Emploi d’un salarié étranger sans titre - contribution spéciale - contribution forfaitaire

Emploi d’un salarié étranger sans titre de travail ou de séjour – contribution spéciale – contribution forfaitaire

Voir la décision du Conseil d’Etat du 13 mars 2019
Voir la décision du Conseil d’Etat du 6 mai 2019
Voir la décision du Conseil d’Etat du 3 juin 2019
Voir la décision du Conseil d’Etat du 17 juin 2019

Le Conseil d’Etat a rendu récemment plusieurs décisions relatives au paiement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire par l’employeur d’un salarié étranger démuni de titre de travail et / ou de titre de séjour, qui apportent des précisions sur le régime juridique applicable à ces pénalités administratives mises en œuvre et recouvrées par l’OFII.

Présentation

Décisions du 13 mars 2019 et du 17 juin 2019
.1 Le Conseil d’Etat considère que la rédaction de l’article L.626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) conduit nécessairement à plafonner le montant maximum de la contribution spéciales due par l’employeur lorsque celui-ci emploie un salarié étranger sans titre de travail.
L’article L.626-1 du CESEDA dispose que, sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l’article L.8253-1 du code du travail, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine.
Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l’emploi d’un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l’article L.8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L.8256-2, L.8256-7 et L.8256-8 du code du travail ou, si l’employeur entre dans le champ d’application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre.

.2 Dans le cas d’espèce, le montant de la contribution spéciale réclamée par l’OFII à l’employeur s’élevait à 16 800 euros par salarié, alors que le quantum de l’amende prévue par l’article L.8256-2 du code du travail est de 15 000 euros pour la personne physique. Le Conseil d’Etat, tout en confirmant la mise en recouvrement de la contribution spéciale, l’a ramené à 15 000 euros pour l’aligner sur le montant maximum de l’amende pénale.

Cette lecture de la loi par le Conseil d’Etat a pour conséquence interdire d’appliquer la majoration de la contribution spéciale mentionnée à l’article L.8253-1 du code du travail ; cette majoration peut en effet atteindre 15 000 fois le taux du minimum garanti, soit 54 300 euros au 1er janvier 2019.
Cette lecture restrictive et inattendue de la loi par le Conseil d’Etat n’est pas conforme au souhait du législateur et empêche, à une époque où la sanction administrative est valorisée, d’infliger des sanctions dissuasives dans les affaires de trafics de main étrangère les plus importantes.

Décisions du 6 mai 2019 et du 3 juin 2019
Ces décisions complètent et affinent la jurisprudence du Conseil d’Etat sur la transmission à l’employeur du procès-verbal ’établi par un agent de contrôle habilité et constatant l’infraction d’emploi d’un salarié sans titre de travail (voir la décision du 29 juin 2016).

Dans la décision du 6 mai 2019, le Conseil d’Etat précise que la demande de l’employeur d’obtenir auprès de l’OFII une copie du procès-verbal doit être formulée dans le délai de quinze jours dont l’employeur dispose pour faire valoir ses observations auprès de cet organisme, et, en tout état de cause, avant la notification de l’état exécutoire de l’OFII lui enjoignant de payer la contribution spéciale. Passé ce délai, l’employeur ne peut user de ce droit que dans le cadre d’un recours contre l’état exécutoire.

Dans la décision du 3 juin 2019, le Conseil d’Etat considère que l’envoi par l’OFII à l’employeur de la lettre destinée à recueillir ses observations sur la mise en recouvrement de la contribution spéciale suffit pour lui permettre de solliciter, s’il le souhaite, la communication du procès-verbal. Le Conseil d’Etat estime que l’envoi de cette lettre met en mesure l’employeur de demander ce document, sans que l’OFII soit tenu par d’autres obligations de procédure à son égard.

Décision du 13 mars 2019
Le Conseil d’Etat refuse de transmettre au Conseil constitutionnel la QPC de l’employeur portant d’une part sur le non respect de la règle ne bis in idem et d’autre part sur le non respect du principe de proportionnalité des sanctions.

Le Conseil d’Etat confirme, en référence à une décision du Conseil constitutionnel sur le sujet (voir la décision QPC du 30 mars 2017) et à sa jurisprudence (voir la décision du 12 octobre 2018), que la contribution spéciale et la contribution forfaitaire ne sont pas contraires au principe ne bis in idem.
Le Conseil d’Etat considère également que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement du salarié étranger employé sans titre de séjour prévue à l’article L.626-1 du CESEDA respecte le principe de proportionnalité, n’a pas le caractère d’une sanction automatique et ne viole pas le principe de proportionnalité, dès lors que la loi permet à l’employeur de faire valoir ses observations avant sa notification par l’OFII, que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation sur les faits et leur qualification et qu’il peut en décharger l’employeur de son paiement.
Sur ce second point, le Conseil d’Etat reprend l’analyse qu’il développe pour la conformité de la contribution spéciale.

Décision du 17 juin 2019
.1 Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise que l’interdiction d’emploi d’un salarié étranger sans titre de travail mentionnée à l’article L.8252-1 du code du travail s’applique, sans réserve, à l’employeur en France d’un salarié dont le contrat de travail est soumis à une loi étrangère ; il en résulte que la mise en recouvrement de la contribution spéciale de l’article L.8253-1 de ce même code pour emploi d’un salarié étranger sans titre de travail est fondée.

.2 Dans cette même décision, le Conseil d’Etat indique que la transaction, survenue dans le cadre de la procédure prud’homale engagée par le salarié étranger sans titre de travail à l’encontre de son employeur, n’a pas d’incidence sur la mise en recouvrement de la contribution spéciale, qui reste due ; d’une part, cette transaction, n’a pas le même objet et vise des parties différentes et d’autre part, la contribution spéciale ne peut pas faire l’objet de transaction.

.3 La décision du Conseil d’Etat mérite d’autant plus de retenir l’attention sur ce point que le salarié reconnaissait dans cette transaction n’avoir pas travaillé sous la subordination juridique de cet employeur. Le Conseil d’Etat considère que le juge administratif conserve toute sa liberté pour apprécier et qualifier les faits décrits dans le procès-verbal établi par l’agent de contrôle habilité.