Discrimination indirecte oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 3 novembre 2011

N° de pourvoi : 10-20765

Non publié au bulletin

Rejet

M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 mai 2010) que M. X... et Mme Y... ont engagé, le 20 août 1998, Mme Z..., de nationalité cap-verdienne et dépourvue de titre de séjour en France, pour effectuer à leur domicile des travaux ménagers et assurer la garde de leurs deux enfants ; qu’après la séparation quelques mois plus tard de M. X... et de Mme Y..., Mme Z... a continué d’exercer les mêmes fonctions au domicile de l’un et de l’autre, étant elle-même logée par M. X... dans une chambre de service située dans l’immeuble de la résidence de celui-ci ; qu’au début de l’année 2007, M. X... et Mme Y... ont informé Mme Z... qu’elle devrait quitter son logement à la fin du mois d’avril 2007 ; qu’ayant protesté par l’intermédiaire de son conseil en faisant valoir ses conditions de travail irrégulières depuis le 20 août 1998, Mme Z... a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes à titre, notamment, de rappel de salaire, indemnité pour licenciement abusif, et dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à payer à Mme Z... diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour discrimination du fait de l’origine de la salariée, indemnité de préavis, congés payés y afférents, et dommages et intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d’appel n’était saisie, aux termes des conclusions écrites de la salariée auxquelles l’arrêt attaqué renvoie expressément, que de demandes de rappel de salaire et d’indemnités diverses fondées sur la contestation des conditions de la rupture du contrat ; qu’en condamnant M. X..., in solidum avec Mme Y..., à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination du fait de son origine, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé les articles 4, 5 et 7 du code de procédure civile ;
2°/ que la discrimination s’entend du traitement défavorable d’une personne en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que la seule existence d’irrégularités commises dans le cadre d’une relation de travail nouée avec un salarié de nationalité étrangère ne caractérise pas en soi, en l’absence de preuve de ce que l’irrégularité a été commise en raison de la nationalité étrangère du salarié, une discrimination ouvrant droit à indemnisation et justifiant la nullité du licenciement prononcé ultérieurement ; qu’en retenant que les irrégularités commises à l’égard de Mme Z... caractérisaient une discrimination à l’égard de cette dernière, cependant qu’il était constant aux débats que M. X... et Mme Y... n’avaient recouru aux services d’aucune autre personne avec qui il eût été possible de comparer son traitement, sans expliciter quels éléments étaient de nature à laisser supposer que ces irrégularités auraient été commises en raison de son origine, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 1134-5 du code du travail ;
3°/ que les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale de travail des salariés du particulier employeur ; qu’en retenant néanmoins, pour déterminer l’étendue du préjudice subi par Mme Z..., que son contrat de travail devait être présumé à temps plein en l’absence de contrat écrit, la cour d’appel a violé les articles L. 3111-1 et L. 7221-2 du code du travail ;
4°/ que s’il résulte de l’article L. 1271-5 du code du travail que l’emploi représentant plus de huit heures hebdomadaires et rémunéré au moyen du chèque emploi-service doit faire l’objet d’un contrat écrit, à défaut de quoi il est présumé être à temps plein, viole par fausse application cette disposition la cour d’appel qui déclare que l’emploi représentant plus de huit heures de travail par semaine d’un employé de maison travaillant au domicile privé de son employeur et soumis à la convention collective nationale de travail des salariés du particulier employeur, est présumé à temps plein en l’absence de contrat écrit, sans relever que la salariée était rémunérée au moyen de chèques emploi-service ;
5°/ qu’en retenant, pour évaluer le préjudice subi par Mme Z..., que celle-ci aurait dû se voir attribuer le niveau conventionnel 5, cependant que M. X... soutenait quant à lui qu’il convenait de retenir, comme l’avaient fait les premiers juges, le niveau conventionnel 2, et en s’abstenant de préciser sur quels éléments elle se fondait pour retenir cette qualification, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, ensemble l’article 2 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur ;
