Condamnation de deux donneurs d'ordre pour recours à une entreprise de travail temporaire étrangère. EPR de Flamanville - commentaires Condamnation de deux donneurs d'ordre pour recours à une entreprise de travail temporaire étrangère. EPR de Flamanville 2021-09-17T17:04:53Z https://www.herveguichaoua.fr/articles/entreprise-etrangere-et-detachement-de-salarie/article/condamnation-de-deux-donneurs-d-ordre-pour-recours-a-une-entreprise-de-travail-temporaire-etrangere-epr-de-flamanville#comment114 2021-09-17T17:04:53Z <p>Bonjour,</p> <p>Merci pour ce message.</p> <p>La décision intéressante et importante de la CAA de Nantes est publiée sur mon site depuis ce matin, mais sans commentaire particulier dans la mesure où cette décision est non définitive, car susceptible à ce jour d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.</p> <p>H Guichaoua</p> Condamnation de deux donneurs d'ordre pour recours à une entreprise de travail temporaire étrangère. EPR de Flamanville 2021-09-17T14:24:35Z https://www.herveguichaoua.fr/articles/entreprise-etrangere-et-detachement-de-salarie/article/condamnation-de-deux-donneurs-d-ordre-pour-recours-a-une-entreprise-de-travail-temporaire-etrangere-epr-de-flamanville#comment113 2021-09-17T14:24:35Z <p>Bonjour Hervé</p> <p>En complément de ton commentaire sur ce dossier.<br class="autobr" /> Le volet fiscal, tout aussi intéressant sur l'application de la solidarité financière</p> <p>Affaire Bouygues TP EPR Flamanville – Volet fiscal – Arrêt CAA Nantes 1ère chambre, 09/09/2021, n°19NT04286</p> <p>Le litige portait à la fois sur l'existence ou non d'un établissement stable en France de la société Atlanco ( Bouygues contestait cette existence et donc l'impôt sur les sociétés) et sur le caractère discriminatoire de la solidarité financière invoqué par Bouygues</p> <p>La société anonyme (SA) Bouygues TP avait demandé au tribunal administratif de Caen d'enjoindre à l'administration fiscale de produire l'original de l'enveloppe d'envoi à la société Atlanco Limited des deux avis de mise en recouvrement émis le 31 mars 2015 et de prononcer la décharge des sommes qui lui ont été réclamées sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts et correspondant à une quote-part des sommes dues par la société Atlanco Limited au Trésor public, soit 2 163 925 euros.</p> <p>Par un jugement nos 1700215, 1700690, 1800764, 1802642 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé cette décharge (article 1er), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction (article 2) et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).</p> <p>Rappel des faits<br class="autobr" /> A la suite d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2012, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 30 septembre 2014, décidé de mettre à la charge de la société Atlanco Limited des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de formation professionnelle continue, d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de retenue à la source relative aux bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères. Ces impositions ont été mises en recouvrement le 31 mars 2015. En l'absence de paiement par la société Atlanco Limited, l'administration fiscale a, par lettre du 4 août 2016, informé la SA Bouygues TP qu'en application de l'article 1724 quater du code général des impôts, un avis de mise en recouvrement allait lui être adressé en vue du paiement des sommes dues par la société Atlanco Limited, au prorata du chiffre d'affaires réalisé par ce sous-traitant avec son donneur d'ordre, la SA Bouygues TP. Cet avis de mise en recouvrement a, le 12 septembre 2016, mis à la charge de la SA Bouygues TP une somme de 2 163 925 euros. Après rejet de ces réclamations, la SA Bouygues TP a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de ces impositions. Par un jugement nos 1700215, 1700690, 1800764, 1802642 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a fait droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.</p> <p>Aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité. ".</p> <p>Sur l'existence d'un établissement stable<br class="autobr" /> En vertu du I de l'article 209 du code général des impôts, les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, sont passibles de l'impôt sur les sociétés.<br class="autobr" /> En l'espèce, l'administration fiscale fait valoir que des personnels de la société Atlanco sont intervenus sur le site de l'EPR de Flamanville, afin d'effectuer des travaux pour le compte de la société Bouygues TP. Ces travailleurs, essentiellement polonais, sont intervenus pour une durée supérieure à un an, du 16 septembre 2009 au week-end du 25-26 juin 2011, date du rapatriement dans l'urgence de l'ensemble des intérimaires à la suite du contrôle de l'Urssaf. L'administration fiscale indique également que les contrats de travail étaient signés sur place en France et que les documents administratifs étaient transmis par fax, sans mention du numéro de provenance. L'administration fait en outre valoir que le contrat signé entre la société Bouygues TP et la société Atlanco limited prévoyait la mise à disposition d'un chef de chantier principal, de trois chefs de chantier, de trois assistants chefs de chantier, et de quinze équipes, composées chacune d'un chef d'équipe et de cinq coffreurs. Ce contrat prévoyait en outre la mise à disposition d'un coordinateur administratif francophone dont la mission était d'accueillir les travailleurs, de rechercher des moyens de locomotion, d'encadrer le personnel mis à disposition, notamment par le pointage des heures et la retransmission de ces informations au siège pour facturation, et de faire l'interface avec la société Bouygues TP. Au regard de l'ensemble de ces constatations, qui ne sont pas contestées par la société Bouygues TP, l'administration démontre l'existence d'un établissement autonome en France et justifie ainsi de l'existence d'un établissement exploité en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts.