Fausse ETT communautaire - autorisation de travail nécessaire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 7 juin 2017

N° de pourvoi : 15-87214

ECLI:FR:CCASS:2017:CR01227

Publié au bulletin

Cassation

M. Guérin (président), président

SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

 La société Yvroud européenne des fluides,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2015, qui, pour emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail, aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France et travail dissimulé, l’a condamnée à six amendes de 5 000 euros ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 25 avril 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’un premier contrôle, réalisé le 21 avril 2009, sur le chantier de construction d’une clinique à La Ravoire (Savoie), a révélé l’emploi par la société Yvroud européenne des fluides (la société Yvroud) de treize ressortissants roumains, démunis pour certains de titre de séjour et d’autorisation de travail, alors qu’ils avaient été recrutés par la société Yvroud en Roumanie par le truchement d’une société de droit roumain, ICG International Group (la société ICG) ; que lors d’un second contrôle de ce chantier, effectué le 11 mai 2009, la présence de vingt salariés de nationalité roumaine, employés dans des conditions similaires, était constatée ; que la poursuite des investigations menées par le service de police, ainsi que par l’inspection du travail a établi que ces travailleurs avaient été embauchés par la société ICG, succédant à une précédente société de droit roumain, la société SC Allodia Impexcom SRL, en qualité d’intérimaires, avant d’être envoyés en France, pour une durée indéterminée, entre mai 2008 et janvier 2009, puis mis à la disposition, notamment, de la société Yvroud, cette dernière les employant sur ledit chantier et assurant leur hébergement à ce titre ; que, selon les auditions réalisées, l’étude des documents saisis et le rapport de l’inspection du travail, les salaires indiqués et le nombre d’heures de travail effectuées par ces travailleurs tels que mentionnés sur les contrats de mise à disposition étaient inexacts ; que, selon les éléments transmis par l’administration du travail roumaine, les sociétés Allodia et ICG ne bénéficiaient pas du statut d’entreprise de travail temporaire et aucun contrat de mise à disposition établi par ces société pour treize des salariés ayant oeuvré pour le compte de la société Yvroud n’avait été établi, situation dont il était déduit l’existence de faits de travail dissimulé ; que, saisi des poursuites engagées contre ladite société, le tribunal a rejeté l’exception d’irrégularité de la procédure soulevée et a déclaré la société Yvroud coupable des chefs de travail dissimulé, d’emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France ; que le prévenu et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 509, 512, 463, 592, 593, 648 à 651 du code de procédure pénale, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a refusé de faire droit à l’exception de nullité de la procédure soulevée par la société Yvroud ;
” aux motifs que l’avocat de la société Yvroud fait état de ce qu’il avait sollicité l’accès aux scellés faits par les services de police et qu’il lui avait été indiqué, après recherches, que l’intégralité des scellés avait disparu ; qu’il en tirait argument pour soulever une irrégularité de la procédure en faisant état d’une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 janvier 2010, W 09-83-897, venant affirmer, selon lui, la nécessité de pouvoir vérifier et discuter l’existence et la teneur de pièces de la procédure si elles constituaient un document substantiel pour le respect des droits de la défense, et devant entraîner la nullité de la décision ; qu’il rappelait le titre annoncé des huit scellés et d’une annexe non communiqués, annexe en fait présente au dossier ; qu’il considérait que l’exploitation de ces scellés avait été utilisée principalement lors d’une audition de l’enquête, celle de M. X... , responsable roumain de la société utilisée, ce qui, selon lui, devait entraîner l’impossibilité de retenir cette audition. Il indiquait, d’autre part, que l’annexe au rapport de la DDPAF, intitulée “ Tableau synoptique détaillant les identités des quarante ouvriers roumains employés par les sociétés Ravoire et Yvroud avec les périodes d’emploi et le temps de travail comptabilisé par mois “ ne pouvait être prise en compte, puisque résultant de l’exploitation des documents placés sous scellés disparus. Il indiquait enfin que le rapport établi par la ODPAF ne pouvait pas être pris en considération puisque se fondant principalement sur les scellés disparus, ce qui devait entraîner de ce fait la mise à l’écart de l’avis de la direction du travail du 5 août 2011 s’appuyant précisément sur ce rapport de police, comportant