Entrepreneur de spectacles vivants - modification des modalités d’attribution de la licence

Ordonnance Culture du 3 juillet 2019 relative aux entrepreneurs de spectacles vivants

Voir le rapport au Président de la République
Voir l’ordonnance du 3 juillet 2019

Présentation
.1 Depuis l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (voir l’ordonnance), qui a encadré et règlementé le secteur des spectacles vivants, tout entrepreneur de spectacles vivants, dès lors qu’il exerce cette activité à titre professionnel, devait au préalable solliciter et obtenir une licence d’entrepreneur de spectacles, délivrée par la direction régionale de l’action culturelle (DRAC), après consultation d’une commission régionale ad hoc.
Cette licence, valable trois ans et renouvelable, était nécessaire pour exercer l’une des trois activités règlementées par l’ordonnance : la location de salle (licence catégorie 1), la production de spectacles (licence catégorie 2) et la diffusion de spectacles (licence catégorie 3).
Seul l’entrepreneur de spectacles dit occasionnel, c’est-à-dire assurant au plus six représentations par an, était dispensé de la licence ; il devait cependant déclarer le spectacle, un mois avant la représentation, auprès de la DRAC.
La loi du 18 mars 1999 (voir la loi) avait modifié l’ordonnance du 13 octobre 1945, notamment pour adapter le régime de la licence au droit communautaire et permettre aux entrepreneurs communautaires, soit de s’établir, soit de prester sur le territoire français.

.2 L’ordonnance du 3 juillet 2019 réforme de façon substantielle ce régime juridique puisqu’elle supprime l’obligation de solliciter préalablement la licence d’entrepreneur de spectacles auprès de la DRAC. La licence d’entrepreneur de spectacles vivants reste obligatoire, mais la demande de licence est remplacée par une déclaration auprès de l’autorité administrative compétente ; cette déclaration donne lieu à la délivrance d’un récépissé de déclaration d’entrepreneur de spectacles vivants, valant licence.
Le récépissé délivré a posteriori par l’autorité administrative vaudra désormais licence d’entrepreneur de spectacles vivants.
L’autorité administrative peut cependant s’opposer à la délivrance de ce récépissé lorsque les conditions pour exercer l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants ne sont pas remplies ; dans ce cas, le demandeur ne disposera pas de la licence.
Un décret précisera l’autorité administrative compétente (la DRAC ?), le moment de la déclaration (préalable ou pas) et le délai de délivrance ou de refus de délivrance du récépissé.
S’agissant de l’entrepreneur de spectacles vivants d’un autre Etat de l’Union européenne (UE) ou d’un Etat de l’Espace économique européen (EEE), il peut s’établir en France, sans déclarer son activité, sous réserve de produire un titre d’effet équivalent délivré dans un de ces Etats dans des conditions comparables. S’il souhaite intervenir en France dans le cadre d’une prestation de services, il devra continuer à en informer préalablement l’autorité administrative compétente.
S’agissant de l’entrepreneur de spectacles vivants établi dans un Etat tiers qui intervient en France dans le cadre d’une prestation de services, la demande de licence temporaire est supprimée ; mais il devra continuer à déclarer sa prestation auprès de l’autorité administrative compétente, en sus de la déclaration de détachement, et à conclure un contrat avec un entrepreneur de spectacles vivants titulaire de la licence.

.3 L’ordonnance supprime la déclaration préalable que devait faire l’entrepreneur occasionnel de spectacles, renommé à cette occasion entrepreneur de spectacles à titre accessoire, y compris pour celui établi hors de France et qui vient prester sur le territoire français ; il peut exercer cette activité, sans formalité particulière liée à cette activité, sous réserve de ne pas dépasser le nombre de représentations annuelles autorisées, qui est susceptible d’être revu par le décret d’application. Sinon, outre la sanction administrative prévue par l’ordonnance, il bascule dans le statut d’entrepreneur de spectacles professionnel.