</p> <p>En l'espèce, les constatations opérées par l'administration qui ont été rappelées au point 15, et dont la matérialité n'est pas contestée par la société Bouygues TP, permettent de démontrer que la société Atlanco Limited a mis au service du donneur d'ordre une équipe structurée de personnels du bâtiment, et ce pendant une durée supérieure à un an. Ainsi qu'il a été rappelé au point 15, cette équipe était encadrée par un chef de chantier principal, un coordinateur administratif, trois chefs de chantier et trois assistants chefs de chantier. Elle était en outre composée de quinze équipes, composées chacune d'un chef d'équipe et de cinq coffreurs. Contrairement à ce que soutient la société Bouygues TP, une telle organisation ne saurait être qualifiée de simple mise à disposition de personnel, mais constitue bien un chantier de construction, dont la durée était par ailleurs supérieure à douze mois. Au demeurant, à supposer même que la qualification de chantier ne puisse être retenue, le service s'est appuyé sur le fait que les contrats de mission du personnel ont été signés en France, par la représentante légale de la société Atlanco Limited en France, qui fournissait également les bulletins de paie et signait divers documents justificatifs transmis à l'administration française. L'administration fiscale s'est également appuyée sur le fait que les contrats-cadre de mise à disposition de personnel sur le site de Flamanville ont été conclus et signés entre la société Atlanco Limited et les sociétés en charge de la réalisation des travaux, dont Bouygues TP, à Flamanville, en France. En outre, la mise à disposition du personnel était facturée de manière hebdomadaire et de nombreux contrats ont été saisis sur place par l'autorité judiciaire ainsi que de nombreuses factures établies par la société Atlanco Limited. Enfin, l'administration a relevé la présence sur place d'un chef d'équipe, d'un chef de chantier et d'un coordinateur administratif des travaux ayant qualité de " personne habilitée par Atlanco, présente sur le lieu du projet et chargée des aspects administratifs " dont le rôle consiste en l'accueil des travailleurs, une activité de recherche de moyens de locomotion pour ces derniers et leur acheminement sur les sites de travail, l'enregistrement hebdomadaire des heures effectives de travail pour chaque travailleur intérimaire et de la tenue à jour du registre des pointages. Enfin, ont été auditionnés par les services de l'Urssaf le responsable opérationnel en France de la société Atlanco Limited mais également le chef des ventes pour la France qui décrit son emploi comme consistant à " démarcher des entreprises françaises aux fins d'y mettre du personnel recruté par nos soins dans différents pays d'Europe " et qui précise que " le recrutement du personnel se faisait uniquement à destination de la France ". L'administration fiscale démontre ainsi que la société Atlanco Limited disposait de représentants permanents sur le site de Flamanville. Ainsi, à supposer que la qualification de chantier ne puisse être retenue, la société Atlanco Limited doit être regardée comme ayant disposé à tout le moins, de 2009 à 2011, d'une installation fixe d'affaire en France sur le lieu du chantier de l'EPR de Flamanville.<br class="autobr" /> Par conséquent, c'est à bon droit que le service a estimé qu'il s'agissait d'un établissement stable au sens de la convention franco-chypriote. Il suit de là que la société Bouygues TP n'est pas fondée à contester le bien-fondé des cotisations d'impôt sur les sociétés, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage et de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue mises à la charge de la société Atlanco Limited.</p> <p>Sur la solidarité financière<br class="autobr" /> En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8222-1 du code du travail : " Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte : 1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 (...) ". L'article L. 8222-2 du même code prévoit que : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale (...) ". L'article L. 8222-4 du même code dispose que : " Lorsque le cocontractant intervenant sur le territoire national est établi ou domicilié à l'étranger, les obligations dont le respect fait l'objet de vérifications sont celles qui résultent de la réglementation d'effet équivalent de son pays d'origine et celles qui lui sont applicables au titre de son activité en France. ". Enfin, l'article D. 8222-7 du même code précise les documents que la personne qui contracte avec un cocontractant établi à l'étranger doit se faire remettre et impose que ces documents lui soient remis tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution du contrat. <br class="autobr" /> En l'espèce, le ministre fait valoir, sans être contredit, que si la société Bouygues TP a bien demandé les documents visés aux articles L. 8222-1, L. 8222-4 et D. 8222-7 du code du travail, cette demande n'a pas été réitérée tous les six mois. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis en œuvre la procédure de solidarité financière prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts. <br class="autobr" /> En dernier lieu, la société Bouygues TP fait valoir que la mise en œuvre de l'article 1724 quater du code général des impôts instaure une discrimination non justifiée entre les personnes contractant avec une société établie en France et les personnes contractant avec une société établie à l'étranger dès lors que, dans ce dernier cas, le débiteur principal peut être tenu au paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. La société soutient que cette discrimination est contraire aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 1er du protocole additionnel à cette convention et à l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Toutefois, l'article L. 8222-2 du code du travail n'opère, en tout état de cause, aucune distinction selon que le sous-traitant se trouve en France ou à l'étranger, le donneur d'ordre étant solidairement tenu, dans les deux cas, au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par le sous-traitant au Trésor.</p> <p>En conclusion <br class="autobr" /> La CAA de Nantes fait droit à la demande du ministre de l'économie, des finances :<br class="autobr" /> 1°) en annulant le jugement du TA ;<br class="autobr" /> 2°) en remettant à la charge de la SA Bouygues TP la somme de 2 163 925 euros</p>