant le juge administratif tendant à l’annulation d’une décision d’exclusion définitive du bénéfice des allocations chômage, le juge répressif n’est pas tenu de surseoir à statuer jusqu’à la décision de la juridiction administrative, laquelle ne peut en outre avoir au pénal l’autorité de la chose jugée et ne saurait s’imposer à la juridiction correctionnelle ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 4 mai 2016