au demeurant des noms différents. Il concluait en conséquence à l’annulation du jugement et à la relaxe de la prévenue ; que le tribunal a répondu à cette argumentation en indiquant : “ s’il est constant que la disjonction des deux procédures entre Chambéry et Albertville a engendré des difficultés quant à la répartition des pièces, le tribunal a sollicité l’intégralité du dossier transmis à Chambéry, justifiant les renvois ; que le tribunal appréciera en conséquence les faits reprochés à la société Yvroud sur la base des pièces soumises à son appréciation et sur aucune autre, il convient en conséquence de rejeter le moyen. “ L’examen de la jurisprudence indiquée concerne en fait le seul problème de la délivrance des copies des pièces du dossier au prévenu, nécessitant de rechercher si celui-ci avait pu ou non obtenir la copie de l’intégralité des pièces du dossier soumis à la juridiction. Elle ne permet donc pas de déduire le corpus décliné dans les conclusions avec les conséquences indiquées, qui, au demeurant, seraient de peu d’efficacité au vu des dispositions de l’articles 520 du code de procédure pénale permettant à la Cour d’évoquer alors et de statuer sur le fond, d’autant que l’argumentation soulevée relève davantage du fond que d’un problème de nullité ; qu’en l’espèce, l’argumentation sera rejetée, car la disparition des pièces ne saurait entraîner ipso facto la nullité du jugement ; qu’il est vrai que ces documents, saisis principalement chez M. X... , ont donné lieu à une exploitation par les services de la police aux frontières, qui en ont alors extrait un certain nombre d’éléments utilisés dans leurs questions posées entièrement retranscrites, éléments utilisés alors dans le cadre de l’interrogatoire de M, X..., élément clé des sociétés Allodia Impexcom et ICG, en ce sens qu’il était en charge de la totalité des salariés roumains adressés depuis la Roumanie par M. Y..., gérant des deux sociétés, en France, M. X... reconnaissant lui-même que son “ rôle était d’encadrer tous les salariés roumains de ICG en France, de servir d’intermédiaire entre les roumains et les français, d’obéir aux ordres des clients français et de transmettre les demandes des français aux roumains “ ; que, toutefois, ces éléments étaient déjà connus en fait des services de police suite aux auditions des nombreux salariés découverts sur le chantier le 10 mai 2009, d’autre part, M. X... , au vu des questions posées, avait une liberté totale de réponse par rapports aux questions et a pu alors fournir les réponses qu’il entendait vouloir donner ; qu’il s’avère que les réponses données sont en fait venues conforter les éléments exploités déjà connus en fait des services de police à la suite des auditions des salariés ; que ces éléments de réponse ne peuvent en aucun cas être rayés d’un trait de plume, s’agissant d’une audition intervenue dans le cadre d’une enquête de police, d’une personne tiers, sur laquelle la prévenue ne saurait avoir un droit de contrôle sur le contenu ; qu’en outre, la société prévenue ne démontre en rien en quoi la non communication desdits scellés lui ferait grief, s’agissant de documents saisis chez les sociétés roumaines, alors même que le problème de sa qualité pour agir à ce titre se pose sérieusement, et qu’en outre, à supposer que ces documents pouvaient contenir des informations totalement différentes des siennes, la société Yvroud était toujours à même de pouvoir apporter la contradiction par la production de ses propres documents en cas de contestation, ayant eu accès et ayant pu se faire communiquer les pièces d’interrogatoires concernées relatant les propos tenus dans les procès-verbaux dressés par les services de police ; qu’enfin, les huit scellés sont ainsi détaillés : scellé n° 1 : un facturier ICG pour 2009 concernant notamment la société Yvroud, scellé n° 2 : des factures impayées du centre hospitalier de Chambéry, scellé n° 3 : des tableaux des salariés ICG travaillant pour la société Ravoire, Scellé n° 4 : un tableau des salariés ICG travaillant pour la société Yvroud de janvier 2008 à avril 2009, scellé n° 5 : factures faxées par Yvroud datées de novembre 2008 à avril 2009, avec situation de travaux, scellé n° 6 : facture Rhône Alpes Echafaudage à Allodia Impexcom pour la location de main d’oeuvre, scellé n° 7 : courrier du maire de la Ravoire pour la SAS Yvroud, scellé n° 8 : contrats de mise à disposition de personnel entre ICG ou Allodia Impexcom et la SAS Yvroud ou la SAS Ravoire pour 2008 et 2009 ; que sur ces scellés, seuls les numéros 1, 4, 5, 7 et 8 concernent la SAS Yvroud, étant précisé que les scellés 5 et 7 ont été fournis par la SAS Yvroud, que l’indication du contenu du scellé 4 est proche de l’annexe dressée par les services de police figurant au dossier, que le scellé 1 est connu de la société Yvroud qui a reçu les factures des sociétés roumaines, et qu’enfin