Contribution spéciale - entraide non

CAA de MARSEILLE

N° 18MA01684

Inédit au recueil Lebon

7ème chambre

M. POCHERON, président

Mme Jacqueline MARCHESSAUX, rapporteur

M. CHANON, rapporteur public

SCP D’AVOCATS DLJ ASSOCIES, avocat(s)

lecture du vendredi 21 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société DG Délice de Gambetta a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler la décision du 15 octobre 2015 par laquelle l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l’article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que la décision du 16 février 2016 de l’OFII portant rejet de son recours gracieux, les titres exécutoires émis à son encontre le 23 octobre 2015 et la décision implicite par laquelle la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon a rejeté son recours gracieux formé à l’encontre de ces titres exécutoires.

Par un jugement n° 1601947 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2018, sous le n° 18MA01684, la société DG Délice de Gambetta, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2018 ;

2°) d’annuler les décisions des 15 octobre 2015 et 16 février 2016 du directeur général de l’OFII, les deux titres exécutoires émis le 23 octobre 2015 et la décision implicite de rejet de la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon ;

3°) de la décharger du paiement des sommes de 17 600 euros et de 2 124 euros ;

4°) de mettre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration la somme de 3 000 euros en application de l’article l. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S’agissant des décisions des 15 octobre 2015 et 16 février 2016 :

 elles sont entachées d’un défaut de motivation ;

 aucune relation de travail ne peut être caractérisée du fait de l’absence de lien de subordination et de rémunération ;

S’agissant des titres exécutoires émis le 23 octobre 2015 et de la décision implicite de rejet de la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon :

 ils sont illégaux en raison de l’illégalité des décisions des 15 octobre 2015 et 16 février 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2018, la direction départementale des finances publiques de l’Hérault conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’il appartient à l’OFII, en sa qualité d’ordonnateur, de se prononcer sur les moyens soulevés par la société DG Délice de Gambetta.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société DG Délice de Gambetta la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société DG Délice de Gambetta ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 le code des relations entre le public et l’administration ;

 le code du travail ;

 la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

 le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 le rapport de Mme F...,

 et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société DG Délice de Gambetta relève appel du jugement du 13 février 2018 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 15 octobre 2015 par laquelle le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a mis à sa charge la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l’article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que de la décision du 16 février 2016 portant rejet de son recours gracieux, des deux titres exécutoires émis à son encontre le 23 octobre 2015 et de la décision implicite de rejet de la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon.

Sur la légalité des décisions des 15 octobre 2015 et 16 février 2016 :

2. Aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : “ Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / - infligent une sanction (...) “. Aux termes de l’article 3 de cette même loi : “ La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision “.

3. La décision contestée du 15 décembre 2015 mentionne les textes applicables du code du travail et du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la date des faits litigieux, précise le nom de l’étranger à l’origine de l’application de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire ainsi que le montant des sommes dues par référence au procès-verbal d’infraction établi le 30 juillet 2015. La circonstance que l’OFII n’ait pas précisé la nature du travail fourni n’est pas de nature à établir que cette décision serait insuffisamment motivée. Par ailleurs la société DG Délice de Gambetta ne peut utilement invoquer les vices propres dont serait entachée la décision du 16 février 2016 de rejet de son recours gracieux dirigé contre la décision initiale. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 8251-1 du code du travail : “ Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France (...) “. Aux termes de l’article L. 8253-1 du code précité, dans sa rédaction applicable à la date des manquements relevés à l’encontre de la société DG Délice de Gambetta : “ Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d’infractions ou en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l’article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) “.

5. Il appartient au juge administratif, saisi d’un recours contre une décision mettant à la charge d’un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l’article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu celles de l’article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l’employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d’en diminuer le montant jusqu’au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d’en décharger l’employeur.

6. Par ailleurs, l’emploi d’un travailleur étranger suppose l’existence d’un travail subordonné, lequel est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements. Un tel emploi ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni, le cas échéant, de la dénomination qu’elles auraient pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur étranger.

7. Il résulte de l’instruction et notamment des énonciations du procès-verbal établi le 30 juillet 2015 dont les mentions font foi jusqu’à preuve du contraire que les services de police ont constaté la présence en action de travail, au sein de l’établissement dénommé “ Délice de Gambetta “, de M. B..., de nationalité algérienne et démuni d’un titre l’autorisant à travailler en France, celui-ci étant en train de mettre en place la terrasse du restaurant. Ce dernier a déclaré aux services de police que, lorsqu’il dormait au snack, dès le matin, il installait les tables et les chaises et que M. D..., gérant du restaurant, lui donnait des ordres. Par ailleurs, M. D... a reconnu qu’en échange d’un coup de main, il proposait à M. B... des cafés gratuits et a confirmé ses déclarations. La circonstance que M. B... soit un client habituel de l’établissement est sans incidence. Ces éléments suffisent à établir que M. B... exerçait une activité professionnelle dans des conditions traduisant l’existence, à l’égard de la société DG Délice de Gambetta, d’un lien de subordination de nature à caractériser une relation de travail. Par suite, l’OFII a pu légalement considérer que la société DG Délice de Gambetta était l’employeur de cette personne et mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-l du code du travail, ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur la légalité des titres exécutoires émis le 23 octobre 2015 et la décision implicite de rejet de la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon :

8. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 7, la société DG Délice de Gambetta n’est pas fondée à invoquer par voie d’exception, contre les titres et la décision contestés, l’illégalité des décisions des 15 octobre 2015 et 16 février 2016 de l’OFII.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société DG Délice de Gambetta n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions des 15 octobre 2015 et 16 février 2016 du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, des titres exécutoires émis le 23 octobre 2015 et de la décision implicite de rejet de la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société DG Délice de Gambetta demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société DG Délice de Gambetta la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société DG Délice de Gambetta est rejetée.

Article 2 : La société DG Délice de Gambetta versera à l’Office français de l’immigration et de l’intégration une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DG Délice de Gambetta, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et à la direction régionale des finances publiques de la région Languedoc-Roussillon.

Délibéré après l’audience du 7 février 2020, où siégeaient :

 M. Pocheron, président de chambre,

 M. Guidal, président assesseur,

 Mme F..., première conseillère.