Une condamnation pénale pour dissimulation d’emploi salarié s’impose au juge prud’homal

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 décembre 2020, 19-19.974, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 19-19.974
ECLI:FR:CCASS:2020:SO01160
Non publié au bulletin
Solution : Cassation

Audience publique du mercredi 09 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 22 mai 2019

Président
Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Yves et Blaise Capron
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION


Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1160 F-D

Pourvoi n° D 19-19.974

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Mme K... O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° D 19-19.974 contre l’arrêt rendu le 22 mai 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. J... U..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Holl primeurs,

2°/ à l’association AGS CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme O..., après débats en l’audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Pecqueur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article L. 431-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2019), Mme O..., soutenant être liée par un contrat de travail à la société Holl primeurs (la société), a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires et indemnités pour travail dissimulé, rupture abusive du contrat de travail, pour non-respect de la procédure de licenciement et la remise de documents conformes sous astreinte.

2. Par jugement du 12 mars 2012, la liquidation de la société a été prononcée et M. U... a été nommé en qualité de liquidateur.

3. Par arrêt définitif du 18 décembre 2012 de la cour d’appel de Paris, confirmant le jugement du tribunal correctionnel de Créteil du 25 octobre 2011, la société et M. X..., son gérant, ont été déclarés coupables, entre septembre 2010 et mars 2011, du délit de travail dissimulé par omission de déclaration obligatoire à un organisme de protection sociale de sept salariés, dont Mme O... qui s’est constituée partie civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme O... fait grief à l’arrêt de dire qu’il n’a pas existé de contrat de travail à durée indéterminée avec la société et de la débouter de l’ensemble de ses demandes, alors « que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil l’autorité absolue de la chose jugée à l’égard de tous et il n’est en conséquence pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par les juridictions pénales ; qu’il en résulte que le juge civil ne peut retenir qu’une personne et une société n’étaient pas liées par un contrat de travail, quand, par une décision définitive, une juridiction pénale statuant au fond a déclaré cette société coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié pour avoir omis de déclarer cette personne auprès d’un organisme de protection sociale ; qu’en énonçant, dès lors, pour dire qu’il n’avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme K... O... et la société Holl primeurs et pour débouter, en conséquence, Mme K... O... de l’ensemble de ses demandes, que s’il était exact que le tribunal correctionnel de Créteil avait condamné M. B... X... en tant que gérant de la société Holl primeurs le 25 octobre 2011 pour travail dissimulé concernant plusieurs salariés pendant la période s’étant écoulée entre le mois de septembre 2010 et le mois de mars 2011, cette décision n’apportait pas de précision sur les circonstances d’un emploi qu’aurait exercé Mme K... O..., que ce jugement ne visait pas un travail dissimulé à compter du mois d’avril 2010, que ce même jugement avait été confirmé sur la culpabilité de M. B... X... et de la société Holl primeurs par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 18 décembre 2012, que cet arrêt mentionnait une surveillance effectuée sur le commerce et le constat, entre le 13 février et le 3 mars 2011, de la présence d’employés dont plusieurs n’étaient pas enregistrés sur les fichiers, que Mme K... O... n’était pas incluse dans ces constatations et que l’intéressée elle-même ne revendiquait pas une relation salariée pendant cette période, quand, par son arrêt devenu définitif en date du 18 décembre 2012, la cour d’appel de Paris avait confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Créteil en date du 25 octobre 2011, en ce qu’il avait déclaré la société Holl primeurs et son gérant, M. B... X..., coupables du délit de dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, pour avoir, notamment, omis de déclarer Mme K... O... auprès d’un organisme de protection sociale, entre le mois de septembre 2010 et le mois de mars 2011, soit pendant une partie de la période du 6 avril 2010 au 23 janvier 2011, au cours de laquelle Mme K... O... prétendait avoir été liée à la société Holl primeurs par un contrat de travail, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1351 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenues les dispositions de 1355 du code civil, le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action portée devant la juridiction civile et les dispositions de l’article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de l’autorité, au civil, de la chose jugée au pénal et l’article L. 1221-1 du code du travail :

5. Selon ce principe, les décisions de la juridiction pénale ont au civil l’autorité de la chose jugée à l’égard de tous et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif.