les contrats de mise à disposition se trouvent en copies dans le dossier ; que la société Yvroud met en cause également le rapport de synthèse de la police aux frontières, le tableau produit en annexe, tableau reprenant l’emploi de 40 ressortissants roumains sur le chantier de la clinique entre avril 2008 et mai 2009, proche en fait du scellé n° 4, avec leur nombre d’heures travaillées, et enfin l’avis de la direction du travail ; que, toutefois, le rapport de synthèse de la police aux frontières reprend le travail d’enquête effectué par ses services, les éléments de réponse vérifiés quant à la régularité de la présence des salariés roumains sur le chantier, les éléments fournis sur procès-verbal par des membres du personnel de la société Yvroud et par M. X... , les contradictions constatées entre les éléments découverts chez M, X...et ceux produits par la société Yvroud ; qu’il est fait état des scellés 3 et 6 qui n’ont strictement rien à voir avec la société Yvroud, et du scellé N° 4, dont on sait qu’il est repris en partie dans le tableau annexe joint au procès-verbal ; qu’en outre, l’existence ou non des scellés n’apporte aucun élément sur l’appréciation des deux premières infractions reprochées à la prévenue au niveau de l’emploi d’étrangers ou de séjours irréguliers d’étrangers, dès lors, la demande en nullité de pièces de procédure sollicitée sera rejetée, la Cour entendant ne prendre sa décision, comme le tribunal correctionnel l’a fait, qu’au vu des pièces soumises à son appréciation et sur aucune autre ;
” alors que doit être annulée la décision rendue sur le fondement de pièces disparues, lorsque ces pièces sont essentielles à la procédure, de sorte que leur existence et leur teneur doivent pouvoir être vérifiées afin que soient respectés les droits de la défense ; que la société Yvroud faisait expressément valoir dans ses écritures d’appel que l’ensemble des pièces correspondant aux huit scellés de la procédure ainsi qu’à l’annexe au procès-verbal du 14 mai 2009 qui avaient été égarés et ne lui avaient pas été communiqués, présentaient un caractère substantiel puisque que le rapport de la police aux frontières du 14 mai 2009 et l’avis donné par la DIRECCTE le 5 août 2011 s’étaient exclusivement fondés sur ces pièces, contenant le nom de salariés roumains non visés dans la procédure initiale, pour initier les poursuites pénales à son encontre ; qu’en affirmant néanmoins en l’espèce que les documents litigieux avaient été exploités par les services de la police aux frontières pour les utiliser au soutien de leurs interrogatoires mais que ces éléments « étaient déjà connus des service de police suite aux auditions des nombreux salariés découverts sur le chantier » sans répondre au chef péremptoire des écritures de la demanderesse qui faisait valoir que l’identité de certains des salariés roumains pour lesquels le tribunal était entré en voie de condamnation à son encontre résultait exclusivement de l’exploitation de ces documents disparus et non portés à la connaissance de la défense, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés “ ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l’arrêt a refusé d’annuler le jugement en raison de la disparition de scellés dès lors qu’il résulte des énonciations dudit jugement que le tribunal n’a pas fondé sa décision sur ces seuls éléments de preuve ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe de la rétroactivité in mitius, des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’acte d’adhésion de la Roumanie et de le Bulgarie à l’Union européenne du 25 avril 2005, L. 8256-2, L. 8256-7, L. 5221-1, L. 5221-2, code du travail, 112-1, L. 121-2, 131-38 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Yvroud coupable du délit d’emploi par personne morale d’étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié ;
” aux motifs qu’il est reproché à la société Yvroud d’avoir à la Ravoire, entre le 1er mars 2008 et le 11 mai 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, directement ou par personne interposée, engagé, conservé à son service ou employé pour quelque durée que ce soit, les nommés Maricel Nicu Z..., Vasile Daniele Z..., Marius A..., Petrea A..., Remus Gheorghita D..., Damian B..., Vasile C..., Vasile Romiea E..., Vasile Claudiu G..., Laurentiu H..., lonel Cristian S..., Andrei George J..., Rica K..., Bogdan lonut O..., loan P..., lulian R..., seize étrangers non munis d’un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, faits prévus par les articles L. 8256-7, al. 1, L. 8256-2, al 1, L. 5221-8, L. 5221-2, R. 5221-1, R. 5221-3 du code du travail, 121-2 du code pénal et réprimés par art. L. 8256-7, art. L. 8256-2 du code du travail, art. 131-38, art. 131-39 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 8°, 9°, code pénal ; que la société Yvroud conteste l’infraction reprochée en considérant que :