Mais attendu, d’abord, qu’il résulte de l’arrêt attaqué que par ses observations orales à l’audience, Mme Z... demandait à la cour d’appel de condamner Mme Y... et M. X... à lui payer une somme en réparation de son préjudice résultant de conditions discriminatoires d’emploi ; qu’il s’ensuit que le premier grief du moyen manque en fait ;
Attendu, ensuite, que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés ; qu’ayant relevé que l’exploitation par M. X... et Mme Y... de la qualité d’étrangère de Mme Z... en situation irrégulière sur le territoire français ne ne lui permettant aucune réclamation avait entraîné pour la “ salariée “ la négation de ses droits légaux et conventionnels et une situation totalement désavantageuse par rapport à des employés de maison bénéficiaires de la législation du travail, la cour d’appel, qui en a déduit que Mme Z... avait subi en raison de son origine une discrimination indirecte caractérisée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Attendu, en outre, qu’abstraction faite des motifs inopérants critiqués par les troisième et quatrième branches du moyen, la cour d’appel, à qui il revenait de déterminer le temps de travail de la salariée en l’absence d’écrit, a estimé, au vu des éléments produits dont elle a souverainement apprécié la portée, que les tâches imposées à la salariée impliquaient son entière disponibilité et qu’elle devait nécessairement rester toute la journée à la disposition de son employeur, en sorte qu’elle était employée à temps complet ;
Attendu, enfin, qu’ayant relevé que Mme Z... avait eu à s’occuper des enfants pendant près de neuf ans, la cour d’appel a pu décider qu’elle était fondée à prétendre au niveau 5 de la convention collective ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Z... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné Monsieur X... in solidum avec Madame Y..., à payer à Madame Z... diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour discrimination du fait de l’origine de la salariée, indemnité de préavis, congés payés y afférents et dommages et intérêts pour licenciement nul, outre les frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE :
Sur la discrimination
Attendu qu’aux termes de l’article L. 1l31-1 du code du travail déterminant le champ d’application du Titre III du Livre 1er portant dispositions préliminaires de la première partie du code du travail sur les relations individuelles de travail, les dispositions de ce titre ID relatif aux discriminations sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés comme aux personnes publiques employées dans des conditions du droit privé ;
que par suite, le champ d’application de ces dispositions préliminaires du code du travail s’appliquent à tous salariés soumis au droit privé, sans exception ;
que le moyen des intimés tiré des dispositions combinées des articles L. 7221-1 et L. 7221-2 du code du travail, selon lesquels seuls sont applicables au salarié employé par des particuliers à des travaux domestiques celles relatives au harcèlement moral, au harcèlement sexuel, au droit d’agir des organisations syndicales à ce titre, à la journée du 1 er mai, aux congés payés, aux congés pour évènements familiaux, à la surveillance médicale des gardiens d’immeubles n’est pas fondé en l’absence de dispositions dérogatoires inscrites dans les dispositions préliminaires édictant les principes d’ordre public régissant les relations individuelles du travail ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3 du code. de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de SOIl origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge de sa situation de famille, de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

que constitue une discrimination directe, comme réaffirmé par l’article premier de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la situation dans laquelle une personne est traitée, pour un motif discriminatoire, de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ; que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou. une pratique neutre en apparence mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa. un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ;