6. Aux termes de l’article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

7. Pour dire qu’il n’a pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme O... et la société, et débouter l’intéressée de l’ensemble de ses demandes, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si le tribunal de grande instance de Créteil a condamné M. X... en tant que gérant de la société Holl primeurs le 25 octobre 2011 pour travail dissimulé concernant plusieurs salariés dans la période située entre septembre 2010 et mars 2011, cette décision n’apporte pas de précision sur les circonstances d’un emploi qu’aurait exercé Mme O..., notamment à compter du mois d’avril 2010, que s’il est exact que l’intéressée a collaboré occasionnellement pour la société, ce qu’a reconnu le gérant, aucun élément n’établit qu’elle a exercé une quelconque activité salariée qui aurait débuté le 6 avril 2010, qu’elle avait un emploi à temps plein dans un restaurant entre le 17 juin et le 17 septembre 2010 et qu’elle percevait des allocations chômage par la suite, et ne pouvait donc exercer un travail salarié à temps plein pendant la période litigieuse.

8. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la société Holl primeur et son gérant avaient été condamnés pour avoir omis de procéder, entre les mois de septembre 2010 et mars 2011, à la déclaration auprès d’un organisme de protection sociale de plusieurs salariés, dont Mme O..., ce dont il résultait que celle-ci avait été liée, au cours de cette période, par un contrat de travail à la société, la cour d’appel a violé le principe et le texte susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 mai 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. U..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Holl primeurs, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. U..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Holl primeurs, à payer à Mme O... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme O...

