Pas de retenue sur salaire si procédure d’introduction en France

Cour d’Appel de Versailles 2 juillet 2009 N° 05/04972
Code nac : 80A

AFFAIRE :

Anne KLEIN DE

SUZANNET

C/

Aicha CHENA

ARRET N°497

CONTRADICTOIRE

LE DEUX JUILLET DEUX MILLE NEUF,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Anne Klein De Suzannet et a.

La Chardière

85250 CHAVAGNES EN PAILLERS

représentée par la SCP J. TREMOLET DE VILLERS TH SCHMITZ & G.LE MAIGNAN, avocats au barreau de PARIS

Monsieur Jean-Dominique KLEIN

Chez Mr ou Mme Henri KLEIN 34 rue du Docteur Blanche 75016 PARIS non comparant

APPELANTS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mai 2005 par le Conseil de Prud’hommes de NANTERRE N° Chambre : Section : Activités diverses N° RG : 04/00327

Madame Aicha Chena

184 avenue de Verdun

92130 ISSY LES MOULINEAUX

représentée par M. M’Hamed LAKHADARI (Conjoint) en vertu d’un pouvoir général

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP J. TREMOLET DE VILLERS TH SCHMITZ & G.LE MAIGNAN

Copies certifiées conformes délivrées à :

Anne KLEIN DE SUZANNET, Jean-Dominique KLEIN

Aicha CHENA

INTIMEE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 14 Mai 2009, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Anne TERCHEL

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêt avant dire droit du 30 octobre 2008 auquel il est expressément fait référence pour l’exposé des faits et de la procédure, la cour de céans, statuant sur l’appel formé par madame KLEIN de SUZANNET d’un jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 17 mai 2005, a :

"-" Dit que les demandes formulées par madame CHENA à l’encontre dee madame de .SUZANNET ne sont pas prescrites ;

"-" Confirmé le jugement en ce qu’il a condamné monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à payer à madame CHENA la somme de 792, 73 € à titre de remboursement de la redevance forfaitaire prescrite par l’Office des Migrations Internationales ;

"-" Infirmé le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

"-" Condamné monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à payer à madame CHENA, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par les intéressés de leur convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, les sommes de :

+ 3.952,46 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 1999 au 31 janvier 2000 ;

+ 395,24 € au titre des congés payes afférents ; + 366, 36 € à titre de remboursement des cotisations prévoyance mutuelle ;

"-" Condamné monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à payer à madame CHENA, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

"-" Condamne monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à verser à l’IRCEM les cotisations de retraite complémentaires concernant madame CHENA pour la période du 1er juillet 1999 au 31 janvier 2003 ;

"-" Débouté madame CHENA de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er juillet 1999 au 31 janvier 2003, de paiement de la somme de 43.345, 16 € et de dommages-intérêts pour appel abusif ;

"-" Dit que la prise d’acte par madame CHENA de la rupture de son contrat de travail, le 1er décembre 2000, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

"-" Sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties ; Avant-dire droit sur ces demandes,

"-" Ordonne la réouverture des débats ;

"-" Invité les parties à fournir à la cour les explications sur les points suivants :

1) Comment s’explique l’écart entre le montant des retenues effectuées chaque mois sur le salaire de madame CHENA au titre des avantages en nature, soit 12.779,20 €, et le montant dont madame CHENA demande le paiement, soit 17.043, 80 € ?

2) Quels sont les motifs du congé sans solde qui, selon madame de SUZANNET, aurait été pris par madame CHENA en août 2000 et dans quelles circonstances est-il intervenu ?

3) De quelles prestations complémentaires madame CHENA bénéficiaient-elles en cas d’arrêt de travail pour maladie et de congé de maternité ? Avait-elle droit au maintien de tout ou partie de sa rémunération ;

4)_le délai-congé a-t-il commence à courir le 1er décembre 2002, date de la lettre de prise d’acte, ou à compter du 31 janvier 2003, date à laquelle a pris effectivement fin la relation de travail ?

"-" Renvoyé la cause et les parties à l’audience du 14 mai 2009 ;

"-" Réservé les dépens.

Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier à l’audience et soutenues oralement, madame de SUZANNET demande à la cour de :

"-" Débouter madame CHENA de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

"-" Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté madame CHENA de sa demande de remboursement des prestations en nature fournies pendant les temps de travail et de congés payés ;

"-" Infirmer le jugement pour le surplus ;

"-" Constater que la suspension de la rémunération correspond aux périodes de suspension du contrat de travail ;

"-" Constater que le préavis de 2 mois a été paye et effectue au cours des mois de décembre 2002 et de janvier 2003 ;

"-" Constater que madame CHENA avait trois ans d’ancienneté lors de la rupture du contrat de travail ;

En conséquence,

"-" Dire et juger que l’indemnité de licenciement est égale à la somme de 434, 76 € ;

"-" Dire et juger que madame CHENA ne justifie d’aucun préjudice moral et matériel distinct de la rupture qui ne soit pas déjà indemnisé ;

En conséquence,

"-" Débouter madame CHENA de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre madame de SUZANNET.

Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier à l’audience et soutenues oralement, madame CHENA demande à la cour de :

"-" Débouter madame de SUZANNET de toutes ses demandes ;

"-" Condamner madame de SUZANNET à restituer à madame CHENA la somme de 15.950, 14 € retenue au titre des prestations en nature, en manquement à ses obligations contractuelles ;

Subsidiairement, en cas de rejet de cette demande,

"-" Condamner monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à restituer à madame CHENA la somme de 12.779,20 € relevée sur les bulletins de salaire du 1er février 2000 au 31 janvier 2003 ;

"-" Condamner madame de SUZANNET à verser à madame CHENA les sommes suivantes :

+ 843, 87 € au titre de la régularisation des congés payés pour la période du 1er juillet 1999 au 31 mai 2000 ;

+ 1.924,88 € que madame CHENA aurait du percevoir dans le cadre de la prévoyance mutuelle si son employeur n’avait pas détourné les cotisations destinées à cet organisme ;

+ 6.352,50 € à titre de régularisation de salaire ;

+ 635, 25 € au titre des congés payes afférents ;

"-" Condamner l’employeur à rectifier les bulletins de salaire du 1er août 2000 au 31 janvier 2003 ;

"-" Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le délai-congé de deux mois avait commencé à courir à compter du 31 janvier 2003, date à laquelle a effectivement pris fin la relation de travail ;

En conséquence,

"-" Confirmer le jugement en ce qu’il a condamne l’employeur à verser à madame CHENA les sommes de :

+ 2.898, 40 € à titre d’indemnité de préavis de deux mois (février et mars 2003) ;

+ 289, 84 € au titre des congés payes afférents ;

"-" Confirmer le jugement en ce qu’il a condamne l’employeur à délivrer à madame CHENA les bulletins de salaire des mois de février et mars 2003 correspondant au délai-congé.

Monsieur KLEIN, quoique régulièrement convoqué, n’était pas présent à l’audience et ne s’y est pas fait représenter.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, ainsi qu’aux prétentions orales telles qu’elles sont rappelées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de remboursement des prestations en nature formulées par madame CHENA :

Attendu que madame de SUZANNET fait valoir que contrairement à ce qu’a indiqué la cour dans les motifs de son précédent arrêt du 30 octobre 2008, elle n’a, quant à la prise en compte des avantages en nature au titre du logement et de la nature dont bénéficiait la salariée, manqué à aucune de ses obligations contractuelles ; qu’elle a appliqué les dispositions de l’article 20.5 de la convention collective des salariés du particulier employeur aux termes desquelles les prestations en nature sont déduites du salaire net ;

Attendu, cependant, que madame CHENA, de nationalité algérienne, disposait depuis le 1er juillet 1999 d’une autorisation administrative de travail provisoire prorogée à plusieurs reprises en attente d’une régularisation définitive qui est intervenue en juillet 2000 ; qu’à ce titre étaient applicables aux parties les dispositions d’ordre public, expressément invoquées par madame CHENA dans ses écritures d’appel, selon lesquelles il est interdit à tout employeur d’opérer sur le salaire d’un travailleur étranger en France des retenues, sous quelque forme que ce soit ;

Qu’il résulte des stipulations des contrats de travail conclus entre les parties ainsi que des mentions figurant sur les bulletins de salaire que chaque mois, madame CHENA se voyait déduire sur son salaire diverses sommes au titre des avantages en nature constitués, d’une part, du logement mis à sa disposition par ses employeurs, d’autre part, des repas qui lui étaient fournis ;

Que nonobstant toute stipulation contractuelle ou toute disposition conventionnelle contraire, de telles déductions opérées sur le salaire de madame CHENA étaient illicites ; que cette dernière est dès lors en droit, de ce seul motif, de prétendre au remboursement de ces déductions ;

Attendu qu’il apparaît, à la lumière des explications respectives des parties ainsi que de leur réponse à la question posée par la cour dans son précédent arrêt sur le montant des retenues effectuées, que pour la période du 1er juillet 1999 au 31 janvier 2003, une somme totale de 12.779,20 € a été retenue de façon illicite sur les salaires de madame CHENA, au titre de ses avantages en nature ;

Qu’il convient, en conséquence, de condamner monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à rembourser ladite somme de 12.779,20 € à madame CHENA ;

Sur la demande de madame CHENA tendant au paiement d’un rappel d’indemnité de congés payés pour la période du 1er juillet 1999 au 31 mai 2000