Attendu en l’espèce que M. X... et Mme Y..., parents de deux enfants, Charles né en 1989 et Morgane née en 1986, ont décidé le 20 août 1998 de confier à Mme Z..., de nationalité cap-verdienne et dépourvue de titre de séjour en France, des travaux ménagers et de la loger dans la chambre de service de leur appartement... ... à Paris 16ème ; que Mme Z... devait alors à tout le moins, selon les explications de Mme Y... devant la cour, travailler vingt heures par semaine, l’attribution d’une somme de 5000 francs par mois lui étant faite en complément de l’attribution de son logement ; que M. X... et Mme Y... s’étant séparés en septembre 1998, le premier déménageait... à Paris 17ème et la seconde ... à Paris 17ème avec les deux enfants du couple ; que M. X... décidait alors de loger Mme Z... dans une chambre de service située dans l’immeuble de sa nouvelle résidence, l’intéressée continuant à travailler au domicile de chacun des deux parents ; que le 29 mars 2007 M. X... demandait par une note manuscrite à Mme Z... de lui téléphoner « concernant la chambre qu’il devait vendre à la fin du mois d’Avril » ; que par lettres du 11 avril 2007 de son conseil Me A... à M. X... et Mme Y..., Mme Z... faisait état de conditions de travail répréhensibles et de différentes ruptures des relations de travail et menaces à son encontre quant à l’expulsion de sa chambre si elle ne la quittait pas à la fm du mois ; que ce courrier précisait que Mme Z... travaillait “ pour les uns et les autres “ depuis le 20 août 1998, qu’elle n’avait jamais été déclarée auprès des organismes de sécurité sociale et l’Assedic, qu’elle n’avait jamais bénéficié des garanties d’ordre public, contrepartie d’un travail salarié puisqu’elle n’avait perçu jusqu’à la fin 2004 que 764 euros ramenés ensuite à 250 euros, ce qui ne lui permettait pas de vivre décemment, que n’avait bien évidemment pas été mentionné son droit à constituer une retraite et bénéficier éventuellement des allocations chômage, qu’elle était corvéable à merci puisque les réglementations relatives à la durée du travail et aux congés payés ne lui avaient jamais été appliquées ; que par courrier du 27 avril 2007 M X... affirmait “ réfuter » les faits et la situation lui étant imputés, opposait que les propos du conseil de Mme Z... de celui-ci, rédigés dans “ un tel ton “ étaient “ vraisemblablement destinés à obtenir la remise de sommes d’argent importantes “ ou autre chose et indiquait en aviser le bâtonnier ainsi que ses avocats ;
Que Mme Z... sa situation s’étant régularisée au regard des autorités françaises, saisissait le juridiction prud’homale le 12 juillet 2007 ;
Attendu que devant la cour M. Bachellerie soutient que Mme Z... n’effectuait en échange de la mise à disposition de sa chambre de service que quelques menus travaux domestiques, qu’à compter de 2002 lui-même n’occupait qu’occasionnellement son appartement car il s’était installé chez sa nouvelle compagne, que Mme Z... a cependant gardé les clés de son appartement toujours pour de menus travaux d’entretien, qu’à partir de février 2004 ayant trouvé plusieurs employeurs elle a cessé de l’assister dans cet entretien mais s’est maintenue dans la chambre de service malgré ses demandes répétées de la libérer, qu’il n’est plus l’employeur de Mme Z... depuis février 2004, qu’en avril 2007 il a donc été contraint de demander à l’intéressée de quitter les lieux qu’elle occupait illégitimement depuis 2004 ;

Qu’il fait valoir qu’il aurait pu tout à fait normalement se dispenser de tout versement financier, le travail effectué pour lui à hauteur au maximum de 6 heures par semaine par Mme Z... se révélant être la contrepartie de la mise à disposition d’un logement, sans aucune distorsion entre le montant de l’avantage ainsi consenti et la valeur du travail fourni. que Mme Z... percevait en fait du couple selon ses propres écritures 764 euros par mois jusqu’en septembre 2004 alors qu’elle ne travaillait chez Mme Y... qui lui versait 432 euros, que dix heures par semaine au maximum, que les minima conventionnels ont donc été tout à fait satisfaits compte tenu de l’avantage en nature dont bénéficiait Mme Z..., que celle-ci n’a pas été maltraitée dès lors que par ailleurs elle partait régulièrement pour de longues périodes au Cap Vert, que Mme Z... organisait son temps et ses activités personnelles comme elle l’entendait, ce qui contredit totalement ses “ accusations d’esclavagisme “ ;