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR dit qu’il n’avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme K... O... et la société Holl primeurs et D’AVOIR débouté Mme K... O... de l’ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « principe de droit applicable : le contrat de travail se définit comme une convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant rémunération. Il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve. / Application du droit à l’espèce. / Madame O... soutient avoir exercé une activité salariée auprès de la Sarl Holl primeurs à compter du 6 avril 2010, en application d’un contrat verbal à durée indéterminée pour une rémunération mensuelle brute de 1 439,77 euros à raison de 40 heures par semaine, avant de voir son contrat de travail rompu verbalement le 23 janvier 2011. / Au vu des éléments versés au débat, aux termes du procès-verbal d’audition de Madame O... établi le 25 novembre 2010 par un fonctionnaire de police dans le cadre d’une enquête menée par le Gaj de Chevilly-Larue, Madame O... indiquait : " "
je ne suis pas vraiment employée, c’est du ponctuel". Elle ajoutait être en dépannage sans être déclarée, dans l’attente d’un emploi, et indiquait être payée correctement en prenant de la marchandise et en recevant des espèces
". / Madame O... produit au soutien de sa demande deux attestations postérieures datant de 2012 aux termes desquelles Madame N... indique notamment "qu’elle a vu Madame O... travailler en caisse sur le marché de Créteil au stand de légumes (
) à ses débuts au mois de mai et elle y était encore pour les fêtes de Noël 2010", et Madame G... indique que Madame O... "a commencé au printemps 2010 jusqu’à la fin de l’année ". Ces témoignages insuffisamment circonstanciés émanant de connaissances de Madame O... ne sont pas probants en l’espèce pour établir l’existence d’une relation salariée à temps plein invoquée désormais par Madame O... entre le 6 avril 2010 et le 23 janvier 2011. En particulier, ils ne remettent pas en question le fait reconnu par Madame O... que celle-ci ne venait que ponctuellement. / Par ailleurs, au vu des documents produits par l’Ags, Madame O... était inscrite au chômage et indemnisée par Pôle emploi du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010, puis du 1er janvier 2011 au 30 juin 2011. L’intéressée ne justifie pas alors avoir fait état d’un emploi, même de façon très ponctuelle auprès de cet organisme, et l’indemnisation qu’elle percevait alors excluait un travail à plein temps pendant cette période. À cet égard, l’Ags fait état de la contradiction et de l’incohérence de la demande de Madame O..., sauf à considérer qu’elle commettait alors une fraude à l’égard de Pôle emploi. L’Ags invoque aussi une tentative de fraude à son égard destinée à se faire remettre des sommes sur le fondement d’un contrat de travail à temps plein inexistant. / Il est, de plus observé que le fichier Urssaf fait état d’un emploi à temps plein de Madame O... au sein du restaurant Mc Donald Est parisien dans la période du 17 juin 2010 au 17 septembre 2010. Madame O... ne pouvait dès lors en réalité exercer comme elle le prétend désormais un emploi à temps plein chez un autre employeur pendant cette période. / Enfin, s’il est exact que le tribunal de grande instance de Créteil a condamné Monsieur X... en tant que gérant de la société Holl primeurs le 25 octobre 2011 pour travail dissimulé concernant plusieurs salariés dans la période située entre septembre 2010 et mars 2011, cette décision n’apporte pas de précision sur les circonstances d’un emploi qu’aurait exercé Madame O.... De plus, le jugement ne vise pas un travail dissimulé à compter du mois d’avril 2010. / Le jugement a été confirmé sur la culpabilité de Monsieur X... et de la société Holl primeurs par arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 décembre 2012. L’arrêt mentionne une surveillance effectuée sur le commerce et le constat entre le 13 février et le 3 mars 2011 de la présence d’employés dont plusieurs n’étaient pas enregistrés sur les fichiers. Cependant Madame O... n’est pas incluse dans ces constatations et l’intéressée elle-même ne revendique pas une relation salariée pendant cette période. / Ainsi, au vu des éléments versés au débat, s’il est exact que Madame O... a collaboré occasionnellement avec le gérant de la société Holl primeurs à des moments non précisés par l’intéressée, aucun élément n’établit qu’elle a exercé une quelconque activité salariée qui aurait débuté le 6 avril 2010. Il est par ailleurs observé, d’une part, que Madame O... avait un emploi à temps plein dans un restaurant entre le 17 juin et le 17 septembre 2010 et qu’elle percevait des allocations chômage par la suite, et ne pouvait donc exercer un travail salarié à temps plein pendant la période litigieuse. De plus, il n’est produit aucun contrat de travail, aucun bulletin de salaire, aucun élément sur des horaires de travail, ou permettant d’établir qu’à un moment ou à un autre, Madame O... se trouvait sous la subordination d’un employeur ou d’une personne déterminée. De plus, en dehors de cette collaboration occasionnelle admise par Madame O..., aucun élément n’établit que l’intéressée s’est placée ou se trouvait à la disposition de la société Holl primeurs à un moment ou un autre, que ce soit constamment, ou même partiellement. Enfin, aucun élément n’est produit sur une éventuelle rupture ou cessation de collaboration. / Ainsi, en l’état des éléments versés au débat, c’est à tort que Madame O... soutient avoir exercé une activité salariée auprès de la Sarl Holl primeurs, à compter du 6 avril 2010, pour une rémunération mensuelle brute d’un montant de 1 439, 77 euros à raison de 40 heures par semaine, avant de voir son contrat de travail faire l’objet d’une rupture verbale le 23 janvier 2011. / Il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont dit qu’il n’existait pas de contrat de travail à durée indéterminée liant Madame O... et la société Holl primeurs et ont débouté l’intéressée de l’ensemble de ses demandes. / En conséquence, en l’absence d’éléments de preuve sur une relation de travail salariée et d’une rupture d’une telle relation, le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé et les demandes de Madame O... sont rejetées » (cf., arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « selon les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1221-2 et L. 1221-3 du code du travail qui stipulent que le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter, qu’il est établi par écrit, est rédigé en français ; que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. / En