Fausse prestation de services internationale - emploi direct - autorisation de travail nécessaire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 20 mars 2007

N° de pourvoi : 06-82353

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. JOLY conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt mars deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

 X... Christian,

 Y... Gérard,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4e chambre, en date du 28 février 2006, qui, pour recours au travail dissimulé, emploi d’étrangers non autorisés à exercer une activité salariée en France et obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur du travail, a condamné le premier, à un an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, le second, à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 8 000 euros d’amende, et a ordonné la publication de la décision ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Christian X..., pris de la violation des articles 55 de la Constitution, 3 et 6 de la Convention signée à Rome le 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles, L. 324-10, L. 362-4, L. 143-3, L. 320, L. 341-2, L. 341-6 et L. 364-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christian X... coupable du délit de travail dissimulé et d’emploi de salariés étrangers non autorisés à exercer une activité salariée en France ;

”aux motifs que “la société MTLF ( ) disposait de 22 ensembles routiers immatriculés dans le Rhône et se proposait d’effectuer des transports entre la France et le Maroc en utilisant les autorisations administratives dont elle était titulaire ; qu’au moment de recruter des chauffeurs, la société MTLF, au lieu d’embaucher des salariés en France, a choisi de les recruter au Maroc, par le biais de l’établissement stable, dépourvu de la personnalité juridique, ouvert dans ce pays et enregistré le 20 mai 1999 ; ( ) que, si ces chauffeurs vivaient au Maroc et s’ils accomplissaient dans ce pays une partie de leur travail, ils conduisaient nécessairement leurs ensembles routiers hors de ce pays, en Espagne puis en France ;

que, bien plus, les dizaines de notes intitulées “prises de services” figurant au dossier établissent que ces chauffeurs effectuaient de nombreux transports intérieurs en France et dans les pays voisins, Allemagne et Suisse ; qu’à cet effet, ils recevaient des instructions écrites émanant des salariés employés au siège social lyonnais, élément démontrant qu’ils étaient placés sous la subordination juridique de la société MTLF ; ( ) que 70 % de la facturation étant payés en France, les chauffeurs étaient rémunérés par des fonds en provenance de MTLF, voire de CGVL, transférés au Maroc en vue de verser les salaires correspondants ; (...) que les attestations de travail ou d’embauche figurant au dossier indiquent que les chauffeurs étaient employés par la société MTLF par l’entremise de l’établissement stable situé à Casablanca ; ( ) que ces chauffeurs recrutés au Maroc étant des salariés de la société MTLF dont le siège est situé en France et effectuant en France une part prépondérante du travail prévu par leur contrat, y compris des transports intérieurs dépourvus de tout élément d’extranéité, auraient dû faire l’objet en France d’une déclaration préalable à l’embauche et recevoir un bulletin de paie ; que le défaut d’accomplissement d’une de ces formalités constitue l’élément matériel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ; ( ) que, par voie de conséquence, est également constitué à l’encontre des deux prévenus le délit d’emploi d’étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, le défaut d’un tel titre n’étant pas discuté “ ;