Attendu que Mme Y... soutient qu’après la séparation du couple en septembre 1998 elle a conservé Mme Z... à son service pour quelques heures de ménage, qu’à compter de janvier 2004 elle n’a plus travaillé chez M. X... mais seulement chez elle pour un volume de 10 heures par semaine et un salaire de 432 euros par mois, carte orange incluse, qu’au cours de l’été 2006 elle a informé Mme Z... que le rez-dechaussée de son duplex serait en travaux à compter d’octobre et que pendant la période de rénovation elle n’aurait pas besoin d’elle que pour quelques heures pour la mise sous cartons et un peu de ménage à l’étage, qu’il a alors été convenu qu’il ne lui serait plus versé que 250 euros quand bien même elle travaillerait peu ou pas, qu’en janvier 2007, Mme Z... l’avait informée qu’elle avait trouvé un emploi à temps plein pour la garde d’une personne âgée à Boulogne-Billancourt, que la rupture relève donc de l’initiative de Mme Z..., que durant plusieurs semaines elle n’a eu aucune nouvelle de Mme Z... jusqu’au 15 mars où elle est revenue pour lui annoncer qu’elle avait perdu cet emploi et venait reprendre son service auprès d’elle, qu’elle a alors (dit) à Mme Z... que son réembauchage n’était plus possible, les circonstances ayant changé depuis son départ, son fils Charles devant partir en pension ;
Que Mme Y... conteste que Mme Z... ait accompli les fonctions de gouvernante dès lors qU’elle n’avait qu’à préparer le dîner certains jours, faire quelques courses, à faire quelques menus travaux de ménage, que Charles qu’elle conduisait elle-même à l’école en scooter avait 9 ans en 1998 et s’est très rapidement rendu seul en cours. à l’instar de sa soeur qui avait 12 ans, qu’elle n’a jamais eu besoin d’une gouvernante au regard de l’âge des enfants, que Mme Z... n’aurait pu d’ailleurs les aider à faire leurs devoirs, à préparer leurs loisirs. qu’elle n’était pas présente tous les jours de la semaine et ne travaillait pas le week-end, qu’elle bénéficiait de congés pour aller voir sa famille au Cap Vert ou au Portugal, cela pour régulariser sa situation de travailleuse étrangère au sein de l’Union européenne, qu’elle cumulait d’autres emplois à temps partiel ;
Que Mme Y... réfute « la victimisation de Mme Z... » et fait valoir qu’au contraire leurs relations étaient chaleureuses, qu’elle l’a aidée pour ses demandes administratives, que Mme Z... faisait quasiment partie de la famille, qu’elle l’autorisait à choisir des vêtements « Marithé et François Girbaud » créés par l’entreprise où elle travaillait et invendus ;
Attendu qu’il s’évince des faits constants ci-dessus, des écritures et explications tant de M. X... que de Mme Y... d’une part, que Mme Z..., engagée conjointement par ces deux personnes, a exécuté pendant plusieurs années dans leur domicile commun puis leur domicile respectif, un travail subordonné, dans une situation de co-emploi, sans bénéficier d’un contrat de travail écrit nonobstant les dispositions de la convention collective nationale du particulier employeur dès lors que la durée hebdomadaire de travail excédait huit heures par semaine et sans être déclarée, et d’autre part, que ces relations de travail subordonné ont pu se nouer et perdurer ainsi en raison de la situation irrégulière sur le territoire français de la salariée, d’origine capverdienne ;
Que l’exploitation de la situation irrégulière de Mme Z... par M. X... et Mme Y..., sans justification d’aucun but légitime, a entraîné pour la salariée la négation de ses droits au regard des principes d’ordre public définis par le code du travail, de ses droits conventionnels et sociaux emportant une situation totalement désavantageuse au regard de celle des employés de maison bénéficiaires à la législation professionnelle française et de la convention précitée ;
Que Mme Z... a subi ainsi en raison de son origine, au moyen pour les employeurs de l’exploitation de sa qualité d’étrangère en situation irrégulière sur le territoire français, qui ne lui permettait aucune réclamation ou liberté d’agir, une discrimination indirecte caractérisée ;

Attendu sur la demande indemnitaire, que contrairement à ce que soutient M. X... les demandes de Mme Z... ne consistent pas en paiement de salaires et congés payés pour la plupart prescrits mais en paiement de dommages et intérêts résultant de la perte de salaires et indemnités du fait de l’exécution et la rupture discriminatoires par ses employeurs de son contrat de travail, les sommes à caractère salarial et à caractère indemnitaire dont elle dit avoir été privée ne constituant qu’un chiffrage des éléments de son préjudice induit par la discrimination dont l’indemnisation n’est pas atteinte par la prescription des salaires ;