l’espèce, le contrat de travail est une convention par laquelle une personne, appelée salarié, s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, appelée employeur, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération. / C’est le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail. Ce lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné. / Sur l’existence d’un contrat de travail. / En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. / Il appartient donc à Madame K... O... de faire la démonstration d’une relation de travail, cette dernière ne verse aucun contrat de travail écrit. / À l’appui de ses dires, Madame K... O... fournit au conseil des attestations de clientes. Ces attestations mentionnent des périodes et n’apportent aucun élément probant telles que la durée, la fréquence et la présence de Madame K... O... sur la période d’avril 2010 à juin 2011. / Le manque de précisions de ces attestations ne permet pas de matérialiser concrètement et précisément la relation de travail. / Madame K... O... réclame, sur la période du 6 avril 2010 au 23 janvier 2011, pour une durée de travail hebdomadaire de 40 heures au taux du Smic horaire en vigueur au 1er décembre 2011, soit 9,19 euros de l’heure équivalent à 1 439,77 euros mensuels. / Suite à la plainte pour vol, les services de police ont ouvert une enquête et auditionné Madame K... O... dans le cadre d’une procédure de travail dissimulé. / Après lecture et analyse des procès-verbaux d’auditions les éléments suivants : / Du 25 novembre 2010 (pièce 9 du demandeur), aux questions suivantes du brigadier, Madame K... O... a répondu : " - question : êtes-vous bien employée sur le marché de Créteil ? ; réponse : non je ne suis pas vraiment employée, c’est du ponctuel ; - question : vous travaillez à hauteur de ? ; -réponse : ça dépend, c’est en dépannage ; - question : vous n’êtes donc pas déclarée ? ; - réponse : non, je suis dans l’attente d’un emploi, je travaillais chez Mc Do et là je fais du dépannage ; - question : comment êtes-vous rémunérée ? ; - réponse : je suis payée correctement, on prend de la marchandise et on a des espèces. Mais je ne vais pas rentrer dans les détails ". / Il ressort de la lecture de ce procès-verbal reprenant les déclarations de Madame K... O... que celle-ci reconnaît qu’elle n’effectuait pas un travail à temps plein mais occasionnel, qu’elle ne qualifie pas elle-même de travail mais "de coup de main". Également, elle déclare être parfaitement au courant de ne pas être déclarée et récompensée en espèces ou en produits. / Du 30 novembre 2010, lors de son audition, Madame S... L... répond : " - question : le jeudi jour du vol, combien d’employés sont là avec vous et K... ? ; - réponse : K... vient dépanner, je crois qu’elle [travaille] à Mc Do ". / Cette audition ci-dessous d’une salariée démontre qu’on parle de " dépannage ", sans autre précision. / du 3 mars 2011, lors de l’audition de Monsieur B... X... : "- question : Madame K... O... ne travaille plus chez vous ? ; - réponse : non c’était du dépannage, le temps qu’elle trouve un autre jon ; - question : lorsque vous prenez des gens comme cela en dépannage ou pour vous aider, vous les rémunérez comment ? - réponse : je leur donne des produits, des caisses de fruits et légumes". / Le gérant reconnaît qu’il utilisait des personnes ponctuellement, en toute illégalité, mais que les personnes prises pour les dépannages ne pouvaient ignorer le caractère illégal de ces petits boulots et de leur rémunération. Ce système au vu des procès-verbaux d’audition et des déclarations de Madame K... O... qui semblaient arranger tout le monde et chacun était parfaitement conscient du caractère illégal de ces emplois. / Madame K... O... reconnaît que la contrepartie de son aide ponctuelle était une rémunération en caisse de fruits et légumes et en espèces mais sans préciser pour autant un revenu pour l’ensemble de la période de travail. / Ainsi, il existe une présomption forte d’une activité au bénéfice de la Sarl Holl primeurs de manière aléatoire, rémunérée de façon surprenante, mais qui semble au moment des faits arranger les parties et celles-ci ont toute conscience du caractère illégale de la chose. / Nul ne prétendre réparation de ses propres turpitudes. / Ainsi, il apparait au conseil que Madame K... O... ne peut pas à la fois se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail et demander que soit porté au passif de la liquidation de la Sarl Holl primeurs avec la garantie de l’Ags alors qu’elle était parfaitement informée et consciente au moment des faits de sa situation. / Même si les textes et la jurisprudence constante reconnaissent qu’en cas de démonstration d’un lien de travail, en l’absence de contrat écrit, il s’agit d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, il apparaît au conseil en équité que ces dispositions ne doivent pas s’appliquer quand le demandeur a participé de son plein gré à une chose qu’il savait illégale. / Le conseil dit qu’il n’y a pas d’existence légale d’un contrat de travail à durée indéterminée entre la Sarl Holl primeurs et Madame K... O.... / Il ressort, en outre des réponses de Madame K... O... au conseil "y trouver son compte afin de compléter ses revenus". / En conséquence, le conseil déboute Madame K... O... de sa demande d’existence d’un contrat de travail avec la Sarl Holl primeurs et des demandes en découlant. / Sur le travail dissimulé. / Selon l’article L. 8221-1 du code du travail, le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5, est interdit. / L’article L. 8221-3 du code du travail exposé qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations. / Et l’article L. 8221-5 du code du travail précise qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche, ou de se soustraire intentionnellement à l’obligation de délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. / En l’espèce, Madame K... O... a reconnu lors de l’audience se satisfaire aux moments des faits de cette situation qui lui permettait de s’en sortir financièrement. Bien que Madame K... O... ne puisse pas être poursuivie pour travail dissimulé, il est établi qu’elle a, de manière intentionnelle, accepté de travailler sans que les formalités requises aient été accomplies. / De plus, nul ne peut réclamer justice si le dommage qu’il subit est le produit de ses actions menées illicitement ou illégalement et du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. / En conséquence, le conseil déboute Madame K... O... de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé » (cf., jugement entrepris, p. 4 à 7) ;