 sur les seize salariés, onze se trouvaient en situation régulière, l’infraction n’existant que lorsque les salariés exécutent une mission supérieure à trois mois,

 l’infraction fondée sur l’article L. 8256-2 du code du travail ne lui était pas applicable, Il n’est pas contestable que la force de travail des salariés visés, découverts sur le chantier au moment du contrôle COLTI du 11 mai 2009, étaient utilisés par la société Yvroud via un organisme soi-disant intérimaire ; que l’infraction reprochée, consistant à disposer d’une autorisation spéciale de travail, ne peut être constituée qu’à partir du moment où la mission des salariés dure plus de trois mois consécutifs ; qu’en procédant d’une part, à l’exploitation des auditions des intéressés faisant état de leur présence sur le chantier de la clinique à la Ravoire, et d’autre part, à l’exploitation des contrats de mise à disposition émanant de ICG, mentionnant les dates des missions, il apparaît que les salariés suivants peuvent être retenus comme ayant travaillé plus de trois mois sans avoir bénéficié de l’autorisation spécifique autorisant une activité salariée :

 Petrea-A.... travaillant du 13 janvier 2009 au 11 mai 2009,

 Damian B..., travaillant depuis le 10 janvier 2009 au 11 mai 2009,

 Daniele Z...travaillant depuis le 13 janvier 2009 au 11 mai 2009,

 Vasile C..., ayant travaillé depuis janvier 2008 sur la clinique, avec retour pour la Roumanie tous les trois mois pour quinze jours, dernier retour le 27 avril 2009,

 Laurentiu H..., travaillant à compter du 12 janvier 2009, avec retour pour les fêtes de pâques, puis retour le 27 avril 2009,

 Remus D..., travaillant depuis le 1er septembre 2008, soit six au total ; que d’autre part, il apparaît que les salariés suivants doivent être écartés de la prévention comme ayant été employés moins de trois mois :

 Bogdan O..., ayant travaillé à compter du 11 mars 2009,

 Vasile E..., ayant travaillé à compter du 11 mars 2009,

 Andrei J..., ayant travaillé à compter du 28 avril 2009,

 loan P..., ayant travaillé à compter du 23 février 2009,

 Vasile G..., ayant travaillé du 13 janvier à mi-avril 2009, puis à compter du 27 avril 2009,