”alors, d’une part, que le juge est tenu d’appliquer, au besoin d’office, la règle de conflit de lois résultant d’un traité ratifié par la France ; qu’il ressort des constatations de la cour d’appel que les contrats de travail des 39 conducteurs de poids lourds marocains, recrutés au Maroc par la société française MTLF via un établissement stable situé à Casablanca, revêtaient un caractère international ; que la règle de conflit de lois applicable aux contrats de travail internationaux résulte depuis le 1er avril 1991 des articles 3 et 6 de la Convention signée à Rome le 19 juin 1980 et ratifiée par la France ; qu’en retenant qu’étaient applicables aux contrats de travail litigieux les articles L. 320 et L. 143-3 du code du travail français et les dispositions du même code imposant l’obligation de détenir un titre autorisant l’exercice d’une activité salariée en France, sans avoir au préalable mis en oeuvre la règle de conflit de lois résultant de la convention précitée, la cour d’appel a méconnu son office et n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, au surplus, qu’aux termes des articles 3 et 6 de la Convention signée à Rome le 19 juin 1980, la loi applicable à un contrat de travail international est déterminée en priorité par le libre choix des parties ; que ce choix peut être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ; qu’en retenant qu’étaient applicables aux contrats de travail litigieux les articles L. 320 et L. 143-3 du code du travail et l’obligation de détenir un titre autorisant l’exercice d’une activité salariée en France, sans avoir recherché si il ne ressortait pas des termes des contrats ou des circonstances de la cause que les parties avaient entendu soumettre ces contrats à la loi marocaine, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, par ailleurs, que, si il résulte du premier paragraphe de l’article 6 de la Convention signée à Rome le 19 juin 1980 que, lorsque la règle de conflit de lois supplétive désigne la loi française, les dispositions impératives du droit français sont applicables aux contrats de travail internationaux soumis par les parties à une loi étrangère, la déclaration d’embauche et la remise de bulletins de paie prévues par les articles L. 320 et L. 143-3 du code du travail ne revêtent pas en toute hypothèse un caractère impératif au sens de ces stipulations ;

”alors, en outre, qu’aux termes du second paragraphe de l’article 6 de la Convention signée à Rome le 19 juin 1980, la loi applicable au contrat de travail international est exclusivement celle du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, en l’espèce le Maroc, en l’absence de choix des parties et d’accomplissement habituel du travail dans un même pays ; qu’il ressort des constatations de la cour d’appel que les contrats de travail litigieux donnaient lieu à l’accomplissement habituel de prestations de travail à la fois en France et au Maroc et que les salariés avaient été embauchés par l’établissement stable de Casablanca ; que seul le choix par les parties aux contrats de la loi française pouvait donc écarter l’application exclusive de la loi marocaine ; qu’en faisant application aux contrats du code du travail français sans avoir constaté l’existence d’un tel choix, la cour d’appel n’a pas, là encore, légalement justifié sa décision ;

”et alors, en toute hypothèse, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, même lorsque la France constitue le lieu d’exécution habituel du travail, la loi étrangère est exclusivement applicable aux contrats de travail qui présentent des liens plus étroits avec un autre pays, sous la seule réserve du choix de la loi française par les parties ; que la cour d’appel aurait dû, au besoin, retenir qu’il résultait de l’ensemble des circonstances que les contrats des salariés marocains -résidant au Maroc où ils avaient été recrutés, étant payés dans ce pays en dirhams, recevant des directives de Gérard Y... à Casablanca ou Agadir, étant régulièrement affiliés aux organismes sociaux marocains, et effectuant une partie conséquente de leur travail dans ce pays- présentaient des liens plus étroits avec le Maroc, ce qui, à défaut de choix de la loi française par les parties, suffisait à justifier l’éviction totale des dispositions du code du travail français” ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Masse-Dessen, Georges et Thouvenin pour Gérard Y..., pris de la violation des articles L. 121-1 du code pénal, L. 143-3, L. 320, L. 324-9 à L. 324-11, L. 362-3 et L. 362-4 du code du travail, de l’article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Gérard Y... coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés pour avoir employé 39 chauffeurs recrutés au Maroc sans avoir souscrit de déclaration préalable à l’embauche, ces chauffeurs étant salariés de la société MTLF sise à Lyon, d’avoir engagé et employé ces 39 chauffeurs marocains non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, et de l’avoir condamné à la peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 8 000 euros ;

