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Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 13 septembre 2005

N° de pourvoi : 04-87840

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize septembre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

"-" X... Louis,

"-" X... Michel,

"-" LA SOCIETE MANUFACTURE DE PLUMES ET DUVETS DU CENTRE, (MPDC),

contre l’arrêt de la cour d’appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2004, qui, pour complicité de marchandage, travail dissimulé, emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié, infraction au monopole de l’Office des migrations internationales, a condamné chacun des deux premiers à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d’amende, la troisième à 20 000 euros d’amende et a ordonné la publication et l’affichage de la décision ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1, L. 143-3, L. 152-3, L. 324-9 à L. 324-11, L. 362-3, L. 341-4, L. 341-6, L. 341-9, L. 364-3, L. 364-6, L. 364-8, L. 364-9 du Code du travail, 121-2 du Code pénal, 591, 593 et 706-43 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société MPDC coupable d’infractions au Code du travail et, en répression, l’a condamnée à 20 000 euros d’amende ;

”alors qu’il résulte de l’article 706-43, alinéa 1er, du Code de procédure pénale que, dès lors qu’à l’occasion de poursuites exercées contre une personne morale, l’action publique est également mise en mouvement, pour les mêmes faits, contre le représentant légal, la désignation d’un mandataire de justice pour représenter la personne morale au cours des poursuites est obligatoire ; qu’en l’espèce, il ressort des énonciations de l’arrêt et de la procédure que la société MPDC a été représentée, tant devant la cour d’appel que devant les premiers juges, par Michel X..., représentant légal de cette entité juridique, lequel faisait pourtant l’objet de poursuites pour les mêmes faits dans la même procédure, de sorte que les dispositions susvisées, qui sont d’ordre public, ont été méconnues” ;

Attendu que, selon l’article 706-43 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, applicable à l’espèce, lorsque des poursuites pour des mêmes faits ou pour des faits connexes sont engagées à l’encontre du représentant légal, la désignation d’un mandataire de justice pour représenter la personne morale est facultative ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1, L. 143-3, L. 152-3, L. 324-9 à L. 324-11, L. 362-3, L. 341-4, L. 341-6, L. 341-9, L. 364-3, L. 364-6, L. 364-8, L. 364-9 du Code du travail, 121-3 et 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Louis et Michel X..., et la société MPDC, coupables d’infractions au Code du travail ;

”aux motifs que l’infraction principale de fourniture illégale de main d’oeuvre à but lucratif est constituée ; que les ressortissants polonais, sous le couvert d’un statut de travailleurs indépendants, occupaient en réalité les postes de travail réservés par le passé aux salariés, ainsi que l’ont reconnu eux-mêmes les prévenus qui ont regretté de ne plus trouver de main d’oeuvre française ; qu’en ayant recours à ces travailleurs, dits indépendants, les dispositions protectrices du droit du Travail sont éludées : absence de bulletins de salaire, non paiement des heures supplémentaires, absence de repos compensatoire, aucun contrôle de la médecine du travail, non respect d’un salaire minimum, contournement de la réglementation en matière de représentation du personnel ; que le délit de “ marchandage “ est ainsi constitué sans aucune ambiguïté ; que l’infraction principale existe même si pour des raisons d’opportunité, de difficultés relatives à l’application du droit international, M. Y... organisateur de véritables réseaux de travail clandestin n’est pas poursuivi ; que Louis et Michel X..., en profitant de cette fourniture illégale de main d’oeuvre, se sont donc bien rendus complices du délit de “ marchandage “ ;

que Louis et Michel X... contestent encore l’existence de l’élément matériel et de l’élément intentionnel de l’infraction ; que cependant la matérialité des faits constatés par le procès-verbal de l’inspection du Travail (présence des travailleurs, instruction en polonais sur les machines ) ne peut être remis en cause ; qu’à l’audience, les frères X... ont confirmé qu’ils avaient volontairement recours à des travailleurs polonais car la main d’oeuvre sur place ne se montrait pas empressée ; qu’ainsi l’élément intentionnel est constitué ; que les ressortissants polonais ne disposaient pas davantage d’autorisation de travail salarié et leur venue en France a été organisée dans des conditions qui constituent une infraction au monopole de l’office des migrations internationales ;

”alors que l’élément moral de la complicité implique que l’aide ou l’assistance ait été apportée à l’auteur d’une infraction en connaissance de l’infraction qui allait être commise ; qu’en l’espèce, les consorts X... se prévalaient de ce qu’à aucun moment, ils n’ont voulu enfreindre les dispositions du Code du travail dès lors qu’à défaut de pouvoir trouver de la main d’oeuvre locale, ils ont signé un contrat de prestation de service avec M. Y..., leur permettant, selon les termes de cette convention, d’avoir recours à des sous-traitants qualifiés, et qu’à cette occasion ils ont reçu l’aval tant de leur expert-comptable que du commissaire aux comptes de l’entreprise ; qu’en se bornant, dès lors, afin de caractériser l’élément intentionnel du délit de complicité de marchandage, à se fonder sur le fait que Louis et Michel X... ont reconnu avoir eu volontairement recours à des travailleurs polonais, ce que les demandeurs n’ont jamais contesté, sans rechercher si la circonstance que ces derniers n’aient pu trouver de la main d’oeuvre locale, les conduisant ainsi par nécessité à conclure un contrat de prestation de service avec M. Y..., n’était pas de nature à démontrer qu’à aucun moment les demandeurs n’ont eu pour objectif de contourner les dispositions protectrices du Code du travail en ayant recours à des travailleurs étrangers, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de BOURGES, chambre correctionnelle du 16 décembre 2004