que sur ces éléments de préjudice, la violation par M. X... et Mme Y... de l’obligation conventionnelle d’établir par écrit un contrat de travail lorsque l’emploi dépasse huit heures par semaine, et si le contrat est à temps partiel, de l’obligation d’y préciser la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaines ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi était à temps complet ;
Que Mme Y... soutient pour combattre cette présomption que Mme Z... travaillait au maximum 10 heures par semaine chez elle et M. X... qu’elle ne l’occupait que très occasionnellement sans autre précision ;
Que les intimés produisent au regard de l’article L3171-4 du code du travail unique de la section ( documents fournis au juge » figurant au chapitre du code relatif au contrôle de la durée du travail, auquel en conséquence ne déroge pas l’article L. 7221-2, relatif aux relations individuelles entre le salarié employé à des travaux domestiques et le particulier employeur mais non au contrôle de la durée du travail, les éléments suivants :

"-" Mme Y..., qui soutient que Mme Z... avait d’autres employeurs, partait souvent au Cap Vert, une attestation d’un tiers, M. C..., venant dire que Mme Z... lui avait précisé qu’elle s’occupait d’emmener et de récupérer une enfant à l’école Saint-Ferdinand et qu’elle effectuait des ménages chez une personne âgée ; une attestation d’une personne, Mme D..., disant qu’elle lui avait refusé de garder ses enfants car ayant déjà trop d’employeurs ; une attestation d’une amie, Mme E..., précisant qu’elle lui avait confié qu’elle pouvait garder ses journées libres pour travailler chez d’autres employeurs ;

"-" M. X..., qui se prévaut essentiellement de la cessation de l’activité de Mme Z... à son domicile en Février 2004, une attestation de la gardienne de son immeuble, Mme F... venant affirmer que Mme Z... ne travaillait plus chez lui depuis 2004 et que lorsqu’elle travaillait pour lui elle avait pu constater qu’elle se rendait régulièrement au Cap Vert ; une attestation d’un tiers, Mme G... venant dire qu’« en février 2004 Mme Z... indiquait à M. X... qu’elle avait ou était sur le point de trouver un ou plusieurs emplois qui lui prendraient tout son temps », qu’elle avait précisé qu’effectuer 2 à 3 heures par jour tous les 2/ 3 jours chez M. X... en échange principalement de la mise à disposition de la chambre de bonne, ce qui ne lui permettait pas de gagner suffisamment sa vie, raison de son départ » ; une attestation de M. H... venant dire que M. X... n’ayant la garde de ses enfants qu’un week-end sur deux n’habitait pas à son domicile durant les années 2002-2003 mais chez une amie » ;
Que Mme Z..., qui expose pour sa part qu’elle effectuait au domicile de chacun de ses deux employeurs toutes les tâches ménagères : lessive, repassage, nettoyage, vaisselle, arrosage des plantes, préparatifs repas, faisait les courses, emmenait et cherchait les enfants à l’école, les aidait à faire leurs devoirs et travaillait en général de 8 heures à 20 heures chaque jour et souvent le week-end lors de réceptions de ses employeurs, produit des agendas sur lesquels figurent au fil des jours des instructions soit de Mme Y..., soit de M. X... comme celles de ranger la chambre de Charles, ranger la cave, recevoir le plombier, « faire les courses, nettoyer les vitres salon chambre », faire « des grosses courses », « faire grand ménage », « diversifier un peu la nourriture », « faire le repassage et le nettoyage complet », « vider la poubelle », « recoudre le rideau avec du fil et une aiguille », ouvrir au professeur pour la leçon de Charles, « préparer à manger aux enfants », acheter les fournitures scolaires, rechercher les chemises, changer les draps et serviettes de bain, passer l’aspirateur sur la moquette, cirer les chaussures, aller au pressing, recoudre les boutons, « apporter les affaires de motocross de Charles chez Corinne ». nettoyer la bibliothèque, nettoyer les stores des fenêtres de la cuisine, du salon et de la salle de bains. VOIT avec la concierge pour trouver le compteur d’eau, rarnener les films de chez Corinne, etc...
