Emploi illégal d’un salarié étranger sans titre de travail et de séjour - régime juridique de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire

Le Conseil d’Etat confirme le régime juridique de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire dues pour l’emploi illégal d’un salarié étranger sans titre de travail et de séjour
Arrêt n° 408567 du 12 octobre 2018

Voir l’arrêt du Conseil d’Etat

Présentation
Le Conseil d’Etat, statuant en assemblée générale, a rendu le 12 octobre 2018 un arrêt de référence qui résume et confirme le régime juridique applicable à la contribution spéciale et à la contribution forfaitaire dues par l’employeur d’un salarié étranger démuni de titre de travail (contribution spéciale) et, le cas échéant, démuni de titre de séjour (contribution forfaitaire).
La contribution spéciale a été créée par la loi n° 76-621 du 10 juillet 1976 tendant à renforcer la répression en matière de trafics et d’emplois irréguliers de main d’œuvre étrangère (voir le texte de la loi) ; la contribution forfaitaire a été créée par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (voir le texte de la loi article 32). Ces deux contributions sont mises en recouvrement par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sur la base d’un procès-verbal relevé par un agent de contrôle habilité.
Compte tenu du montant élevé de ces contributions, qui sont dues pour chaque salarié étranger employé illégalement, un contentieux s’est rapidement développé devant la juridiction administrative qui a conduit au fil du temps le juge et le Conseil Constitutionnel à répondre à des questions de principe visant essentiellement le paiement de la contribution spéciale (voir la jurisprudence
L’arrêt du 12 octobre 2018 reprend l’essentiel de ces questions de principe, pour confirmer le régime juridique applicable à ces sanctions financières.
.- le caractère intentionnel de l’emploi d’un salarié étranger sans titre de travail ou sans titre de séjour n’est pas nécessaire ; l’OFII n’est pas tenu d’en faire la preuve.
.- l’employeur peut s’exonérer du paiement de l’une ou l’autre de ces contributions d’une part, s’il justifie avoir demandé à la préfecture, ainsi que le prévoit l’article L.5221-8 du code du travail, si le titre de travail et de séjour qui lui est présenté lors de l’embauche est authentique et en cours de validité et d’autre part s’il n’était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d’une usurpation d’identité ; si ces deux conditions sont réunies, l’employeur, au bénéficie de sa bonne foi, est exonéré du paiement de ces contributions.
.- l’employeur, qui fait l’objet à la fois d’une condamnation pénale pour emploi d’un salarié étranger sans titre de travail et du paiement de l’une ou l’autre de ces contributions, ne peut pas se prévaloir de la règle non bis in idem qui interdit de sanctionner deux fois le même manquement. Le Conseil d’Etat se réfère à la réserve émise par la France lorsqu’elle a ratifié le protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La France a décidé que la règle non bis in idem, mentionnée dans ce protocole, ne trouve pas à s’appliquer pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale. Cette réserve n’interdit ainsi pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif (voir également dans le même sens la décision du Conseil Constitutionnel).
.- une décision de relaxe de l’employeur au pénal n’empêche pas la mise en recouvrement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire. Le Conseil d’Etat indique que l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose à l’administration comme au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative.
Il n’en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l’autorité de la chose jugée s’étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

Commentaire
Sans apporter d’élément nouveau au régime juridique de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire dues par l’employeur d’un salarié étranger sans titre de travail ou de séjour, la décision du Conseil d’Etat présente l’intérêt de condenser et de confirmer l’essentiel de la jurisprudence administrative relative à ce contentieux.
Cette jurisprudence conforte le statut de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire qui sont deux instruments majeurs de la lutte contre l’emploi illégal d’un salarié étranger sans titre de travail et de séjour.

Voir la jurisprudence relative à la contribution spéciale
Voir la jurisprudence relative à la contribution forfaitaire