 A...Marius, ayant travaillé à compter du 25 février 2009,

 Ionel S..., ayant commencé à travailler à partir du 28 avril 2009,

 Maricel Z...ayant travaillé à compter du 13 mars 2009,

 lulan R..., ayant travaillé à compter du 1er mars 2009, soit 9 au total, aucun élément n’existant concernant le salarié Rica K..., qui sera donc exclu de la prévention, il sera donc retenu au final que six salariés au titre de cette prévention ; que sur le reproche fait à la société Yvroud d’être coupable desdits faits par application des dispositions de l’article L. 8256-2 du code du travail, il est allégué par la société Yvroud que le changement de version des articles L. 8256-2 du code du travail et L. 8251-1 du code du travail à la date du 18 juin 2011 empêcherait les poursuites de la société Yvroud ; que la comparaison entre les deux textes L. 8256-2 permet de constater que l’embauche de tout étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée, par toute personne, “ directement ou par personne interposée “ est réprimée par la loi dans les mêmes termes, quelle que soit la version ; qu’il est allégué que la mention figurant dans les deux versions de l’article L. 8256-2, faisant référence à la “ méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 “ empêcherait la poursuite de la société Yvroud, au motif que celle-ci devrait avoir embauché “ directement “ l’étranger, ce qui est erroné, puisque le texte, quelle que soit la version, prévoit toujours une mention alternative, soit “ directement ou par personne interposée “ pour la première, soit une mention “ directement ou indirectement “ pour le seconde version après 2011. Le texte de répression prévoyant que l’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés, c’est donc, avec raison que les premiers juges ont fait application de ces dispositions au nombre de salariés concernés selon eux ; qu’il sera donc prononcé autant de peines d’amendes de 5 000 euros que de salariés en situation non conforme à l’encontre de la société Yvroud, soit six amendes ;
” 1°) alors que les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; que la Roumanie étant devenue membre de l’Union européenne le 1er janvier 2007, la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail a été levée à compter du 1er janvier 2014 pour les ressortissants de cet Etat, lesquels ont été, à compter de cette date, assimilés aux ressortissants français sur le marché du travail ; qu’il s’en déduit que l’article 8256-2 du code du travail, support légal des incriminations relatives à l’emploi irrégulier d’étrangers en France, ne pouvait plus être appliqué à compter de cette date aux employeurs ayant leur siège en France, employant des travailleurs roumains, y compris pour des faits commis antérieurement à la levée de ces restrictions ; qu’en entrant néanmoins en voie de condamnation à l’encontre de la société Yvroud pour avoir employé des travailleurs roumains non munis d’une autorisation de travail salarié en France, la cour d’appel a violé le principe et les textes susvisés ;
” 2°) alors qu’en tout etat de cause il résulte de l’article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, c’est-à-dire par les personnes physiques ayant le pouvoir de direction desdites personnes morales, quand bien même la faute commise serait une faute d’abstention ; qu’en retenant en l’espèce que la société Yvroud avait commis l’infraction d’emploi par personne morale d’étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié sans indiquer la personne physique, investie du pouvoir de direction, par l’intermédiaire de laquelle l’infraction reprochée aurait été commise, ni constater qu’elle l’aurait été pour le compte de cette société, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés “ ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, du code pénal, L. 622-1, L. 622-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, 591 et 593 du code de procédure pénale, cassation par voie de conséquence, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Yvroud coupable du délit d’aide à séjour irrégulier d’étrangers en France ;
” aux motifs qu’il est reproché à la société Yvroud d’avoir à la Ravoire, entre le 1er mars 2008 et le 11 mai 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par aide directe ou indirecte, en l’espèce en hébergeant dans des locaux mis à disposition par la société Yvroud sans qu’aucune déclaration d’hébergement collectif n’ait été effectuée, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier en France de Maricel Nicu Z..., Vasile Danielle Z..., Marius A..., Petrea A..., Remus Gheorghita D..., Damian B..., Vasile C..., Vasile M... E..., Vasile Claudiu G..., Laurentiu H..., lonel Cristian S..., Andrei George J..., Rica K..., Bogdan Ionut O... , loan P..., lulian R..., représentant seize étrangers, faits prévus par art. L. 622-1, al 1, al. 2 c, étrangers, et réprimés par art. L. 622-1 AU, art. L. 622-3 c. étrangers. La société Yvroud sollicite la relaxe sur cette prévention pour tenir compte de la réalité des situations irrégulières et pour absence d’acte positif et volontaire dans le cadre d’un séjour irrégulier ; qu’il est constant que ce type d’infractions ne pourra être en définitif retenu qu’à l’encontre des six salariés visés précédemment. Contrairement à ses affirmations, la SAS Yvroud, destinataire par principe des contrats de mise à disposition, s’agissant d’une obligation légale, par les organismes étrangers, lui permettant, en cas de contrôle, de justifier de la régularité des personnes employées, ne pouvait pas ne pas s’apercevoir au vu des durées d’emploi prévues, démarrant soit en janvier, soit en mars 2009 pour aller, toutes jusqu’en décembre 2009, que la durée de travail était alors supérieure à trois mois, et qu’il était donc nécessaire de prévoir des mises en conformité de la situation des salariés, et, ce d’autant que le manège durait en fait depuis 2008 et qu’un simple contrôle visuel permettait de constater que les noms des personnes utilisées revenaient singulièrement. Il importe peu que la société Yvroud fournisse une base de vie aux salariés financée par elle, rendant selon elle visible les salariés, ce qui n’est qu’à moitié vrai au vu de l’absence de déclaration adéquate desdits logements à l’autorité compétente dans le cadre de la notion d’hébergement collectif, en l’espèce une déclaration d’hébergement collectif en préfecture. Cela est fait en réalité pour permettre d’avoir sous la main les salariés qui, contrairement aux salariés français travaillent six jours sur sept et dépassent largement le nombre d’heures légales travaillées, pour des salaires de misère au vu des heures travaillées. En ne réclamant pas plus d’éléments sur la régularité des situations existantes, la société Yvroud a donc en toute connaissance de cause engagé sa responsabilité sur ce chef de prévention, Sa culpabilité sera donc retenue sur ce chef pour les six salariés retenus plus haut ;
