Pilote hélicoptère

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 30 mars 1993

N° de pourvoi : 92-83864

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. Le GUNEHEC, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" DE VALENCE DE B... Yolande, épouse Y..., contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème chambre, en date du 23 juin 1992 qui, pour travail clandestin, l’a condamnée à 10 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

( Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 121-1, L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 du Code du travail, 427, 428, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Yolande Y... coupable d’avoir sciemment recouru au service de travailleurs clandestins et de l’avoir condamnée à 10 000 francs d’amende ;

”aux motifs que “les deux pilotes en cause n’avaient aucune clientèle propre ; qu’ils transportaient uniquement les clients d’Heli-Courly sur les appareils de ladite compagnie aérienne, selon des directives qui leur étaient données par sa gérante ; que les clients ne connaissaient pas leur pilote mais seulement Heli-Courly qui seule établissait la facture selon un devis préalablement établi et convenu entre eux et la société ; que l’activité de ces deux pilotes s’exerçait ainsi dans le cadre d’un service organisé ; que l’affirmation du jugement suivant laquelle une sorte de relation triangulaire de prestation de services s’instaurait entre la société, le pilote et le client” ne ressort pas des éléments du dossier ; que l’argument selon lequel ils travaillaient assez rarement et selon leur disponibilité ne constitue de la part de la prévenue qu’une allégation, qui n’est pas corroborée par la déclaration de la mère de Guy X... qui explique que son fils travaillait pour Heli-Courly en semaine ne se gardant que les “week-ends” pour donner des cours de pilotage ; que Didier Z... a précisé que jusqu’au décès de Guy X... il ne travaillait pour Heli-Courly que le “week-end” ; qu’il résulte donc de ces témoignages que la société disposait essentiellement de deux pilotes, Guy X... pendant la semaine et Didier Z... pendant le week-end, et que l’activité principale du Guy X... s’exerçait au sein de la société Heli-Courly ;

”alors que la liberté dont jouit un employé dans le choix de ses missions et de ses horaires de travail exclut l’existence d’une relation de travail salarié même si la prestation de travail s’effectue au sein d’une structure organisée ; qu’en l’espèce, il appartenait à l’accusation de démontrer que les pilotes X... et Z... étaient à la disposition de la société Heli-Courly ;

qu’en reprochant à Mme Y... de n’avoir pas rapporté la preuve de l’indépendance des pilotes dans l’organisation de leurs fonctions, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve ;

”aux motifs que “dans le dossier qu’elle envoyait à la direction régionale de l’Aviation Civile en novembre 1986 en vue d’obtenir du ministère des Transports le droit de faire du transport public de personnes, la compagnie aérienne Heli-Courly exposait qu’elle employait un pilote, en l’espèce Guy X..., sur contrat de travail à durée déterminée et non en tant que travailleur indépendant comme allégué aujourd’hui ; qu’il s’agit là d’un aveu de la société qui a préféré donner dans son dossier d’agrément la véritable qualification du lien juridique qui l’unissait à son pilote” ;

”alors que la qualification juridique par une partie ne libère pas le juge de son obligation de rechercher et de constater la réunion des éléments caractéristiques de l’infraction ; que les juges du fond ne pouvaient donc s’en remettre au prétendu aveu de Y... pour conclure à l’établissement de la prévention ;

”aux motifs qu’”en ce qui concerne Didier Z..., il convient de souligner que sa formation sur les appareils de la compagnie Heli-Courly a été assurée par Guy X... auquel il a succédé jusqu’à son accident et avant que ne soit embauché Jean-Pierre A... en tant que pilote salarié à compter du 9 janvier 1989” ;

”alors que l’existence d’un lien de subordination doit être recherchée à l’occasion exclusive de l’exécution de la prestation à qualifier ; que les juges du fond ne pouvaient donc déduire l’existence d’un contrat de travail entre M. Z... et la société Heli-Courly de la nature des rapports liant cette dernière aux pilotes ayant précédé ou succédé M. Z... dans ses fonctions ;

”aux motifs que “par lettre du 19 août 1987 l’inspection du travail avait mis en garde Yolance Y... contre les risques qu’elle encourait si elle persistait à ne pas vouloir conclure avec ses pilotes des contrats de travail à durée déterminée ; qu’elle n’a cependant ouvert un registre du personnel que le 9 janvier 1989 ; qu’elle n’a jamais fait jusqu’à cette date de déclaration aux services administratifs et fiscaux compétents ni ouvert de livre de paie ni à fortiori délivré à ses pilotes de bulletins de paie” ;

”alors que le délit de recours aux services de travailleurs clandestins n’est punissable que si le prévenu s’est sciemment soustrait à l’accomplissement des formalités légales lui incombant ; que le seul fait de ne pas avoir suivi les conseils adressés par l’inspection du travail à Y... ne caractérisait nullement l’élément intentionnel de l’infraction dès lors que la prévenue était persuadée d’avoir eu recours à des travailleurs indépendants” ;

Attendu que Yolande Y..., gérante de la société Heli-Courly, ayant pour principale activité le transport public de personnes et de marchandises, a été poursuivie, en application de l’article L. 324-10, 3° du Code du travail, pour avoir, à l’occasion de cette activité, employé deux pilotes d’hélicoptère, en s’étant soustraite aux obligations prévues par les articles L. 143-3,

L. 143-5 et L. 620-3 dudit Code ;

Attendu que, pour écarter l’argumentation de la prévenue selon laquelle les intéressés étaient des travailleurs indépendants, et la déclarer coupable, la juridiction du second degré se prononce par les motifs exactement repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ceux-ci, exempts d’insuffisance, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié la valeur des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, et dont il se déduit que la prévenue avait sciemment employé des salariés de façon clandestine, a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel ne peut dès lors qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dumont, Milleville, Alphand, Guerder, Roman conseillers de la chambre, Mme Mouillard conseiller référendaire, M. Amiel avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon du 23 juin 1992

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Eléments constitutifs - Activité principale l’exerçant au seul profit de la société employeur - Pilotes d’hélicoptères - Soustraction de l’employeur aux obligations légales.

Textes appliqués :
* Code du travail L324-10 3°, L143-3, L143-5 et L620-3