Certificat de détachement frauduleux et fraude à l’établissement en France

Certificat de détachement frauduleux : le juge du fond résiste à la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation
Arrêt n° 17/01287 du 4 octobre 2018 de la cour d’appel de Bordeaux

Voir la décision de la cour d’appel

Présentation
La cour d’appel de Bordeaux, statuant en matière correctionnelle, confirme la condamnation pour travail dissimulé prononcée en première instance, à l’encontre du responsable d’une entreprise portugaise qui intervenait en France dans le cadre de la prestation de services internationale, avec des salariés détachés munis de certificats de détachement.
La prévention et la condamnation visent plus particulièrement le fait que l’entreprise portugaise n’a pas créé d’établissement en France et n’a pas requis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le fait qu’elle n’a pas procédé à ses déclarations fiscales et sociales en France et le fait qu’elle n’a pas accompli les déclarations préalables à l’embauche des salariés employés sur le territoire français.
S’appuyant sur les constats et l’analyse de l’inspection du travail à l’origine de la procédure, la cour d’appel considère que l’entreprise étrangère ne peut se prévaloir du régime de la libre prestation de services, ni du détachement de salariés sur le territoire français.
L’entreprise portugaise ne dispose au Portugal que d’un bureau à usage administratif pour recruter des salariés immédiatement envoyés en France ; elle réalise 85% de son chiffre d’affaires en France ; elle déploie en France une activité stable et continue et dispose d’un salarié qui y fait de la prospection commerciale pour développer et pérenniser son activité.
Prenant acte de ces éléments factuels, la cour d’appel considère se trouver en présence d’une volonté délibérée de frauder le droit communautaire et, à ce titre, notamment écarte les certificats de détachement dont l’utilisation en France ne peut être invoquée dans ce contexte.
La décision de la cour d’appel a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et n’est pas définitive.

Commentaire
La cour d’appel écarte la jurisprudence A-Rosa du 27 avril 2017 et Altun du 6 février 2018 de la CJUE relative au certificat de détachement, qu’elle cite dans sa décision, considérant que la fraude à l’exercice de l’activité économique et la fraude à l’emploi de salariés sur le territoire français ne permet pas à l’entreprise portugaise d’échapper à la loi française, et aux qualifications pénales qui en résultent. La cour précise qu’elle ne remet pas en cause la validité du certificat de détachement, délivré sans vérification sur les seules déclarations de l’employeur, mais son utilisation sur le territoire français.
La décision de la cour d’appel de Bordeaux est à rapprocher de celle rendue, dans le même sens, le 26 mai 2017 par la cour d’appel de Besançon dans une affaire de fausse sous-traitance internationale voir la décision de la cour d’appel