compétence et savoir faire particuliers oui

, par Hervé

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 juin 2002

N° de pourvoi : 00-41156

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Président : M. SARGOS, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Frédéric X..., demeurant ... IV, 28100 Dreux,

en cassation d’un arrêt rendu le 2 décembre 1999 par la cour d’appel de Versailles (15e Chambre sociale), au profit de la Société d’investigations et de protection industrielle et commerciale (SIPIC), dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article L. 131-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 7 mai 2002, où étaient présents : M. Sargos, président, M. Poisot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, Mme Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mmes Maunand, Nicolétis, Auroy, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Poisot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché et Laugier, avocat de la société Sipic, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X... a été engagé à temps partiel à compter du 18 août 1993, par contrats à durée déterminée successifs par la Société d’investigations et de protection industrielle et commerciale (SIPIC) ; que, le 17 octobre 1994, il a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel ; que son activité consistait, dans le cadre d’un contrat de travail conclu directement avec des entreprises clientes de la société SIPIC et de l’occupation d’un emploi effectif au sein de ces entreprises, à effectuer des missions de surveillance interne aux fins de rechercher, parmi le personnel ou les intervenants extérieurs, les auteurs d’agissements frauduleux commis au préjudice de ces entreprises ;

qu’outre le salaire versé directement par l’entreprise utilisatrice au titre de l’emploi occupé, M. X... percevait de la société SIPIC, au titre du contrat à temps partiel conclu avec celle-ci, une rémunération pour l’établissement de deux rapports d’activité hebdomadaires ; que, par lettre du 16 février 1996, M. X... a fait connaître à la société SIPIC qu’en raison de son refus de lui confier de nouvelles missions, il lui imputait la rupture du contrat ; qu’après avoir constaté que l’intéressé n’avait pas donné suite à deux propositions de nouvelles missions faites après l’envoi de cette lettre, l’employeur lui a notifié, par lettre du 13 mars 1996, qu’il le considérait comme démissionnaire à la date du 12 mars ; que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet et obtenir le paiement de différentes sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande en requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet, alors, selon le moyen, que la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 212-4-3 du Code du travail en ce que les contrats conclus par la société SIPIC contreviennent manifestement aux dispositions légales précitées ; que la cour d’appel ne pouvait statuer comme elle l’a fait tout en constatant effectivement que M. X... était embauché par des sociétés tierces pour des missions d’infiltration à temps plein et qu’en définitive, son emploi au sein de la société SIPIC dépendait directement de l’emploi trouvé chez ces sociétés tierces, sauf à constater alors, ce que la cour d’appel a refusé de faire, que les heures payées par la société SIPIC constituaient des heures supplémentaires au taux majoré et non des heures relevant d’un travail à temps partiel ; qu’étant obligé de se tenir à disposition permanente de la société SIPIC, comme le rappellent les contrats dits à temps partiel, la cour d’appel ne pouvait que requalifier ces contrats en contrats de travail à temps plein ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le salarié percevait une rémunération pour l’établissement de deux rapports d’activité hebdomadaires, a fait ressortir que cette rémunération recouvrait l’activité de surveillance donnant lieu à l’établissement de ces rapports ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour marchandage de main-d’oeuvre et prêt de main-d’oeuvre illicite, alors, selon le moyen, qu’il y a manifestement, par la cour d’appel, violation de ces dispositions relatives au marchandage de main-d’oeuvre ; que, juridiquement, constituent un marchandage de main-d’oeuvre les actes de fourniture d’une main-d’oeuvre, même occasionnels, portant ou non sur une simple prestation de main-d’oeuvre, ayant un but lucratif et ce même si l’opération envisagée ne s’étant pas concrétisée, le but n’est pas atteint et que l’employeur n’en a pas tiré profit ; que, dans le cas d’espèce, M. X... est mis à disposition d’une société par contrat à durée déterminée pour effectuer une tâche qu’il effectue effectivement et qui rend sa présence officielle vis-à-vis des autres salariés de l’entreprise ;

qu’il dépend également du pouvoir hiérarchique de l’entreprise utilisatrice puisque, par exemple, on a vu que le dernier contrat Auchan s’est achevé par son renvoi par l’entreprise utilisatrice ; qu’en plus de sa tâche officielle dans l’entreprise, M. X... est déclaré comme tel et en plus de la prestation qu’il fournit dans le cadre du contrat souscrit avec l’entreprise utilisatrice, il a une mission de renseignement pour le compte de la SIPIC ;

qu’il y a donc bien mise à disposition de M. X... de manière occasionnelle au profit d’une entreprise tierce pour fournir une prestation telle que prévue par les contrats d’embauche des entreprises tierces et ceci à but lucratif pour la SIPIC, même si le contrat de l’entreprise tierce se double d’une mission de renseignement et d’un contrat entre l’entreprise tierce de la société SIPIC ; que la cour d’appel a donc bien violé les dispositions de l’article L. 125-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la société SIPIC ne procédait pas à une fourniture illicite de main-d’oeuvre, mais qu’elle était liée par un contrat de prestation de services avec l’entreprise utilisatrice, dès lors que le salarié effectuait pour celle-ci une mission de surveillance et de protection exigeant une compétence et une formation particulière, qui ne pouvait être confiée à un salarié de l’entreprise utilisatrice ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 122-4 et L. 122-5 du Code du travail ;

Attendu que, selon ces textes, la démission ne se présume pas et suppose une volonté claire, sérieuse et non équivoque de démissionner ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail s’analysait en une démission du salarié et débouter celui-ci de ses demandes afférentes à la rupture du contrat, la cour d’appel, après avoir constaté que M. X... avait adressé à la société SIPIC une lettre, le 16 février 1996, pour l’aviser qu’il considérait que l’employeur, en s’abstenant de lui proposer de nouvelles missions depuis le 9 février 1996, était responsable de la rupture du contrat de travail, relève qu’en s’abstenant de rejoindre son poste de travail, alors qu’il y avait été invité par un télégramme du 28 février 1996 et deux lettres recommandées des 4 et 13 mars 1996 de son employeur, le salarié a clairement et sans équivoque démontré qu’il n’entendait pas poursuivre l’exécution de son contrat de travail au sein de la société SIPIC et qu’il devait être jugé démissionnaire ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la lettre du 16 février 1996 imputant la rupture du contrat de travail à l’employeur ne caractérisait pas, de la part du salarié, une volonté claire et non équivoque de démissionner et que son refus de reprendre ultérieurement le travail ne pouvait constituer la manifestation d’une telle volonté, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant débouté le salarié de ses demandes en paiement d’une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 2 décembre 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne la société SIPIC aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société SIPIC à payer à M. X... la somme de 1 200 euros ; rejette la demande de la société SIPIC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille deux.

Décision attaquée : cour d’appel de Versailles (15e Chambre sociale) , du 2 décembre 1999

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Démission - Définition - Constatations insuffisantes.

Textes appliqués :
• Code du travail L122-4 et L122-5