”aux motifs qu’il résulte de la procédure et des débats que la société MTLF, créée au début de l’année 1999 par Gérard Y..., rachetée au cours du second semestre de la même année par la société CGVL présidée par Christian X..., devenu également le président du conseil d’administration de la société acquise, avait son siège social à Lyon, disposait de 22 ensembles routiers immatriculés dans le Rhône et se proposait d’effectuer des transports entre la France et le Maroc en utilisant les autorisations administratives dont elle était titulaire ; qu’au moment de recruter des chauffeurs, la société MTLF, au lieu d’embaucher des salariés en France, a choisi de les recruter au Maroc par le biais de l’établissement stable, dépourvu de la personnalité juridique, ouvert dans ce pays et enregistré le 20 mai 1999 ; que, de la façon la plus claire qui soit, Gérard Y... a déclaré aux enquêteurs : “Nous avions les ensembles routiers, mais il nous manquait les chauffeurs. Il est évident que notre choix a été dicté par des intérêts économiques et nous a ainsi orientés vers le choix de chauffeurs marocains” (D. 182) ; qu’en effet, les chauffeurs recrutés au Maroc percevaient un salaire mensuel de 3 500 dirhams, soit l’équivalent de 350 euros ou 2 296 francs, l’intérêt économique étant évident pour la société MTLF ; que, si ces chauffeurs vivaient au Maroc et s’ils accomplissaient dans ce pays une partie de leur travail, ils conduisaient nécessairement leurs ensembles routiers hors de ce pays, en Espagne puis en France ; que, bien plus, les dizaines de notes intitulées “prises de service” figurant au dossier établissent que ces chauffeurs effectuaient de nombreux transports intérieurs en France, voire entre la France et les pays voisins, Allemagne et Suisse ; qu’à cet effet, ils recevaient des instructions écrites émanant des salariés employés au siège social lyonnais, élément démontrant qu’ils étaient placés sous la subordination juridique de la société MTLF ; que Marie-Cécile Z..., agent d’exploitation travaillant pour la société MTLF, a confirmé qu’elle gérait les chauffeurs marocains pendant leur séjour en France, déclaration corroborée par la découverte au siège lyonnais des dossiers individuels de ces chauffeurs et des listings d’exploitation des véhicules conduits par les chauffeurs recrutés à l’étranger ; que les déclarations de Gérard A..., directeur commercial de MTLF, et de Monique B..., directeur financier de la société CGVL, ont établi que 70 % de la facturation étant payée en France, les chauffeurs étaient rémunérés par des fonds en provenance de MTLF, voire de CGLV, transférés au Maroc en vue de verser les salaires correspondants ; que les chauffeurs, tout comme l’établissement

stable implanté au Maroc, étaient de surcroît sous la dépendance économique de la société MTLF ; que les attestations de travail ou d’embauche figurant au dossier indiquent que les chauffeurs étaient employés par la société MTLF par l’entremise de l’établissement stable situé à Casablanca ; que la réalité de cette situation n’avait pas échappé au conducteur Jamal C..., demeurant à Casablanca, qui, dans une lettre parvenue le 3 mai 2001 au procureur de la République de Lyon, écrivait : “Je travaille dans une société de transport international française au nom de MTLF dont le siège social est situé au 32 quai Perrache, 69002 Lyon ( ). Ici au Maroc, il existe un bureau ou sorte d’agence MTLF ( )”, et qui imputait à Gérard Y... la responsabilité du fonctionnement de cet établissement secondaire ; que ces chauffeurs recrutés au Maroc étant des salariés de la société MTLF dont le siège est situé en France et effectuant en France une part prépondérante du travail prévu par leur contrat, y compris des transports intérieurs dépourvus de tout élément d’extranéité, auraient dû faire l’objet en France d’une déclaration préalable à l’embauche et recevoir un bulletin de paie ; que le défaut d’accomplissement d’une de ces formalités constitue l’élément matériel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ; que cette omission résultait d’un choix économique délibéré afin de payer des salaires et des charges sociales minorés ; que l’infraction d’exercice d’un travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés est évidemment imputable à Christian X..., président du conseil d’administration de la société MTLF, comme s’inscrivant dans une véritable stratégie d’entreprise relevant de la responsabilité personnelle du chef d’entreprise ; que constitue un tel choix de stratégie la décision d’avoir recours à des chauffeurs recrutés à l’étranger, aux conditions en vigueur à l’étranger, pour conduire la totalité des ensembles routiers de la société ; que Christian X... a intentionnellement utilisé l’établissement stable implanté au Maroc pour souscrire dans ce pays les déclarations prévues par la législation marocaine et pour se soustraire ainsi à l’accomplissement des formalités rendues obligatoires par la loi française ; que Gérard Y..., professionnel du transport, fondateur de la société MTLF, apparaissant sur l’organigramme comme le directeur de l’établissement stable situé à Casablanca, a reconnu qu’il s’était personnellement chargé de la création de cette base appelée communément MTLF Maroc et que la décision de recruter des chauffeurs à l’étranger avait été dictée par des intérêts financiers ; qu’il a également reconnu que les quarante chauffeurs marocains avaient été embauchés par des salariés de MTLF placés sous son autorité ; qu’il a indiqué à l’audience qu’il avait passé au Maroc la plus grande partie de l’année 2001 afin de faire fonctionner l’établissement stable ; que Gérard Y... ne justifie nullement des nombreuses démarches qu’il aurait entreprises auprès de diverses administrations afin de régulariser la situation ; qu’il ne peut donc se prévaloir d’une prétendue erreur sur le droit, ses allégations établissant au contraire qu’il avait conscience du caractère illégal de l’emploi des chauffeurs recrutés à l’étranger ;