” 1°) alors que pour retenir la société Yvroud dans les liens de la prévention du chef d’aide au séjour irrégulier d’étrangers en France, la cour d’appel a jugé que celle-ci aurait dû prévoir la mise en conformité de la situation des salariés roumains qu’elle employait et dont la durée de travail était supérieure à trois mois ; que la cassation à intervenir sur le second moyen, tiré de la rétroactivité in mitius ayant fait perdre leur caractère punissable aux faits poursuivis sous la qualification d’emploi par personne morale d’étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié, entraînera par voie de conséquence la cassation du présent chef de la décision ;
” 2°) alors que pour constituer un fait pénalement répréhensible, l’aide à séjour irrégulier d’étrangers en France suppose la commission d’actes positifs ; qu’en estimant en l’espèce que l’infraction reprochée à la société Yvroud aurait été constituée par le fait que cette société n’aurait « pas réclamé plus d’éléments sur la régularité des situations existantes », simple omission ne pouvant constituer un acte positif d’aide à séjour irrégulier d’étrangers en France, la cour a méconnu les textes susvisés ;
” 3°) alors qu’en tout état de cause il résulte de l’article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, c’est-à-dire par les personnes physiques ayant le pouvoir de direction desdites personnes morales ; qu’en retenant en l’espèce que la société Yvroud avait commis l’infraction d’aide à séjour irrégulier d’étrangers en France sans indiquer la personne physique, investie du pouvoir de direction, par l’intermédiaire de laquelle l’infraction reprochée aurait été commise, ni constater qu’elle l’aurait été pour le compte de cette société, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés “ ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, du code pénal, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-5, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Yvroud coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés ;
” aux motifs qu’il est reproché à la société Yvroud d’avoir à la Ravoire, entre le 1er mars 2008 et le 11 mai 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, directement ou par personne interposée, eu recours sciemment aux services de Allo Dia Impex com, employeur dissimulant l’emploi de ses salariés, faits. prévus par art. L. 8224-5, art. L. 8224-1, art. L. 8221-1 AU 3, art. L. 8221-3, art. L. 8221-4, art. L. 8221-5 c travail, art. 121-2 c. pénal et réprimés par art. L. 8224-5, art. L. 8224-1 c. travail art. 131-38, art. 131-39 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 8°, 9° c. pénal. La requalification opérée par le tribunal correctionnel concernant le délit initial de recours par personne morale aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé en exécution d’un travail dissimulé par personne morale par dissimulation de salariés, sera entièrement confirmée, comme étant parfaitement conforme à la jurisprudence prévoyant que l’employeur de personnes salariées en provenance de l’étranger peut se voir reprocher lui-même l’exercice de travail dissimulé. En outre, elle n’est pas discutée par la société Yvroud, La société Yvroud conteste le délit reproché en considérant que la saisine concernant ce délit ne porte que sur la société Allodia Impexcom, alors que la presque totalité des salariés roumains sont employés par la société ICG, International group, entité distincte de la première, s’il est vrai que les salariés entendus font état du changement intervenu au niveau de la structure juridique les employant, passée de Allodia Ipexcom à ICG International group, il convient de noter que, d’une part, les informations délivrées à ce sujet par l’Inspection du travail roumaine ne sont pas très complètes et ne permettent pas d’avoir beaucoup d’éléments sur la nature juridique des deux structures et les motifs du changement de société en cours de route, d’autre part, le dossier fait apparaître, avec la copie des contrats de mise à disposition de salariés roumains à la société Yvroud, découverts le 11 mai 2009, que la totalité desdits salariés, concernés par l’année 2009, sont en lien juridique avec la société ICG, à l’exception du nommé Maricel Z..., en lien lui avec Allodia, sans que l’on connaisse les motifs de cette différence de traitement par ailleurs, M, X...a fourni une explication concernant ce changement de dénomination, faisant état de l’existence dans la structure de Allodia Impexcom de partenaires en lien avec M. Q..., lequel aurait voulu poursuivre seul ses activités dans le cadre d’une nouvelle structure ICG International group, la citation ne faisant référence qu’à la seule société Allodia Impexcom, il apparaît difficile de pouvoir estimer que les poursuites visent également la société ICG, sans que cet élément n’ait été mis dans les débats, dès lors, les salariés découverts le 11 mai 2009, travaillant sous l’étiquette ICG ne sauraient donner lieu à engagement de poursuites à l’encontre de la société Yvroud du fait de leur existence en l’absence de précisions explicites dans la citation de renvoi, En l’espèce, seul donc un des salariés pourra donc donner lieu à des poursuites pour la SA, concernant les salariés restant sous l’étiquette Allodia Impexcom, il semble que l’emploi de salariés dans le cadre de cette structure est intervenu davantage au cours de l’année 2008, la période de prévention visant du 1er mars 2008 au 11 mai 2009 ; qu’il est vrai que le tableau annexé au procès-verbal de synthèse de la police aux frontières détaille les nombreux salariés intervenus apparemment au cours de l’année 2008, sans pour autant fournir cependant plus d’éléments sur le lien éventuel de ces salariés ; que les auditions faites par la police aux frontières font apparaître certains salariés, cinq au total, comme ayant indiqué avoir travaillé au cours de l’année 2008 sur le chantier, notamment les nommés :

