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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 avril 2021, 20-83.021, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 20-83.021
ECLI:FR:CCASS:2021:CR00496
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 14 avril 2021
Décision attaquée : Cour d’appel de Cayenne, du 12 décembre 2019

Président
M. Soulard (président)
Avocat(s)
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° D 20-83.021 F-D

N° 00496

CK
14 AVRIL 2021

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 AVRIL 2021

Mme [V] [J], MM. [W] [W] et [O] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 12 décembre 2019, qui, après annulation du jugement du tribunal correctionnel et évocation, a condamné la première, pour faux et aide à l’entrée ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, à dix mois d’emprisonnement avec sursis, le deuxième pour détention de faux document administratif, complicité de faux, escroquerie, travail dissimulé et aide à l’entrée ou au séjour irréguliers d’étrangers en France à deux ans d’emprisonnement avec mise à l’épreuve, 30 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction professionnelle et cinq ans d’interdiction de gérer une entreprise commerciale et le troisième, pour faux et complicité d’aide à l’entrée ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, à un an d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction professionnelle, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] [J], MM. [H] [O], [W] [W], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite de plaintes déposées auprès de la gendarmerie de [Localité 1], relatives à la promesse d’emplois dans la construction à des étrangers en situation irrégulière, après fourniture de faux documents administratifs et contre rémunération, les enquêteurs se sont transportés au domicile de M. [W] [W], qui a une activité d’écrivain public.

3. Ils ont découvert trente-trois dossiers de demandes d’aide médicale d’Etat contenant des attestations d’hébergement au nom de Mme [G] [X] ou de M. [K] [B].

4. Les gendarmes se sont rendus au service des étrangers de la sous-préfecture pour y vérifier le nom des traducteurs et ont relevé des anomalies.

5. Entendue, Mme [V] [J], épouse de M. [W], a admis qu’elle avait réalisé des traductions sur des documents que M. [H] [O], traducteur-interprète, avait pré-signés, et sur lesquels elle apposait le cachet de M. [O], dont ce dernier lui avait remis un exemplaire.

6. M. [O] a confirmé ces faits.

7. Les trois personnes mises en cause ont fait l’objet de poursuites sous les qualifications évoquées plus haut.

8. Par jugement du 5 juillet 2019, le tribunal correctionnel a condamné Mme [J] à un an d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende, M. [W] à dix-huit mois d’emprisonnement dont douze mois assortis d’une mise à l’épreuve, 20 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction professionnelle, M. [O] à douze mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende.

9. Mme [J], M. [W] et M. [O] ont relevé appel de cette décision, le ministère public a relevé appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa seconde branche pour M. [O] et le quatrième moyen pris pour M. [W]

10. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen proposé pour M. [W]

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [W] coupable d’escroquerie alors, « qu’un mensonge ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse s’il ne s’y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d’un tiers destinés à donner force et crédit à l’allégation mensongère du prévenu ; qu’en se bornant, pour déclarer M. [W] coupable d’escroquerie, à relever qu’il « a[vait] reçu à son cabinet plusieurs personnes étrangères leur promettant un emploi et un logement ou des papiers » et qu’il avait « confirmé les promesses mirifiques pour les candidats à un travail, aux prestations familiales ou aux soins », quand ces énonciations ne caractérisent aucun fait extérieur ou acte matériel ni aucune mise en scène ou intervention d’un tiers, en sorte que la seule promesse, à la supposer mensongère, imputée au prévenu ne constituait pas une manoeuvre frauduleuse, la cour d’appel a violé les articles 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, et 313-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

12. Pour déclarer M. [W] coupable d’escroquerie, l’arrêt attaqué énonce qu’il a reçu des personnes de nationalité étrangère, et leur a fait des promesses mensongères, leur assurant qu’en échange du versement de sommes d’argent, il pouvait faire régulariser leur situation administrative en France, leur faire obtenir du travail, ainsi que des prestations sociales et la prise en charge de soins médicaux.

13. Les juges ajoutent qu’il résulte de l’audition de deux victimes que celles-ci sont entrées en contact avec M. [W] par l’intermédiaire de Mme [X], celle-ci ayant recherché des personnes intéressées par l’obtention d’un travail et d’un titre de séjour en France, afin de les mettre en relation avec ce demandeur.

14. En l’état de ces motifs qui établissent que M. [W] s’est assuré de l’intervention d’un tiers pour donner force et crédit à ses mensonges, qui ont eux-mêmes déterminé le versement des fonds, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué.

15.Le moyen ne peut, dès lors, être admis.