Que ces éléments, même si les agendas ne sont pas informés au jour le jour, emportent la conviction de l’importance du nombre d’heures accomplies par Mme Z... qui devait nécessairement rester toute la journée à disposition de son employeur, alors que les attestations peu précises des intimés sur l’allégation d’autres emplois de l’intéressée ne sont nullement de nature à permettre d’appréhender leur réalité ;

Que la preuve contraire à la présomption d’un temps complet n’est pas rapportée dès lors que contrairement aux dispositions conventionnelles aucun écrit n’a été signé entre les parties et que les éléments fournis par les intimés sont insuffisants. au regard de la multiplicité et de l’importance des tâches révélées par les agendas de la famille qui supposaient une entière disponibilité de la salariée ;
que pour le surplus Mme Z... n’apporte pas pour sa part d’éléments de conviction suffisants pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires accomplies ;
que son préjudice au regard de la rémunération qui lui a été servie et de la mise à disposition d’un logement doit être pris en compte en conséquence par référence seulement à un temps complet ;
que Mme Z... a de même était privée de ses congés payés ;
qu’elle a également subi un préjudice du fait de l’absence de classification de son emploi et de l’absence de qualification ; qu’il est avéré qu’elle avait à s’occuper aussi des enfants, n’a perçu qu’un salaire de 764 euros jusqu’en septembre 2004 puis de 400 euros jusqu’à Novembre 2006 et Janvier 2007, 150 euros en Février 2007, 30 euros en Mars 2007 ; que même si elle bénéficiait d’un avantage en nature, ces rémunérations étaient inférieures aux rninimas conventionnels et même au SMIC ; qu’au regard de ses fonctions, son salaire devait s’élever en dernier lieu à 1. 691, 28 euros correspondant au niveau conventionnel 5 ;
que du fait de la dissimulation de son emploi résultant notamment de la nondéclaration de son embauche, du non-paiement de ses cotisations sociales maladie et vieillesse, Assedic, pendant 8 années et 4 mois. Mme Z... subit un préjudice en matière de couverture santé, de retraite et des droits aux allocations-chômage ;
que l’ensemble de ces éléments en la cause implique une indemnisation au titre des conséquences de la discrimination subie pendant plus de huit années à hauteur de 50. 000 euros, après prise en compte du fait que Mme Z... était logée ;
Attendu que Mme Z... a subi pendant plusieurs semaines une diminution drastique de son travail et de sa rémunération, sans conclusion d’un avenant à son contrat de travail, M. X... ne lui fournissant plus de travail depuis février 2004 puis Mme Y... lui refusant tout travail à compter de mars 2007 au motif que son fils Charles allait entrer en pension ;
que Mme Y... ne justifie pas que Mme Z... a démissionné en janvier 2007 pour aller garder une personne âgée, alors qu’auparavant en octobre 2006 elle avait indiqué à la salariée que des travaux devaient être effectués dans son appartement et que Mme Z... s’est représentée à son travail en mars 2007 ;
qu’il s’évince des notes manuscrites de M. X... lui enjoignant de libérer sa chambre de fonction, au moment même où Mme Y... lui refusait de reprendre son poste, que Mme Z... a été licenciée le 29 mars 2007 ;
que ce licenciement venant en violation également des règles d’ordre public de procédure préalable et de motivation de la rupture relève également du statut discriminatoire imposé à Mme Z... ; que ce licenciement est nul ;
que Mme Z... a droit à ses indemnités de préavis et congés payés incidents et doit être indemnisée de cette rupture illicite par l’allocation de la somme de 25. 000 euros en réparation du fait des circonstances brutales de la rupture et des difficultés d’emploi et financières qui en ont résulté pour elle » ;