que, d’ailleurs, dans une note datée du 1er août 2001 et adressée à Christian X..., Gilles D... et Driss Elbaz, il précisait que l’objectif était de respecter les lois, les conducteurs devant être inscrits dans l’Union européenne si le matériel roulant était immatriculé dans l’Union ;

que, même si Gérard Y... ne disposait pas d’une délégation de pouvoirs, il a cependant accompli, en toute connaissance de cause, des actes matériels constitutifs des infractions, et notamment la direction de l’établissement stable ainsi que la supervision du recrutement des chauffeurs de la société qu’il avait créée et dans le fonctionnement de laquelle il jouait un rôle déterminant ; qu’il a ainsi commis, jusqu’à son licenciement intervenu en octobre 2001, le délit d’exercice d’un travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ; que, par voie de conséquence, est également constitué à l’encontre des deux prévenus le délit d’emploi d’étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, le défaut d’un tel titre n’étant pas discuté, les enquêteurs ayant même constaté que certains chauffeurs travaillaient en France sous couvert d’un simple visa touristique ;

”alors que, d’une part, il résulte des constatations des premiers juges, dont se prévalait Gérard Y... dans ses conclusions, que les chauffeurs employés au Maroc y avaient leur centre principal de vie puisqu’ils y étaient domiciliés, avaient été recrutés sur place où ils avaient leur famille et étaient réglés de leurs salaires en monnaie marocaine ; que, compte tenu du flux d’affaires en relation avec le Maroc, ils prenaient les directives de leur employeur dans ce pays même si, ensuite, pour des raisons propres à la spécificité des transports, ils pouvaient recevoir des directives complémentaires lors de leur intervention sur le territoire de l’Union européenne ;

qu’ils effectuaient bien au moins pour partie des transports pour le compte économique du Maroc, de sorte qu’ils pouvaient parfaitement être soumis aux seules règles sociales de ce pays sans avoir à être également soumis aux règles sociales françaises ; que le seul fait que cet établissement implanté au Maroc soit sous la dépendance économique de la société MTLF et ses salariés soumis à ses directives pendant leur séjour en France n’impliquait cependant pas un lien de subordination directe avec cette société ;

qu’en décidant autrement, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, en tout cas, que, dans ses conclusions, Gérard Y..., dont il est constaté qu’il n’avait pas de délégation de pouvoirs, faisait valoir qu’il n’avait aucun véritable pouvoir dans la prise de décisions quant aux structures à mettre en place dans la société ;