 Petrea A..., du 28 juin au 19 décembre 2008,

 Bogdan O... , de septembre 2008 à décembre 2008,

 Vasile E..., du 13 octobre 2008 au 10 novembre 2008,

 Remus D..., du 1er septembre 2008 à décembre 2008,

 Vasile C..., de janvier 2008 à fin 2008 ; que la société Yvroud conteste l’existence d’une démonstration du délit de travail dissimulé en indiquant que :

 le reproche fait au titre d’un dépassement du nombre d’heures supérieur au maximum légal n’était pas établi par suite des contradictions existant entre les documents découverts chez M. X... , non conformes, ceux fournis par ICG et ceux fournis par Yvroud,

 il n’existe pas de lien de subordination entre les salariés étrangers et la société Yvroud, puisqu’il existe une relation de travail temporaire entre eux ; que les auditions des salariés découverts sur le chantier, puis celles de M. X... et de responsables de travaux de la société Yvroud permettent de faire apparaître un certain nombre d’éléments allant dans le sens de l’existence de travail dissimulé :

 signature d’un contrat de travail roumain sans remise de copie,

 envoi en France pour une durée indéterminée, à leurs frais, pour le plus ancien depuis début mai 2008 et pour d’autres depuis le 25 janvier 2009,

 mise à disposition de chantiers en France, notamment pour la société Yvroud,

 signature de documents en français, dont ils n’avaient pas compris le sens, en l’absence de traduction, probablement le contrat de mise à disposition, conservé par le chef de chantier,

 horaires de travail dépassant les normes en vigueur en France, 58 heures par semaine, avec 10 heures de travail par jour pendant cinq jours puis 8 heures de travail le samedi,

 salaire payé oscillant entre 1 200 et 1 300 euros par mois, contrairement aux indications portées sur le bulletin de salaire roumain non conformes à la vérité, qui faisait mention d’un salaire de 200 euros, outre une indemnité complémentaire de 403 euros par mois versée en liquide par M. X... pour les frais de nourriture,

 versement des salaires mensuels en espèces à leurs familles en Roumanie, apparemment sans remise de bulletins de paie, mais juste un reçu,

 logement gratuit dans des bungalows derrière le chantier payé par la société Yvroud,

 retour tous les trois à quatre mois quinze jours en Roumanie ; que,

d’autre part, l’étude du relevé établi par M. X... pour le mois de mars 2009 sur les chantiers Yvroud fait apparaitre des horaires de travail égales ou supérieures à 220 heures par mois, soit 50 heures par semaine et donc bien supérieures aux 35 heures légales, soit 151, 66 heures par mois, et même il a été constaté des durées de travail hebdomadaires variant entre 50 heures et 58 heures ; qu’il a également été appris par les services de l’Inspection du travail roumaine qui a contrôlé l’entreprise Allodia Impexcom que celle-ci n’avait pas le statut d’entreprise de travail temporaire, l’activité principale déclarée étant de “ autres travaux spéciaux de construction “ ; que, par ailleurs, les auditions de M. X... permettaient aussi d’établir les éléments suivants :

 son rôle était d’encadrer tous les salariés roumains de ICG en France, de servir d’intermédiaire entre les roumains et les français, d’obéir aux ordres des clients français et de transmettre les demandes des français aux roumains, caractérisant ainsi bien son importance dans le lien de subordination ressortant entre la société Yvroud et la société Impexcom,

 il établissait les contrats de mise à disposition, dont le modèle avait été fourni par la société Yvroud deux ans auparavant, pour les salariés du chantier, lui-même ayant conservé ce modèle de contrat sur clé USB,

 les salaires indiqués et le nombre d’heures figurant sur ces contrats de mise à disposition ne correspondaient pas en fait à la réalité, il transmettait en Roumanie les feuilles d’heures. qui donnaient alors lieu à règlement des salaires par le gérant sur la base de 5, 16 euros de l’heure pour un volume horaire variant entre 55 et 58 heures réparties sur six jours par semaine,

 il était procédé il un double comptage des heures faites, l’un par lui et la société Yvroud et l’autre par son employeur, qui avait été adressé aux enquêteurs, le seul document sincère étant celui tenu par ses soins,