ALORS QUE la cour d’appel n’était saisie, aux termes des conclusions écrites de la salariée auxquelles l’arrêt attaqué renvoie expressément, que de demandes de rappel de salaire et d’indemnités diverses fondées sur la contestation des conditions de la rupture du contrat ; qu’en condamnant Monsieur X..., in solidum avec Madame Y..., à lui payer la somme de 50. 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination du fait de son origine, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé les articles 4, 5 et 7 du Code de procédure civile ;
QU’IL EN VA D’AUTANT PLUS AINSI QUE la discrimination s’entend du traitement défavorable d’une personne en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa nonappartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que la seule existence d’irrégularités commises dans le cadre d’une relation de travail nouée avec un salarié de nationalité étrangère ne caractérise pas en soi, en l’absence de preuve de ce que l’irrégularité a été commise en raison de la nationalité étrangère du salarié, une discrimination ouvrant droit à indemnisation et justifiant la nullité du licenciement prononcé ultérieurement ; qu’en retenant que les irrégularités commises à l’égard de Madame Z... caractérisaient une discrimination à l’égard de cette dernière, cependant qu’il était constant aux débats que Monsieur X... et Madame Y... n’avaient recouru aux services d’aucune autre personne avec qui il eût été possible de comparer son traitement, sans expliciter quels éléments étaient de nature à laisser supposer que ces irrégularités auraient été commises en raison de son origine, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 1134-5 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIÈME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les dispositions du Code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la Convention collective nationale de travail des salariés du particulier employeur ; qu’en retenant néanmoins, pour déterminer l’étendue du préjudice subi par Madame Z..., que son contrat de travail devait être présumé à temps plein en l’absence de contrat écrit, la cour d’appel a violé les articles L. 3111-1 et L. 7221-2 du Code du travail ;
QUE s’il résulte de l’article L. 1271-5 anciennement L. 129-6 du Code du travail que l’emploi représentant plus de huit heures hebdomadaires et rémunéré au moyen du chèque emploi-service doit faire l’objet d’un contrat écrit, à défaut de quoi il est présumé être à temps plein, viole par fausse application cette disposition la cour d’appel qui déclare que l’emploi représentant plus de huit heures de travail par semaine d’un employé de maison travaillant au domicile privé de son employeur et soumis à la Convention collective nationale de travail des salariés du particulier employeur, est présumé à temps plein en l’absence de contrat écrit, sans relever que la salariée était rémunérée au moyen de chèques emploi-service ;
ALORS, ENFIN ET TOUT AUSSI SUBSIDIAIREMENT QU’en retenant, pour évaluer le préjudice subi par Madame Z..., que celle-ci aurait dû se voir attribuer le niveau conventionnel 5, cependant que Monsieur X... soutenait quant à lui qu’il convenait de retenir, comme l’avaient fait les premiers juges, le niveau conventionnel 2, et en s’abstenant de préciser sur quels éléments elle se fondait pour retenir cette qualification, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil, ensemble l’article 2 de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 18 mai 2010