que, s’il avait assuré la direction de l’établissement du Maroc, de nombreuses autorités administratives avaient été informées du fonctionnement mis en place, à savoir le service économique de l’ambassade de France à Casablanca, le consulat de France à Casablanca qui délivrait les visas en connaissance de cause et la direction régionale de l’équipement Rhône-Alpes qui avait délivré les autorisations ; qu’il s’était posé des questions après le procès d’un transporteur allemand qui avait acquis un transporteur hors CEE et avait donc interrogé le directeur des ressources humaines de la société CGVL, le 20 octobre 2000, sur cette question, sans recevoir de réponse ; que, le 1er août 2001, il avait adressé une note de remarques aux dirigeants de la société dans laquelle, selon les constatations mêmes de l’arrêt attaqué, il précisait que l’objectif était de respecter les lois et que les conducteurs devaient être inscrits dans l’Union européenne si le matériel roulant était immatriculé dans l’Union ; que la seule réaction avait été son licenciement en octobre 2001 ; que, faute d’avoir tenu compte de ces circonstances déterminantes, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision” ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Christian X..., pris de la violation des articles L. 611-9 et L. 631-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Christian X... coupable du délit d’obstacle à l’exercice des fonctions de contrôle de l’inspection du travail ;

”aux motifs qu’ “il résulte de l’analyse des faits rapportés par l’inspection du travail que la société MTLF s’est délibérément mise dans l’impossibilité de présenter à l’inspection du travail l’ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires et notamment les disques de chronotachygraphe permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chacun des salariés ; qu’ont été ainsi enfreintes les dispositions des articles L. 611-9 et L. 631-1 du code du travail ; que cette impossibilité résultant directement des décisions stratégiques prises par Christian X... et Gérard Y..., ainsi que cela a déjà été exposé, le délit d’obstacle est constitué à leur encontre” ;

”alors, d’une part, qu’il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir été en mesure de fournir des documents exigés par la législation française lorsque les contrats de travail en cause sont régis par une loi étrangère ; que la cassation prononcée sur le premier moyen devra donc entraîner également par voie de conséquence l’annulation de la déclaration de culpabilité pour le délit d’obstacle à l’exercice des fonctions de contrôle de l’inspection du travail ;

”alors, d’autre part, que Christian X... soutenait à juste titre dans ses conclusions d’appel que l’inspection du travail du Rhône avait excédé sa compétence territoriale en sollicitant la communication de documents qui concernaient exclusivement les salariés recrutés et gérés par l’établissement stable situé au Maroc ;

qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 593 du code de procédure pénale” ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Masse-Dessen, Georges et Thouvenin pour Gérard Y..., pris de la violation des articles L. 121-1 du code pénal, L. 631-1 du code du travail et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Gérard Y... coupable d’obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur ou d’un contrôleur du travail, délit commis à Lyon courant décembre 2000 et début 2001, et l’a condamné à la peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 8 000 euros ;

”aux motifs que ce délit est reproché à Christian X..., Gilles D... et Gérard Y... ; que l’article L. 631-1 du code du travail retenu par la prévention vise “quiconque met obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur ou d’un contrôleur du travail ( )” ; que, le 27 décembre 2000, l’inspection du travail a entendu effectuer un contrôle de la société MTLF et a été reçue par une secrétaire comptable qui n’a pas pu remettre les documents sollicités, et qu’il a été laissé un avis de passage par lequel il était demandé la communication : - du registre unique du personnel, - des fiches d’aptitude médicale des salariés, - des disques de chronotachygraphe de l’ensemble des conducteurs du mois de novembre 2000, - des copies des bulletins de paie du mois de novembre 2000, - des décomptes de temps de service correspondants, - de la copie de l’extrait K bis de la société ; que, cependant, si, après plusieurs rappels téléphoniques, l’entreprise a fait parvenir, par lettre recommandée en date du 30 janvier 2001, le registre unique du personnel, la copie du répertoire Siren, la copie de la fiche médicale de Philippe E..., conducteur, 21 disques de chronotachygraphe de Philippe E... pour novembre 2000, la copie du bulletin de salaire de Philippe E... pour novembre 2000 avec le décompte du temps de service correspondant et