ALORS QUE, de première part, les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil l’autorité absolue de la chose jugée à l’égard de tous et il n’est en conséquence pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par les juridictions pénales ; qu’il en résulte que le juge civil ne peut retenir qu’une personne et une société n’étaient pas liées par un contrat de travail, quand, par une décision définitive, une juridiction pénale statuant au fond a déclaré cette société coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié pour avoir omis de déclarer cette personne auprès d’un organisme de protection sociale ; qu’en énonçant, dès lors, pour dire qu’il n’avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme K... O... et la société Holl primeurs et pour débouter, en conséquence, Mme K... O... de l’ensemble de ses demandes, que s’il était exact que le tribunal correctionnel de Créteil avait condamné M. B... X... en tant que gérant de la société Holl primeurs le 25 octobre 2011 pour travail dissimulé concernant plusieurs salariés pendant la période s’étant écoulée entre le mois de septembre 2010 et le mois de mars 2011, cette décision n’apportait pas de précision sur les circonstances d’un emploi qu’aurait exercé Mme K... O..., que ce jugement ne visait pas un travail dissimulé à compter du mois d’avril 2010, que ce même jugement avait été confirmé sur la culpabilité de M. B... X... et de la société Holl primeurs par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 18 décembre 2012, que cet arrêt mentionnait une surveillance effectuée sur le commerce et le constat, entre le 13 février et le 3 mars 2011, de la présence d’employés dont plusieurs n’étaient pas enregistrés sur les fichiers, que Mme K... O... n’était pas incluse dans ces constatations et que l’intéressée elle-même ne revendiquait pas une relation salariée pendant cette période, quand, par son arrêt devenu définitif en date du 18 décembre 2012, la cour d’appel de Paris avait confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Créteil en date du 25 octobre 2011, en ce qu’il avait déclaré la société Holl primeurs et son gérant, M. B... X..., coupables du délit de dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, pour avoir, notamment, omis de déclarer Mme K... O... auprès d’un organisme de protection sociale, entre le mois de septembre 2010 et le mois de mars 2011, soit pendant une partie de la période du 6 avril 2010 au 23 janvier 2011, au cours de laquelle Mme K... O... prétendait avoir été liée à la société Holl primeurs par un contrat de travail, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1351 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenues les dispositions de 1355 du code civil, le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action portée devant la juridiction civile et les dispositions de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS QUE, de deuxième part, en matière prud’homale, où la preuve est libre, les juges du fond peuvent s’estimer pleinement convaincus par un aveu extra-judiciaire ; qu’en disant, dès lors, qu’il n’avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme K... O... et la société Holl primeurs et en déboutant, en conséquence, Mme K... O... de l’ensemble de ses demandes, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par Mme K... O..., si M. B... X..., gérant de la société Holl primeurs, n’avait pas reconnu, lors d’une audition en date du 28 mars 2011, avoir employé Mme K... O..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS QUE, de troisième part, le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination, moyennant le paiement d’une rémunération ; que, d’autre part, à défaut d’écrit, le contrat de travail est réputé conclu pour une durée déterminée et est présumé à temps plein ; qu’en disant, dès lors, qu’il n’avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme K... O... et la société Holl primeurs et en déboutant, en conséquence, Mme K... O... de l’ensemble de ses demandes, quand il résultait de ses propres constatations que Mme K... O... avait travaillé au service de la société Holl primeurs et s’était trouvée à sa disposition de manière occasionnelle, sans avoir conclu un contrat écrit, ce dont il découlait, peu important que Mme K... O... eût été inscrite au chômage et indemnisée par Pôle emploi du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, sans faire état d’un quelconque emploi, même très ponctuel, auprès de cet organisme, et eût occupé un emploi à temps plein au service de la société Mc Donald du 17 juin au 17 septembre 2010, qu’il avait existé un contrat de travail entre Mme K... O... et la société Holl primeurs, qui était réputé avoir été conclu pour une durée déterminée et qui était présumé à temps plein, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1242-12 et L. 3123-14 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, de quatrième part, en cas de travail dissimulé, le fait que le salarié a, de manière intentionnelle, accepté de travailler sans que les formalités requises aient été accomplies est sans incidence sur l’existence d’un contrat de travail entre le salarié et l’employeur ; qu’en énonçant, par conséquent, par motifs adoptés des premiers juges, pour dire qu’il n’avait pas existé de contrat de travail à durée indéterminée entre Mme K... O... et la société Holl primeurs et pour débouter, en conséquence, Mme K... O... de l’ensemble de ses demandes, que Mme K... O... était parfaitement informée et consciente au moment des faits du caractère dissimulé de son travail et avait participé de son plein gré à une chose qu’elle savait illégale, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants et a violé les dispositions de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS QUE, de cinquième part, en cas de travail dissimulé, le fait que le salarié a, de manière intentionnelle, accepté de travailler sans que les formalités requises aient été accomplies ne prive pas le salarié de son droit à une indemnité pour travail dissimulé ; qu’en énonçant, par conséquent, par motifs adoptés des premiers juges, pour débouter Mme K... O... de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, que Mme K... O... avait, de manière intentionnelle, accepté de travailler sans que les formalités requises aient été accomplies, que nul ne pouvait réclamer justice si le dommage qu’il subissait était le produit de ses actions menées illicitement ou illégalement et que nul ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants et a violé les dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2020:SO01160