Sur le troisième moyen proposé pour M. [W]

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [W] coupable d’exécution d’un travail dissimulé, alors « que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié suppose l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en retenant, pour déclarer M. [W] coupable de ce délit, que « Mme [V] [J], épouse [W], travaillait quotidiennement au sein de l’agence de son époux depuis 2014 [et] percevait une rémunération pour les traductions qu’elle ou l’agence réalisaient, sans avoir aucun statut », quand ces énonciations ne caractérisent pas un lien de subordination déterminant l’existence d’un contrat de travail entre le prévenu et son épouse, la cour d’appel a violé les articles 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4 du code pénal, L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

17. Pour déclarer M. [W] coupable de travail clandestin, la cour d’appel retient qu’il tenait une agence d’écrivain public dans laquelle travaillait son épouse, Mme [J], qui réalisait des traductions en percevant une rémunération. Les juges ajoutent qu’elle ne bénéficiait d’aucune couverture sociale et que son mari, qui dirigeait et gérait l’entreprise, n’avait jamais effectué de déclaration sociale ou fiscale.

18. En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.

19. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le premier moyen proposé pour M. [O], pris en sa première branche

Enoncé du moyen

20. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [O] coupable de faux et de facilitation de l’entrée, de la circulation ou du séjour irréguliers d’un étranger en France, alors :

« 1°/ que des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu’en se fondant sur les mêmes faits de mise à disposition d’un tiers de documents vierges pré-signés et de son sceau de traducteur pour déclarer M. [O] coupable tout à la fois de faux et de facilitation de l’entrée, de la circulation ou du séjour irréguliers d’un étranger en France, quand ces faits uniques procédaient d’une seule intention coupable, la cour d’appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, 4 du protocole additionnel n° 7 à cette Convention et le principe ne bis in idem. »

Réponse de la Cour

21. Après avoir caractérisé, à la charge de M. [O], interprète-traducteur, l’infraction de faux, en relevant qu’il a mis à la disposition de Mme [J] des documents vierges, qu’il avait signés à l’avance, ainsi que son sceau, afin qu’elle puisse authentifier des traductions qu’elle effectuait elle-même, la cour d’appel, qui énonce que ces faux étaient destinés à l’obtention de documents administratifs, au profit de personnes de nationalité étrangère, démunies de titre de séjour, déclare également le demandeur coupable d’avoir commis l’infraction distincte d’aide à l’entrée, au séjour ou à la circulation d’étrangers.

22. En déclarant ainsi ce prévenu coupable de ces deux infractions, la cour d’appel n’a pas méconnu la règle ne bis in idem, dès lors que ce n’est pas le délit de faux, mais celui d’usage de faux, qu’il avait favorisé par ses agissements.

23. Le moyen ne peut donc qu’être écarté.

Mais sur le premier moyen pris pour Mme [J]

Enoncé du moyen

24. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré Mme [J] coupable des faits de facilitation de l’entrée, de la circulation ou du séjour irréguliers d’un étranger en France, alors :

« 1°/ que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l’ordonnance ou la citation qui les a saisis ; qu’en retenant, pour déclarer Mme [J] coupable du délit de facilitation de l’entrée, de la circulation ou du séjour irréguliers d’un étranger en France, qu’elle avait été trouvée en possession d’attestations ne pouvant avoir été rédigées par leur auteur et qu’elle avait participé à l’activité d’écrivain public de son époux « en servant de réceptionniste, et d’interprète auprès des clients et de son mari, faisait traduire ou traduisait les documents déposés », quand elle n’avait été citée que pour répondre d’avoir commis ce délit « en faisant des attestations d’hébergement de complaisance pour faciliter l’obtention de titre de séjour, en réalisant de fausses traductions [et] en usurpant la qualité d’interprète assermenté », la cour d’appel, qui a prononcé sur des faits qui n’étaient pas visés par la prévention, a excédé les limites de sa saisine et violé les articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 388 et 512 du code de procédure pénale ;

2°/ qu’en se fondant, pour déclarer Mme [J] coupable du délit de facilitation de l’entrée, de la circulation ou du séjour irréguliers d’un étranger en France, sur le seul fait qu’elle avait assuré contre rémunération l’interprétariat et la traduction de pièces au bénéfice de personnes en situation irrégulière, quand l’incrimination ne saurait s’appliquer à un traducteur-interprète, dont l’intervention est indispensable à l’exercice du droit de demander un titre de séjour ou l’admission au bénéfice de l’aide médicale d’État, qui exerce régulièrement sa profession, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 7 de la Convention des droits de l’homme, 111-4 du code pénal et L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 388 et 593 du code de procédure pénale :

25. Il résulte du premier de ces textes, que, sauf comparution volontaire, les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l’acte qui les a saisis.

26. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

27. Pour dire établi le délit d’aide à l’entrée ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, résultant selon l’acte de poursuite de l’établissement d’attestations d’hébergement de complaisance pour faciliter l’obtention de titres de séjour, et de la réalisation de fausses traductions, en usurpant la qualité d’interprète assermenté, l’arrêt attaqué énonce que la perquisition opérée au domicile de la prévenue a permis la découverte de trente-trois dossiers d’aide médicale d’Etat comportant tous des attestations d’hébergement au nom, soit de Mme [G] [X], soit de M. [K] [B].