la copie de l’extrait K bis, la lecture du registre unique du personnel a permis de constater qu’au mois de novembre 2000, il y avait d’autres salariés conducteurs dans l’entreprise, à savoir Alain F..., José G... et Patrick H... ; que, de ce fait, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 8 février 2001, le service a demandé la transmission sous quinzaine des pièces complémentaires suivantes : - la copie des fiches d’aptitude médicale de l’ensemble des salariés, - les disques de chronotachygraphe de José G... d’octobre, novembre et décembre 2000 avec les bulletins de salaire et les décomptes de temps de service correspondants, - les disques de chronotachygraphe de Philippe E... des mois d’octobre et décembre 2000 avec les bulletins de salaire et les décomptes de temps de service correspondants, - les disques de chronotachygraphe d’Alain F... des mois d’octobre et novembre 2000 avec les bulletins de salaire et les décomptes de temps de service correspondants, - les disques de chronotachygraphes de Patrick H... des mois d’octobre et novembre 2000 avec les bulletins de salaire et les décomptes de temps de service correspondants ; que malgré cette demande, le 28 février 2001, l’entreprise ne faisait parvenir que les fiches d’aptitude médicale et un peu plus tard les disques de chronotachygraphe de Philippe E... du mois de novembre 2000, les autres disques ne pouvant être présentés car “au Maroc, pays de gestion des opérations et du personnel roulant, les disques ne sont pas conservés au-delà de l’exécution du voyage” ; que, lors d’un second contrôle de l’entreprise effectué le 18 avril 2001, le

service rencontrait alors Gilles D..., directeur général de l’entreprise, qui confirmait que les disques de chronotachygraphe demandés ne pouvaient être présentés, et cela malgré plusieurs autres lettres de relance dont la dernière en date du 17 mai 2001 ; qu’à la demande de l’inspection du travail sollicitant la présentation des contrats de travail à temps partiel de Philippe E..., Alain F... et Pascal H..., Gilles D... a dit ignorer s’il existait des contrats de travail écrits ; que la direction de l’entreprise a fini par indiquer qu’ “à sa connaissance, ces salariés n’(avaient) pas de contrat de travail” ; que l’inspection du travail a conclu que le fait pour l’entreprise de ne pas avoir conservé les disques de chronotachygraphe empêchait l’agent de contrôle de vérifier les conditions dans lesquelles étaient effectués les trajets, le respect des règles de sécurité relatives aux temps de conduite, de repos et de temps de travail, le nombre d’heures supplémentaires effectuées, le paiement de l’ensemble des heures de travail effectuées ; qu’il résulte de l’analyse des faits rapportés par l’inspection du travail que la société MTLF s’est délibérément mise dans l’impossibilité de présenter à l’inspection du travail l’ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires et notamment les disques de chronotachygraphe permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chacun des salariés ; qu’ont été ainsi enfreintes les dispositions des articles L. 611-9 et L. 631-1 du code du travail ; que cette impossibilité résultant directement des décisions stratégiques prises par Christian X... et Gérard Y..., ainsi que cela a déjà été exposé, le délit d’obstacle est constitué à leur encontre, Gilles D... pouvant, quant à lui, bénéficier d’une décision de relaxe pour les motifs énoncés à propos des délits de travail dissimulé et d’emploi de salariés étrangers non autorisés à travailler en France ;

”alors que le délit d’obstacle à l’exercice des fonctions de contrôle de l’inspection du travail suppose un acte positif commis personnellement par le prévenu ; qu’en retenant un tel délit à la charge de Gérard Y... en conséquence des décisions stratégiques prises par lui et Christian X..., sans relever aucun fait qui lui soit personnellement imputable quant à l’obstacle mis à l’accomplissement des devoirs de l’inspection du travail, constitué essentiellement par le défaut de remise de documents concernant des salariés dont le nom a une consonance française et dont il n’est pas relevé qu’ils fussent employés par Gérard Y... au Maroc, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que les moyens, le premier, présenté pour Christian X..., étant nouveau, et qui, pour le surplus, se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Beyer conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Lyon, 4e chambre du 28 février 2006