Attendu que madame CHENA dément catégoriquement s’être trouvée en congé sans solde au cours du mois d’août 2000 ; que madame de SUZANNET ne produit aucun élément de nature à établir que la salariée aurait bénéficié d’un tel congé ;

Qu’en conséquence, madame CHENA était en droit de prétendre au paiement de son indemnité de congés payés pendant tout le mois d’août 2000 et non pendant les seuls quinze premiers jours qui lui ont été payées ; qu’il convient en conséquence de faire droit à sa demande et de condamner madame de SUZANNET au paiement, de ce chef, d’une indemnité de congés payés de 843, 87 € ;

Sur la demande de madame CHENA tendant au paiement des sommes qu’elle aurait dû percevoir de la Prévoyance mutuelle :

Attendu que selon l’article 19 de la convention collective des salariés du particulier employeur, les salariés justifiant de six mois d’ancienneté chez le même employeur et quel que soit le nombre d’heures de travail effectué, bénéficient en cas d’absence pour maladie ou accident, dûment constatée par avis d’arrêt de travail adressé à l’employeur dans les 48 heures, d’une indemnité d’incapacité complémentaire à celle de la Sécurité sociale ; que cette indemnité prend effet à partir du premier jour indemnisable par la Sécurité sociale, en cas d’accident de travail et assimilé, et du onzième jour, pour chaque arrêt de travail, dans les autres cas ; que ces garanties sont financées par un fonds de prévoyance auquel cotisent employeurs et salariés ;

Que madame CHENA ne justifiant pas d’un même arrêt de travail de plus de onze jours, ne pouvait prétendre au paiement d’indemnités journalières complémentaires au titre de la Prévoyance ;

Qu’il convient, dès lors, de débouter madame CHENA de cette demande ;

Sur la demande de madame CHENA tendant à un rappel de salaire pour la période du 1er août 2000 au 31 janvier 20003 :

Attendu que les allégations de madame CHENA faisant état d’une diminution de 211,75 € parmois de sa rémunération, n’apparaissent pas établies ; qu’en effet, le salaire brut mensuel de la salariée, retenu par l’employeur comme base de calcul du montant de sa rémunération, a toujours été, au cours de cette période au moins égal à la somme de 8.982, 07 F telle que fixée aux contrats de travail ;

Qu’il convient, dès lors, de la débouter de cette demande ;

Sur la demande d’indemnité compensatrice de préavis :

Attendu qu’il résulte des explications des parties sur ce point et des pièces produites aux débats que madame CHENA a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 1er décembre 2002 et qu’elle a entendu effectuer aussitôt son préavis, lequel a pris fin, en application de l’article 12 de la convention collective, le 31 janvier 2003 ;

Qu’il convient dès lors de débouter madame CHENA de cette demande ;

Sur la demande d’indemnité de licenciement :

Attendu que selon l’article 12-3 de la convention collective, l’indemnité de licenciement due au salarié justifiant d’une ancienneté d’au moins deux ans est d’un dixième de mois par année d’ancienneté de services continus chez le même employeur,

Que madame CHENA ayant une ancienneté de trois ans et demi, compte tenu du délai-congé ayant pris fin le 31 janvier 2003, est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement de 1.449,20 € X 3,5 / 10 = 507, 20 € au paiement de laquelle il convient de condamner monsieur KLEIN et madame de SUZANNET ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que sont applicables les dispositions de l’article L 1235-5, alinéa 2, du Code du travail selon lesquelles la salariée peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Que la cour dispose des éléments d’appréciation suffisants pour évaluer le préjudice subi par madame CHENA du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1.500 €, au paiement de laquelle il convient de condamner monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Vu l’arrêt partiellement avant dire droit de la cour en date du 30 octobre 2008,

Condamne monsieur KLEIN et madame de SUZANNET à verser à madame CHENA les sommes de :

Avec intérêts au taux légal à compter de la réception par les défendeurs de leur convocation devant le bureau de conciliation,

+ 12.779,20 € à titre de remboursement des retenues illicites pratiquées sur son salaire du juillet 1999 au 31 janvier 2003 ;

Avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

+ 507,20 € au titre de l’indemnité de licenciement ; + 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne madame de SUZANNET à verser à madame CHENA, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation la somme de 843, 87 € à titre de rappel d’indemnité de congés payés pour la période du 1er juillet 1999 au 31 mai 2000 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne monsieur KLEIN et madame de SUZANNET aux dépens.

Arrêt prononcé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier présent lors du prononcé

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,

CA Versailles, 2 juillet 2009, 15e ch., Mme Klein de Suzannet c/ Mme Chena.

Demandeur : Klein De Suzannet et a.
Défendeur : Chena