faux travailleur indépendant

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 décembre 2000

N° de pourvoi : 98-40575

Non publié au bulletin

Cassation

Président : M. GELINEAU-LARRIVET, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Omar X..., demeurant ...,

en cassation d’un arrêt rendu le 5 novembre 1997 par la cour d’appel de Paris (18e chambre, section C), au profit de la société Gael, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 14 novembre 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Brissier, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Le Roux-Cocheril, Finance, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mmes Duval-Anould, Ruiz-Nicolétis, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de Me Roger, avocat de la société Gael, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 121-1 et L. 511-1 du Code du travail ;

Attendu que, par contrat du 22 février 1995, intitulé “contrat de location d’un véhicule équipé taxi”, la société Gael a donné en location un tel véhicule à M. X... pour une durée d’un mois, renouvelable par tacite reconduction, moyennant le paiement d’une somme qualifiée de “redevance” ; qu’invoquant une absence de paiement régulier de la “redevance”, la société Gael a résilié le contrat ; que M. X... a saisi le conseil de prud’hommes pour faire juger qu’il avait la qualité de salarié de la société Gael et pour obtenir le paiement des indemnités liées à la rupture du contrat de travail par lui invoqué ; que la société Gael a décliné la compétence de la juridiction prud’homale ;

Attendu que, pour décider que M. X... n’était pas lié à la société Gael par un contrat de travail et qu’en conséquence, la juridiction prud’homale n’était pas compétente pour statuer sur le litige opposant les parties, l’arrêt confirmatif attaqué, statuant sur contredit, énonce que, par des motifs exacts, les premiers juges ont retenu que l’existence d’un lien de subordination auquel aurait été soumis M. X... ne résulte ni des stipulations du contrat de location ni des conditions d’exercice de son activité ; que M. X... ne recevait aucune instruction tant en ce qui concerne la clientèle à prendre en charge que le choix de son secteur de circulation ou son temps et ses horaires de travail ; qu’il déterminait seul les conditions d’exécution de son travail dont il ne rendait pas compte à la société Gael qui n’exerçait ni pouvoir de direction ni pouvoir disciplinaire à son égard ; que M. X..., qui conservait la recette encaissée par lui auprès des clients, ne percevait pas de rémunération de la société Gael à laquelle il devait, au contraire, une redevance journalière ; que ce versement ne caractérise en rien l’existence d’un lien de subordination et représente seulement la contrepartie de la mise à disposition du véhicule loué et les cotisations sociales reversées par le loueur pour le compte du locataire conformément aux stipulations du contrat de location ; qu’en vain, M. X... se prévaut des dispositions de l’article L.311-3-7 du Code de la sécurité sociale qui rend obligatoire l’affiliation des chauffeurs de taxi locataires au régime général des salariés, alors que l’assujettissement à ce régime n’est pas déterminant de l’application du droit du travail et n’entraîne pas nécessairement la qualité de salarié ;

qu’il s’ensuit qu’exerçant son activité de façon indépendante, sans avoir à rendre compte au loueur qui ne disposait d’aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur le locataire dans l’exécution de ses prestations, M. X... assumait les risques de son activité et en recueillait les fruits ;

Attendu, cependant, que le contrat litigieux prévoit que sa durée et celle de chacun de ses renouvellements sont limitées à un mois, qu’il peut être résilié mensuellement avec un délai de préavis très court, que la redevance due au “loueur” inclut les cotisations sociales qu’il s’engage à “reverser” à l’URSSAF et est révisable en fonction notamment du tarif du taxi ; que les conditions générales annexées au contrat fixent une périodicité très brève pour le règlement des redevances, sanctionnée par la résiliation de plein droit du contrat, et imposent au “locataire” des obligations nombreuses et strictes concernant l’utilisation et l’entretien du véhicule, notamment conduire personnellement et exclusivement ce dernier, l’exploiter “en bon père de famille”, en particulier, en procédant chaque jour à la vérification des niveaux d’huile et d’eau du moteur, le maintenir en état de propreté en utilisant, à cette fin, les installations adéquates du “loueur”, faire procéder, dans l’atelier du “loueur”, à une “visite” technique et d’entretien du véhicule une fois pas semaine et, en tout cas, dès qu’il aura parcouru 3 000 kms sous peine de supporter les frais de remise en état, assumer le coût de toute intervention faite sur le véhicule en dehors de l’atelier du “loueur” ainsi que la responsabilité de cette intervention ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que, nonobstant les dénomination et la qualification données au contrat litigieux, l’accomplissement effectif du travail dans les conditions précitées prévues par ledit contrat et les conditions générales y annexées plaçait le “locataire” dans un état de subordination à l’égard du “loueur” et qu’en conséquence, sous l’apparence d’un contrat de location d’un “véhicule taxi”, était en fait dissimulée l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 novembre 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Gael aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Gael à payer à M. X... la somme de 10 000 francs ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (18e chambre section C) , du 5 novembre 1997

Titrages et résumés : TRAVAIL REGLEMENTATION - Taxi - Définition - Conditions d’un contrat de travail.

Textes appliqués :
* Code du travail L121-1 et L511-1