employeur producteur

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 janvier 1990

N° de pourvoi : 86-10188

Publié au bulletin

Rejet.

Président :M. Le Gall, conseiller doyen faisant fonction, président

Rapporteur :M. Lesire, conseiller apporteur

Avocat général :M. Franck, avocat général

Avocats :la SCP Célice et Blancpain, la SCP Desaché et Gatineau, la SCP Martin-Martinière et Ricard., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur les cinq moyens réunis :

Attendu que l’association Les Congés spectacles et la Caisse nationale de retraite des artistes du spectacle (CANRAS) ont assigné la société anonyme Centre artistique de Paris-Salle Pleyel pour qu’elle donne son adhésion en tant qu’entreprise de spectacles, déclare les rémunérations versées aux artistes s’étant produits dans ses locaux et s’acquitte des cotisations correspondantes ; que la société fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 4e chambre B, 3 octobre 1985) d’avoir dit qu’elle était tenue des obligations réglementaires en matière de congés payés et de retraite complémentaire dans le spectacle, alors, premièrement, que, d’une part, lorsqu’un conflit d’affiliation est susceptible d’intéresser plusieurs organismes chargés du service public de la sécurité sociale, la juridiction saisie ne peut se prononcer sans les avoir tous fait appeler en cause de manière à régler le conflit à l’égard de tous et à mettre la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle, que la demande des caisses déduite de la présomption posée par l’article L. 762-1 du Code du travail, qui souffre la preuve contraire, tendait à l’affiliation des artistes au régime général de la sécurité sociale et que la société Centre artistique de Paris-Salle Pleyel était autorisée à démontrer que les artistes ou certains d’entre eux avaient agi en qualité de travailleurs indépendants, en sorte que les dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ont été méconnues, que, d’autre part, l’assujettissement des artistes s’étant produits Salle Pleyel ne pouvait être tranché hors la présence des intéressés, en sorte que les dispositions précitées ont été encore méconnues ; alors, deuxièmement, que, d’une part, la présomption de l’article L. 762-1 du Code du travail implique le versement à l’artiste d’une rémunération par l’employeur présumé, qu’en l’espèce, le Centre artistique de Paris, ainsi qu’il le faisait valoir et que l’avaient constaté les premiers juges, n’était jamais intervenu dans la fixation ni dans le paiement de la rémunération des artistes en sorte que, faute de s’être expliqué sur cette circonstance fondamentale, l’arrêt attaqué n’a pas légalement justifié, au regard dudit article, l’affirmation de l’existence de contrats de travail présumés entre le centre et les artistes, que, d’autre part, la cour d’appel ne pouvait considérer qu’étaient réunies les conditions énumérées à l’article L. 762-1, alinéa 1er, du Code du travail sans s’expliquer sur le moyen faisant valoir qu’à aucun moment le Centre artistique de Paris n’intervenait pour fixer la rémunération de l’artiste ou de l’ensemble appelé à se produire dans sa salle, qu’enfin, en se bornant à déclarer que “ jusqu’en 1979, l’engagement de location prévoyait au profit du Centre artistique de Paris, en sus du prix principal de 6 400 francs, un pourcentage de 8 % sur la recette nette “ sans indiquer en quoi cet élément caractérisait une intervention du bailleur de la salle dans la détermination de la rémunération des artistes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 762-1 du Code du travail ; alors, troisièmement, que, d’une part, pour qualifier le Centre artistique de Paris-Salle Pleyel d’entrepreneur de spectacles et estimer qu’il aurait agi frauduleusement, la cour d’appel n’a pas

