Accident du travail

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 décembre 2012

N° de pourvoi : 11-22577

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Lacabarats (président), président

SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Constate le désistement total de Mme X... ;

Sur le moyen unique, lequel est recevable s’agissant d’un moyen d’ordre public :

Vu les articles L. 8221-1 et L. 8222-2 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que Thomas Y... a été victime d’un accident mortel à la suite d’une chute alors qu’il procédait à des travaux de peinture d’un pylône appartenant à la société Télédiffusion de France qui avait confié ces travaux à la société Camusat, laquelle les avait sous-traités à la société Aprim qui elle-même les avait confiés à M. Z... ; que par jugement en date du 23 septembre 2009, le tribunal correctionnel du Havre a notamment reconnu M. Z... et le représentant légal de la société Aprim coupables du délit de travail dissimulé, le premier pour être l’auteur du travail dissimulé et le second pour avoir eu recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé ; que les ayants droit de Thomas Y... ont attrait devant la juridiction prud’homale M. Z..., les sociétés Télédiffusion de France et Camusat, afin de voir notamment constater l’existence d’un contrat de travail, une situation de co-emploi, la dissimulation d’emploi et condamner solidairement les défendeurs au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts notamment pour rupture abusive ;

Attendu que pour rejeter les demandes formées contre les sociétés Camusat et Télédiffusion de France, l’arrêt écarte leur qualité de co-employeur ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, comme il était prétendu, lesdites sociétés avaient sciemment contracté avec une entreprise ayant recours à du travail dissimulé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes formées contre les sociétés Camusat et Télédiffusion de France, l’arrêt rendu le 7 juin 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen, autrement composée ;

Condamne les sociétés Camusat et Télédiffusion de France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Camusat et Télédiffusion de France à payer aux consorts Y... la somme globale de 2 500 euros et rejette leurs demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu’il avait condamné solidairement les sociétés CAMUSAT et TDF à payer à Madame Michèle A..., et à Messieurs Jean-Pierre Y..., Cédric Y... et Vincent B... les sommes de 8 632,99 euros brut pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail, de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail de Monsieur Thomas Y..., sur le fondement de l’article L. 1235-5 du Code du travail, de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la non déclaration d’accident du travail à la caisse primaire d’assurance maladie, de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par l’absence de déclaration et de cotisation aux régimes général et complémentaire de retraite et de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU’« il résulte du rapport de l’inspection du travail du 19 octobre 2005, que M. Z..., après avoir été gérant de la société CARLOS, spécialisée dans le travail acrobatique jusqu’à sa radiation le 23 septembre 2002, est devenu travailleur indépendant pour la réalisation de mêmes travaux, que deux personnes, MM. C... et Y..., réalisaient une prestation pour son compte sur le site de Thiergeville (rénovation d’un pylône) pour laquelle M. C... était rémunéré 200 € par jour et M Y..., 190 €, cette rémunération étant fixée par M. Z... et les intéressés rendant compte à celui-ci de l’avancement du chantier. Le lien de subordination à son égard est ainsi établi. M. Z... avait donc la qualité d’employeur de M. Y.... En revanche, il ne résulte d’aucun élément l’existence d’un lien de subordination de M. Y... à l’égard des sociétés CAMUSAT et TDF. Sur la rupture du contrat de travail : Selon le même rapport d’inspection du travail, M. Z... a méconnu les dispositions du code du travail relatives aux travaux temporaires en hauteur, M. Y... n’étant pas équipé d’un harnais relié aux cordes de sécurité de travail. Par jugement du tribunal de grande instance du Havre du 23 septembre 2009, M. Z... a été reconnu coupable d’infractions à la réglementation générale sur l’hygiène et la sécurité du travail. Il s’ensuit que le décès de M. Y..., cause de la rupture du contrat de travail, ne résulte pas d’un cas de force majeure, mais d’un manquement manifeste de son employeur aux règles de sécurité. La rupture s’analyse donc en un licenciement sans cause sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point et en ce qu’il a accordé 8 500 € à titre de dommages et intérêts de ce chef. Sur le travail dissimulé : En ne procédant à aucune déclaration préalable à l’embauche, M. Z... s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement des formalités légales. Il a d’ailleurs été déclaré coupable de délit de travail dissimulé par le jugement précité. Le conseil de prud’hommes a accordé à juste titre aux consorts Y... une indemnité pour travail dissimulé de 8 632,99 €. Sur les préjudices résultant de la non déclaration de l’embauche de M. Y... aux caisses de retraite et la non déclaration de l’accident du travail. La cour fait sienne l’analyse complète des premiers juges et les montants des dommages-intérêts accordés sauf en ce qu’ils ont retenu la responsabilité solidaire des sociétés CAMUSAT et TDF qui n’étaient pas employeurs ou co-employeurs de M. Y... » ;

ALORS QUE les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage qui recourent sciemment aux services de celui qui exerce directement ou par personne interposée un travail dissimulé sont tenus solidairement avec celui qui est condamné pour délit de travail dissimulé au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par ce dernier à raison de l’emploi du salarié non déclaré ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a relevé que Monsieur Z... avait été déclaré coupable de délit de travail dissimulé par jugement du Tribunal correctionnel du Havre du 23 septembre 2009 du fait de l’emploi non déclaré de Monsieur Y... ; qu’il était constant que la société TDF était maître d’ouvrage du pylône que Monsieur Y... était chargé de repeindre et avait eu recours à la société CAMUSAT à cet effet, celle-ci ayant eu à son tour recours, avec la Société APRIM, avec laquelle elle allait ultérieurement fusionner, aux services de Monsieur Z... ; que les ayant-droits de Monsieur Y... sollicitaient la condamnation solidaire de l’ensemble des intervenants dès lors qu’ils n’ignoraient pas le recours au travail dissimulé de Monsieur Y..., ainsi qu’il résultait du rapport de l’inspecteur du travail du 19 octobre 2005 (v. concl. p. 12) ; qu’en se bornant à relever qu’aucun lien de subordination n’était établi à l’égard des sociétés TDF et CAMUSAT, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société TDF, en qualité de maître d’ouvrage, et la société CAMUSAT, en qualité de donneur d’ordre, n’avaient pas eu recours aux services de Monsieur Z... en sachant qu’il se livrait à un travail dissimulé, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du Code du travail ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen , du 7 juin 2011