28. Les juges relèvent que ce dernier ne savait ni lire ni écrire et ne pouvait donc être l’auteur de ces attestations.

29. Ils ajoutent qu’il résulte de la procédure et des débats que Mme [W], parlant le français et plusieurs langues étrangères, participait activement à l’activité de son mari en servant de réceptionniste et d’interprète auprès des clients, et qu’elle faisait traduire ou traduisait les documents déposés, en connaissance nécessaire de la situation irrégulière des clients de son époux dont elle comprenait la langue.

30. En se déterminant ainsi, d’une part, par des motifs dont il ne résulte pas que Mme [J] a commis les faits qu’on lui reproche, d’autre part, en se fondant sur des faits étrangers à ceux visés dans l’acte de poursuite, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

31. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le premier moyen pris pour M. [W]

Enoncé du moyen

32. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [W] coupable de complicité de faux, alors « qu’en se bornant à relever, pour déclarer M. [W] coupable de complicité du faux commis par Mme [J], que celle-ci « réalisait des traductions qu’elle signait et authentifiait au nom de M. [O] » et que le prévenu « avec lequel elle travaillait quotidiennement était au courant de cette pratique et de la rémunération reversée à M.  [1] pour un travail qu’il ne réalisait pas », et en se fondant ainsi sur la seule connaissance qu’il avait de l’infraction principale, sans caractériser aucun acte positif personnel d’aide ou d’assistance ni aucune forme d’instigation, la cour d’appel a violé les articles 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4 et 121-7 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

33. Selon le premier de ces textes, est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre.

34. Aux termes du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

35. Pour déclarer M. [W] coupable de complicité de faux, l’arrêt retient qu’il a été établi par la procédure et par les déclarations de Mme [J] qu’elle réalisait des traductions, qu’elle signait et authentifiait au nom de M. [O].

36. Les juges ajoutent que M. [W], son époux avec lequel elle travaillait quotidiennement, était au courant de cette pratique et de la rémunération reversée à M. [O] pour un travail qu’il ne réalisait pas.

37. En statuant ainsi, sans caractériser aucun des actes positifs énumérés par le premier des textes susvisés, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

38. Il en résulte que la cassation est à nouveau encourue.

Et sur le second moyen présenté pour M. [O]

Enoncé du moyen

39. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. [O] à la peine de douze mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende, prononcé à son encontre à titre de peine complémentaire l’interdiction d’exercer l’activité de traducteur interprète sous quelque statut que ce soit pour la durée de cinq ans et ordonné la confiscation des scellés, alors :

« 1°/ qu’en se fondant, pour prononcer les peines d’emprisonnement, d’amende, d’interdiction d’exercice et de confiscation des scellés, exclusivement sur la gravité des faits, sans s’expliquer sur la personnalité du prévenu ni sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 130-1 et 132-1 du code pénal ;

2°/ qu’en condamnant M. [O] au paiement d’une amende de 20 000 euros, sans s’expliquer sur les ressources et les charges du prévenu, comparant, qu’elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d’appel ne l’a pas justifiée au regard des articles 130-1, 132-1 et 132-20 du code pénal ;

3°/ qu’en ordonnant la confiscation des scellés, sans motiver sa décision de
ce chef et sans constater que les biens confisqués constituaient le produit ou l’objet de l’infraction, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l’homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention, 131-21 et 132-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21, 132-1 et 132-20 du code pénal :

40. Selon les deux derniers textes susvisés, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. Le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu.

41. Selon le premier de ces textes, la peine de confiscation porte sur les biens qui ont servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, ou qui en sont l’objet ou le produit direct ou indirect. Elle peut porter en outre sur tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l’infraction, et, lorsque la loi le prévoit, sur un bien appartenant au condamné ou dont il a la libre disposition.

42. Pour condamner M. [O] à un an d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction d’exercer l’activité de traducteur et d’interprète, l’arrêt ne contient aucun motif sur la personnalité ni sur la situation de M. [O], autre que le montant de ses ressources déclarées et l’indication que son casier judiciaire ne porte aucune condamnation. La décision ne contient aucune précision sur ses charges.

43. Par ailleurs, si la cour d’appel ordonne la confiscation des scellés, elle ne précise pas quels sont les objets visés par cette mesure, ni le fondement de celle-ci.

44. Il en résulte que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision sur les peines.
45. Ainsi, la cassation est encore encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Cayenne, en date du 12 décembre 2019, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de Mme [J] du chef d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour d’un étranger en France, de M. [W] du chef de complicité de faux et aux peines infligées aux trois prévenus, les dispositions de l’arrêt relatives à la déclaration de culpabilité de M. [O], et à la déclaration de culpabilité de M. [W] pour les infractions d’escroquerie et de travail clandestin, ainsi que les dispositions civiles, demeurant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Cayenne, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Cayenne et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze avril deux mille vingt et un.ECLI:FR:CCASS:2021:CR00496

Notes

[1O