Salarié ressortisant Etat tiers embauché en France - salarié détaché non - emploi illégal de salarié étranger sans titre de travail oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 17 septembre 2019

N° de pourvoi : 18-84850

ECLI:FR:CCASS:2019:CR01529

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Durin-Karsenty (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° A 18-84.850 F-D

N° 1529

VD1

17 SEPTEMBRE 2019

REJET

Mme DURIN-KARSENTY conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour de cassation statue sur les pourvois formés par :

 M. N... Q... ,

 M. Y... Q... ,

 La société Urcotex Immobiliaria,

contre l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 4 juillet 2018, qui, pour emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et non-déclaration d’un local affecté à l’hébergement collectif, a condamné les deux premiers, chacun, à 10 000 euros d’amende et la troisième à 20 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 18 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Durin-Karsenty, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Ricard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lavaud ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. Lors d’un contrôle d’un chantier, à Perpignan, le 22 janvier 2015, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et l’Urssaf du Languedoc-Roussillon ont constaté la présence de plusieurs salariés étrangers, ne ressortissant pas de l’un des Etats membres de l’Union européenne, employés par la société Urcotex Immobiliaria de droit espagnol, détenant un établissement stable déclaré en France, gérée par M. N... Q... et aussi dirigée par M.Y... Q... .

2. MM. Q... et cette société ont été poursuivis, notamment, des chefs de travail dissimulé, d’emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et de non-déclaration d’un local affecté à l’hébergement collectif devant le tribunal correctionnel, qui les a renvoyés des fins de la poursuite du chef de travail dissimulé et déclarés coupables pour le surplus.

3. Sur l’appel des prévenus, la cour d’appel a confirmé le jugement entrepris pour ce qui concerne les délits précités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4 Le moyen est pris de la violation des articles 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, L. 8251-1, L. 8256-2, R. 5221-1 et R. 5221-2 du code du travail, 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce qu’il a dit n’y avoir lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne et a déclaré les prévenus coupables d’emploi de salariés étrangers non munis d’une autorisation de travail ;

alors que « l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’oppose à ce qu’un Etat membre oblige les entreprises qui, établies dans un autre Etat membre, se rendent sur son territoire afin d’y prester des services en faisant venir à cette fin des travailleurs ressortissants d’Etats tiers, résidant régulièrement sur leur territoire où ils sont autorisés à travailler et qu’elles emploient de façon habituelle, à obtenir, pour ces travailleurs, une autorisation de travail sous peine de se voir infliger des sanctions pénales ; qu’en l’espèce où les prévenus soutenaient que l’exigence d’une autorisation de travail pour les salariés ressortissants d’Etats tiers que la société de droit espagnol Urcotex avait fait venir en France pour travailler sur le chantier de construction de la caserne de pompier de Perpignan qu’elle s’était vu confier était contraire à l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dès lors que ces salariés, avec lesquels elle travaillait de façon habituelle, séjournaient régulièrement en Espagne où ils étaient autorisés à travailler, la cour d’appel, en les déclarant néanmoins coupables d’emplois de salariés étrangers non munis d’une autorisation de travail prétexte pris que les salariés en cause n’étaient pas des salariés détachés, dispensés, comme tels, de l’autorisation de travail en application de l’article R. 5221-2 du code du travail, ce qui excluait, selon elle, toute atteinte à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union européenne, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ».

Sur le moyen pris en sa seconde branche

6. Il n’est pas de nature à être admis, en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen pris en sa première branche

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer les prévenus coupables du délit d’emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail, après avoir rappelé que, d’une part, la société a été attributaire par une société d’économie-mixte d’un lot de gros oeuvre, d’autre part, les salariés ne ressortissant pas d’un Etat de l’Union européenne et démunis d’une autorisation de séjour ont été embauchés en France pour les besoins de ce chantier, l’arrêt énonce que les intéressés n’avaient pas la qualité de travailleur détaché et ne pouvaient être dispensés de l’autorisation de travail prévue à l’article R. 5221-1du code du travail.

8. En l’état des ces énonciations et constatations, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, relatifs à l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, critiqués à juste titre par le moyen, et dès lors qu’en application dudit article un salarié ressortissant d’un Etat tiers à l’Union européenne, employé par une société installée dans un autre État membre, n’est pas soumis à une autorisation de travail en France à condition qu’il soit régulièrement et habituellement employé dans cet Etat membre par l’entreprise, la cour d’appel a justifié sa décision.

9. Ainsi, le moyen doit-il être écarté.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen est pris de la violation des articles 1er et 4 de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

11. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de défaut de déclaration d’un local affecté à l’hébergement collectif alors que l’obligation déclarative prévue par l’article 1er de la loi du 27 juin 1973 n’incombe qu’à la personne qui affecte un local à des fins d’hébergement collectif et donc au logeur ; qu’en déclarant les prévenus coupables de défaut de déclaration d’un local affecté à l’hébergement collectif tout en constatant que les deux appartements dans lesquels étaient logés les salariés avaient été pris en location par la société Urcotex, ce dont il résultait que ces appartements avaient été affectés à l’hébergement collectif par le bailleur et non par cette société, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés”.

Réponse de la Cour

12. Pour déclarer les prévenus coupables du délit de non-déclaration d’un local affecté à l’hébergement collectif, l’arrêt relève, par motifs adoptés, qu’aucune déclaration en préfecture n’a été réalisée, alors qu’il a été constaté que six salariés étaient logés dans deux appartements à Perpignan, dont le loyer était payé par la société Urcotex Immobiliaria.

13. En l’état de ces constatations, et dès lors que l’article 1er de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l’hébergement collectif, incriminant toute personne physique ou toute personne morale privée qui, à quelque titre que ce soit et même en qualité de simple occupant, a affecté un local quelconque à l’hébergement gratuit sans en faire la déclaration au préfet, n’exige pas que l’auteur de l’infraction soit le bailleur de ce local, la cour d’appel a justifié sa décision.

14. Ainsi, le moyen ne saurait être admis.

15. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept septembre deux mille dix-neuf.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier , du 4 juillet 2018