.4 L’ordonnance précise que l’autorité administrative compétente peut s’opposer à la poursuite de l’activité et mettre fin à la validité de la déclaration en cas de non respect par l’employeur, c’est-à-dire par le producteur du spectacle, du code du travail, du régime de sécurité sociale, des dispositions relatives à la protection de la propriété littéraire et artistique, ainsi que des obligations en matière de sécurité de spectacles.
A cet effet, l’ordonnance prévoit que les administrations et organismes intéressés communiquent à l’autorité administrative compétente pour délivrer le récépissé toute information relative à la situation de l’entrepreneur de spectacles.
Par ailleurs, l’ordonnance remplace les sanctions pénales relatives à l’exercice illégal d’activité d’entrepreneur de spectacles par deux sanctions administratives :
.- une amende administrative d’un montant maximum de 1 500 euros pour les personnes physiques et de 7 500 euros pour les personnes morales, avec possibilité d’assortir l’amende d’une astreinte en cas de non-paiement de celle-ci ;
.- la fermeture, pour une durée d’un an maximum, du ou des établissements de l’entrepreneur ayant servi à commettre l’infraction.
Le décret d’application précisera l’autorité administrative compétente habilitée à prononcer ces sanctions.
Les infractions sont constatées par les officiers et agents de police judiciaire de la police et de la gendarmerie, par les agents de l’inspection du travail et par les agents de contrôle des organismes de sécurité sociale.
L’ordonnance entre en vigueur le 1er octobre 2019, ce qui nécessite de publier avant cette date le décret d’application.

Commentaire
.1 L’ordonnance du 3 juillet 2019 n’a aucune incidence sur la présomption de salariat qui s’applique à l’artiste du spectacle vivant ou enregistré et qui est le salarié du producteur de spectacles qu’il soit professionnel (licence catégorie 2) ou occasionnel, établi en France ou prestataire de services.

.2 Les sanctions pour exercice illégal ou irrégulier de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants, établi ou non en France, changent de nature, mais elles sont considérablement adoucies par rapport au régime antérieur.
En effet, l’amende administrative est d’un montant maximum de 1500 euros, alors que l’ordonnance du 13 octobre 1945 modifiée et codifiée prévoyait un emprisonnement de deux ans et une amende de 30 000 euros ; par ailleurs, la durée de la fermeture de l’établissement prononcée par le juge pouvait atteindre cinq ans.
Le montant de 1 500 euros correspond au quantum de la contravention de 5ème classe, ce qui signifie une moindre répression de la violation de la loi, puisque sous l’empire de l’ordonnance du 13 octobre 1945 modifiée la violation de la loi constituait un délit.

Cet adoucissement très significatif des sanctions et discret, car non mentionné dans le rapport au Président de la République, est assez peu compatible avec l’identification de ce secteur d’activité par les pouvoirs publics comme sensible au travail illégal et prioritaire dans le programme d’action de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal (voir la dernière réunion de la CNLTI du 8 juillet 2019).

Par ailleurs, l’introduction de ces amendes administratives pour sanctionner l’exercice illégal ou irrégulier de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants disperse le contentieux du contrôle et de la répression des manquements et des infractions constatés. Auparavant, l’ensemble de ce contentieux relevait du juge pénal. Désormais, il est partagé entre l’autorité administrative et le juge pénal.

Il en résulte notamment que les organisations professionnelles et syndicales ne pourront plus déposer plainte auprès du procureur de la République pour exercice illégal ou irrégulier, ni se constituer partie civile pour soutenir l’action du procureur, faute de procès pénal. De plus, dans un même dossier où se côtoieront du travail illégal et de l’exercice illégal ou irrégulier de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants, le contentieux sera éclaté entre deux autorités différentes, sans que l’une ou l’autre ait à connaître de l’intégralité du dossier et de la fraude. Est-ce pertinent ?