Carte d’identification professionnelle BTP

Bilan au 30 novembre 2018

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La carte d’identification professionnelle n’a pas été conçue pour lutter contre le travail illégal dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, parce que ce dispositif n’a aucun lien juridique avec les infractions qui relèvent du périmètre du travail illégal.
La carte est destinée uniquement, ce qui demeure un objectif louable, à obtenir un meilleur paiement des cotisations aux caisses de congés payés et intempéries du BTP.
Publier des données sur la délivrance de la carte d’identification professionnelle n’a donc de sens et d’intérêt que si elles sont corrélées avec l’évolution positive du versement de ces cotisations, puisque tel est l’objectif de cette carte.

De surcroît, si la carte d’identification professionnelle est réellement l’outil indispensable, en sus de la DPAE et de la déclaration de détachement, pour lutter contre le travail illégal, elle ne serait pas rendue uniquement obligatoire, et de façon objectivement discriminatoire, dans le seul secteur du BTP ; elle devrait être imposée dans de nombreux autres secteurs tout aussi fraudogènes que le BTP : le montage et le démontage de stands et autres prestations techniques lors de salons, de foire, d’exposition ou d’événementiels artistiques et sportifs, la distribution de prospectus, le travail saisonnier, le déménagement, le gardiennage, les traiteurs, etc…

1)- Les chiffres bruts publiés par la Caisse nationale des congés payés et intempéries du bâtiment et des travaux publics (BTP), arrêtés à la fin du mois de novembre 2018, ne sont pas mis en relation avec ceux du montant des cotisations versées par les entreprises étrangères qui détachent des salariés sur le territoire français dans ces deux secteurs d’activité. Ce rapprochement permettrait de vérifier si, au-delà de la simple demande et délivrance de la carte d’identification professionnelle aux entreprises étrangères qui détachent des salariés, ce dispositif a eu un effet sur l’augmentation des cotisations versées aux caisses de congés payés et intempéries du BTP.
Cette visibilité sur un meilleur paiement des cotisations serait la bienvenue car l’utilité de cette carte pour lutter contre la fraude au paiement des cotisations et le dumping social est très discutable, car ce dispositif est notoirement redondant avec la déclaration préalable à l’embauche et avec la déclaration de détachement qui existent depuis plusieurs années.

.2)- L’obligation pour les entreprises étrangères de verser des cotisations aux caisses de congés payés et intempéries date du décret du 11 juillet 1994 (voir l’article 10 du décret), soit depuis vintg quatre ans. Compte tenu de la rédaction du code du travail issue de ce décret, la quasi-totalité des entreprises étrangères sont tenues de verser ces cotisations ; les dérogations sont très exceptionnelles. Depuis cette date, la Caisse nationale n’a publié aucun chiffre sur le nombre d’entreprises étrangères effectivement cotisantes et sur le versement des cotisations par celles-ci, ce qui serait de bons indicateurs de l’intensité du respect de cette obligation sociale par cette catégorie d’employeurs. Il n’est même pas acquis que le ministère du travail ait demandé une seule fois à la Caisse nationale de publier ces chiffres. Ces chiffres n’ont jamais été communiqués et présentés aux réunions annuelles de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal depuis 1994.
Or, le non versement des cotisations aux caisses de congés payés et intempéries constitue assurément une source significative de dumping social, puisque le montant moyen des cotisations s’élève à 21% de la masse salariale. Ne pas les payer rend le coût de la main d’œuvre et des prestations nettement moins cher.

.3)- Alors que le secteur du BTP se plaint de façon constante de la concurrence déloyale générée par les entreprises étrangères, il est curieux que ni la Caisse nationale, ni les pouvoirs publics, ne jugent opportun de publier ces chiffres depuis 1994, contrairement à ce que fait par exemple l’ACOSS pour le recouvrement des cotisations sociales du régime général de sécurité sociale.
Ces chiffres sont confidentiels et n’ont même pas été divulgués lors du vote de la loi du 6 août 2015 (voir l’article 282 de la loi) qui a créé la carte d’identification professionnelle.
Publier ces chiffres serait aussi l’occasion d’apprécier l’effectivité du recouvrement des cotisations non réglées, d’identifier les lacunes ou les insuffisances du recouvrement et d’apporter les correctifs adéquats. En effet, contrairement aux organismes de recouvrement des cotisations sociales, les caisses de congés payés ne bénéficient pas du régime de la solidarité financière prévu par les articles L.8222-1 et suivants du code du travail. Ce mécanisme autorise, sous conditions, les organismes de recouvrement à réclamer le paiement des cotisations au donneur d’ordre dans les affaires de travail dissimulé.
Etendue aux caisses de congés payés, la solidarité financière serait une garantie notamment pour le paiement des cotisations dues par les entreprises étrangères aux caisses de congés payés.
Mais faute de bilan, il est impossible de s’assurer de l’effectivité de cette législation pourtant à fort impact souhaité et annoncé sur le dumping social.