 au retour des salariés en Roumanie, ils ne percevaient aucun salaire,- les salariés ne disposaient d’aucune couverture sociale, ce qui fait qu’en cas d’hospitalisation, les frais n’étaient pas été payés, enfin, le rapport de la direction du travail retient des flux financiers entre la société Allodia et la société Yvroud survenus entre mai et juin 2009, celle-ci ayant réglé des factures pour un montant total arrondi de 57, 000 euros, retenant dans un tableau récapitulatif cinq salariés utilisés qui auraient été employés alors depuis janvier ou mars 2009 jusqu’à la date des paiements, les nommés Petrea A..., Remus D...et Damian B..., depuis janvier 2009, et Vasile E...et Bogdan O... , depuis mars 2009, l’ensemble des éléments relevés ci-dessus établit en conséquence les éléments incontournables de l’existence de faits de travail dissimulé résultant du lien existant entre Impexcom et la société Yvroud, qui utilise le recours à cette société pour disposer de la main d’oeuvre qualifiée qui ferait défaut en France apparemment, et ce en quantité suffisante pour faire face aux impératifs de livraison du chantier, mais en fait et surtout pour réduire les coûts de main d’oeuvre en ne payant pas les charges sociales habituelles et en disposant d’une force de travail importante au vu du nombre d’heures réelles effectuées, 58 heures par semaine, et sous payée, dans le cas d’un rapport des salaires au nombre d’heures réellement faites, l’incrimination de la société Yvroud résulte de la stricte application des textes, puisque la société Yvroud est directement la bénéficiaire de ces faits de travail dissimulé en baissant les coûts de revient, en disposant d’une force de travail importante permettant de remporter les marchés et d’en assurer la livraison dans les délais, sans parler de la jurisprudence existante, dès lors, la culpabilité de la prévenue sur ce chef sera retenue, sur la peine, il sera pris en compte la durée dans le temps de la pratique engagée, d’avril 2008 il mai 2009, le nombre de salariés constatés, le montage mis en place pour permettre la réalisation des travaux dans les délais avec une diminution des coûts de revient par non-paiement de charges sociales et des heures supplémentaires, Il sera donc prononcé six peines d’amendes de 5, 000 euros à l’encontre de la société Yvroud ;
” 1°) alors que s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition de ne rien ajouter ou modifier aux faits tels qu’ils sont énoncés à la prévention ; qu’en l’espèce, la société Yvroud faisait expressément valoir que les salariés pour lesquels elle avait été condamnée pour travail dissimulé par les premiers juges étaient exclusivement employés par la société ICG International group, qui n’était pas citée à la prévention, celle-ci faisant seulement référence à la société Allodia Impexcom ; qu’en se bornant en l’espèce à déclarer la prévenue coupable pour cinq salariés ayant indiqué avoir travaillé au cours de l’année 2008 sur le chantier sans établir que ces salariés étaient bien employés par la société Allodia Impexcom, ce qui était précisément contesté par la société Yvroud qui soutenait qu’ils l’étaient par la société ICG International, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la légalité de la requalification opérée et a exposé sa décision à la censure ;
” 2°) alors que la dissimulation d’emploi salarié ne peut se manifester que par une soustraction intentionnelle de l’employeur à la remise d’un bulletin de paie, à la déclaration préalable à l’embauche ou par une mention intentionnelle sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué ; qu’en condamnant en l’espèce la société Yvroud pour avoir eu sciemment recours au services de la société Allodia Impexcom, employeur dissimulant l’emploi de ses salariés, sans relever à l’encontre de cette dernière société aucun fait concret et positif établissant que celle-ci aurait mentionné sur les bulletins de paie de ses salariés, qui ne sont pas même identifiés, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, se serait soustraite à la remise de bulletins de paie ou à la déclaration préalable à l’embauche, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la matérialité du délit reproché à la société Yvroud et a exposé sa décision à la censure ;
” 3°) alors qu’en tout etat de cause il résulte de l’article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, c’est-à-dire par les personnes physiques ayant le pouvoir de direction desdites personnes morales, qu’en retenant en l’espèce que la société Yvroud s’était rendue coupable de travail dissimulé par dissimulation de salarié sans indiquer la personne physique, investie du pouvoir de direction, par l’intermédiaire de laquelle l’infraction reprochée avait été commise, ni constater qu’elle l’aurait été pour le compte de cette société, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;
” 4°) alors qu’en toute hypothèse, la cour d’appel ayant prononcé indistinctement six peines d’amende pour les trois chefs d’infractions dont elle a déclaré la société Yvroud coupable, la cassation à intervenir sur l’un ou l’autre des précédents moyens entraînera, par voie de conséquence, celle du présent chef de sa décision en raison de leur indivisibilité “ ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et sur le troisième moyen, pris en sa première branche ;
Attendu que, d’une part, il ne résulte d’aucun texte ou principe général du droit de l’Union européenne, ni d’une jurisprudence bien établie de la Cour de justice de l’Union européenne, que le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère fait obstacle à ce que soient poursuivis et sanctionnés les délits susvisés commis à l’égard de ressortissants roumains et dont tous les éléments constitutifs ont été réunis antérieurement au 1er janvier 2014, date de la levée de la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail pour les ressortissants de la Roumanie, laquelle constitue une situation de fait, étrangère auxdits éléments constitutifs de ces infractions ;
Que, d’autre part, toute autre interprétation de ces principes et de ces dispositions, dès lors qu’elle aurait pour conséquence d’encourager le trafic de main d’oeuvre en fraude aux droits des ressortissants d’un Etat ayant engagé le processus d’adhésion à l’Union serait contraire aux objectifs recherchés par le droit de l’Union, tel qu’interprété désormais par la Cour de justice dans son arrêt C-218/ 15 du 6 octobre 2016 ;
D’où il suit que le grief n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en son autre branche, sur le troisième moyen, pris en ses autres branches et sur le quatrième moyen ;
Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d’une part, les personnes morales, à l’exception de l’Etat, ne sont responsables pénalement que des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;
Attendu que, d’autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et dire la société Yvroud appelante, coupable de travail dissimulé, d’emploi de ressortissants roumains non munis d’une autorisation de travail et d’aide à l’entrée ou au séjour d’étrangers en France, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les agissements relevés résultaient de l’action de l’un des organes ou représentants de la société prévenue, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 121-2 du code pénal ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Chambéry, en date du 12 novembre 2015 ; et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 12 novembre 2015