tenu compte de circonstances invoquées par le centre et a ainsi omis, en méconnaissance de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, de prendre en considération des éléments fondamentaux de nature à exclure la qualification d’entrepreneur de spectacles, que, d’autre part, en déduisant du seul statut juridique des agents artistiques qu’ils ne pouvaient avoir été entrepreneurs des spectacles litigieux, sans rechercher s’ils n’avaient pas en fait exercé cette activité et ne s’étaient pas livrés à la fraude alléguée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 762-1 du Code du travail, qu’enfin, l’arrêt attaqué, qui constate que le concours des agents artistiques est nécessaire pour déclarer les rémunérations versées aux artistes produits et reconnaît par là même que le centre n’est pas en mesure de satisfaire seul à cette obligation, ne pouvait, sans contradiction, estimer que ces agents n’étaient que des tiers intervenus simplement pour participer à un montage juridique dissimulant les prétendues activités d’entrepreneur de spectacles du Centre artistique de Paris-Salle Pleyel ; alors, quatrièmement, qu’aux termes de l’article L. 762-1 précité, la présomption de contrat de travail ne peut jouer que si l’artiste lui-même n’exerce pas l’activité, objet du contrat, dans des conditions impliquant sa propre inscription au registre du commerce et que, loin de vérifier si cette condition était remplie avant de mettre en oeuvre la présomption, la cour d’appel a d’abord appliqué celle-ci et reproché ensuite à la société de ne pas s’être exonérée et a ainsi inversé la charge de la preuve ; alors, cinquièmement, que, d’une part, la présomption instituée par l’article L. 762-1 du Code du travail est susceptible de preuve contraire de sorte que la solution de l’arrêt attaqué, qui a admis que le Centre artistique de Paris devait être considéré comme l’employeur des artistes sans s’expliquer sur le moyen suivant lequel il n’existait aucun lien de subordination entre les artistes et le centre et qui reprenait sur ce point la motivation des premiers juges, n’est pas légalement justifiée au regard de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, que, d’autre part, le lien de subordination disparaît quand l’artiste se fait reconnaître personnellement le droit d’intervenir dans l’organisation du spectacle, la composition du programme et le partage des bénéfices ou, le cas échéant, des pertes, de sorte que, faute d’avoir vérifié les conditions d’intervention et de rémunération des artistes, la cour d’appel n’a pas légalement justifié l’existence d’un lien de subordination entre ceux-ci et le Centre artistique de Paris au regard de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l’action engagée par l’association Les Congés spectacles et la Caisse nationale de retraite des artistes du spectacle tendait à obtenir de la société Centre artistique de Paris-Salle Pleyel le versement des cotisations dues au titre des artistes réputés salariés en vertu de l’article L. 762-1 du Code du travail, à l’exclusion de ceux ayant eux-mêmes organisé leur spectacle et relevant du régime des travailleurs non salariés ; que, sans être tenue de prescrire, en l’absence de conflit d’affiliation, la mise en cause des intéressés et d’autres organismes de protection sociale, la cour d’appel, après avoir relevé que le Centre artistique de Paris diffusait la programmation des concerts ou spectacles donnés dans la salle Pleyel, assurait à l’avance la location des places à ses guichets et fournissait la salle en ordre de marche et le personnel de séance et avoir tiré de présomptions de fait concordantes que le contrat qualifié de location, par lequel la salle Pleyel était mise à la disposition des artistes par l’entremise des agents mandataires de ceux-ci, dissimulait l’activité réelle du Centre artistique de Paris, a estimé que ce dernier était bien un entrepreneur de spectacles offerts à son public, notamment avec le concours d’artistes qu’il se procurait par l’intermédiaire de prétendus locataires ; que, sans avoir à s’expliquer davantage sur le rôle assumé par les agents artistiques qui avaient été appelés seulement en déclaration de jugement commun, elle a ainsi écarté les conclusions prétendument délaissées ; que, faisant dès lors à bon droit application de la présomption édictée par l’article L. 762-1 du Code du travail, lequel dispense d’établir la subordination de l’artiste et n’exige pas que le contrat conclu en vue de la production de celui-ci soit passé directement avec lui ni que la rémunération allouée à l’artiste lui soit de même versée directement par l’entrepreneur de spectacles, la cour d’appel, qui s’est estimée suffisamment informée sur les conditions d’intervention et de rémunération des artistes concernés, dont l’activité lors de leur passage à la salle Pleyel était présumée, en vertu de la loi, s’exercer dans le cadre d’un contrat de travail et relevait par suite du régime général de la sécurité sociale, a déduit de l’ensemble des éléments soumis à son appréciation que ces artistes avaient eu pour employeur le Centre artistique de Paris qui était en conséquence débiteur de cotisations envers les organismes chargés du régime de retraite complémentaire et des congés payés ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin 1990 V N° 36 p. 23

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 3 octobre 1985

Titrages et résumés : SECURITE SOCIALE, REGIMES COMPLEMENTAIRES - Cotisations - Paiement - Charge - Organisateurs de spectacles - Absence de contrat avec les artistes - Effet L’article L. 762-1 du Code du travail dispense d’établir la subordination de l’artiste et n’exige pas que le contrat conclu en vue de la production de celui-ci soit passé directement avec lui ni que sa rémunération lui soit versée directement par l’entreprise de spectacles. Ayant relevé qu’une société diffusait la programmation des concerts ou spectacles donnés dans une salle, assurait à l’avance la location des places à ses guichets et fournissait la salle en ordre de marche ainsi que le personnel de séance, la cour d’appel qui, au vu de ces présomptions de fait concordantes, estime que le contrat qualifié de location, par lequel ladite salle était mise à la disposition des artistes par l’entremise des agents mandataires de ceux-ci, dissimulait l’activité réelle de la société qui était celle d’un entrepreneur de spectacles, est fondée à décider que les artistes qui s’y produisaient et dont l’activité était présumée, en vertu de la loi, s’exercer dans le cadre d’un contrat de travail et relevait par suite du régime général de la sécurité sociale, avaient pour employeur la société qui était, en conséquence, débitrice de cotisations envers les organismes chargés du régime de retraite complémentaire et des congés payés.

TRAVAIL REGLEMENTATION - Congés payés - Caisse de congés payés - Cotisations - Charge - Organisateurs de spectacles - Absence de contrat avec les artistes - Portée SPECTACLES - Artiste - Caisse de retraite - Cotisations - Charge - Entrepreneur de spectacles SPECTACLES - Artiste - Congés payés - Caisse de congés payés - Cotisations - Charge - Entrepreneur de spectacles SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Personnes assujetties - Artistes du spectacle - Absence de contrat avec l’entrepreneur de spectacles - Portée SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Généralités - Conditions - Lien de subordination - Article L. 311-3 du Code de la sécurité sociale (non) SECURITE SOCIALE - Cotisations - Paiement - Employeur débiteur - Artistes du spectacle - Absence de contrat avec l’entrepreneur de spectacles - Effet

Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1984-03-22 , Bulletin 1984, V, n° 112, p. 86 (rejet) ; Chambre sociale, 1984-10-04 , Bulletin 1984, V, n° 356, p. 266 (rejet).

Textes appliqués :
* Code du travail L762-1