Co emploi non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 31 octobre 2013

N° de pourvoi : 12-16785

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01813

Non publié au bulletin

Cassation

M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 11 décembre 2005 à temps partiel par la société Le Phocéen suivant contrat stipulant qu’elle pouvait travailler également dans le magasin La Provence et dans celui de la société Le Massilia, dirigés par la même personne que la société Le Phocéen, a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de la société Le Massilia au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires, de congés payés, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnités de rupture et d’indemnité pour travail dissimulé ;

Attendu que pour accueillir les demandes de la salariée, l’arrêt retient qu’elle a travaillé au profit de la société Le Massilia sans être déclarée par celle-ci et sans rémunération de la société Le Phocéen ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans constater que la société Le Massilia avait le pouvoir de donner à Mme X... des ordres et des directives relatives à l’exercice de son travail, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements et sans caractériser une situation de co-emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 décembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Le Massilia

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société LE MASSILIA à verser à Madame X... les sommes de 1 155,81 ¿ à titre de rappel de salaire, de 540,03 ¿ à titre de congés payés du 1er avril 2006 au 30 avril 2007, de 1 300 ¿ à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure, de 1 300 ¿ à titre d’indemnité de préavis, de 2 600 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 4 797,48 ¿ à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

Aux motifs que la dissimulation d’un salarié consiste à employer du personnel en n’effectuant pas les obligations qui découlent de cet emploi ; qu’ainsi, le chef d’entreprise ne verse pas les cotisations et contributions dues aux organismes chargés d’un régime de protection sociale ainsi qu’aux caisses de congés payés ; que la SARL LE MASSILIA prétend que Madame Alexandra X... n’a effectué que quelques heures dans son établissement et que ces heures ont été rémunérées par la SARL LE PHOCEEN ; qu’or, le seul planning établi pour avril 2007 (pièce produite par l’appelante) fait déjà apparaître 18 heures de travail au profit de la SARL LE PHOCEEN et 60 heures au profit de la SARL LE MASSILIA ; que celui de juillet 2007 indique 130 heures au profit de Monsieur Y... (enseigne LA PROVENCE) et 21 heures au profit de la SARL LE MASSILIA ; que les bulletins de paie établis par la SARL LE PHOCEEN pour ces périodes (pièces produites par l’appelante) ne font mention du paiement de ces heures ; qu’au vu de ces éléments, la Cour considère, comme l’ont fait les premiers juges, que Madame Alexandra X... était liée à la SARL LE MASSILIA par une relation de travail dissimulé et que toutes les conséquences juridiques doivent en être tirées au moment de la rupture ; qu’il convient de confirmer le jugement entrepris et d’y ajouter la condamnation de la SARL LE MASSILIA à payer à Madame Alexandra X... une indemnité limitée à 2 977,20 ¿ (8,27 ¿ x 60 heures x 6 mois) ;

Et aux motifs adoptés que Madame Alexandra X... était sans contrat écrit alors qu’elle travaillait pour le magasin LE MASSILIA ayant pour gérant Monsieur François Y... ; que les salaires versés à la salariée ont été calculés aux taux de 6,50 ¿ au lieu de 8,27 ¿ ; que Madame Alexandra X... travaillait sans être déclarée ; qu’aucune fiche de paie au nom du magasin LE MASSILIA ne lui a été remise ; qu’elle a été licenciée sans préavis ; que la procédure de licenciement n’a pas été respectée ; que le licenciement de Madame X... est sans cause réelle et sérieuse ; que la salariée n’a aucune lettre concernant son licenciement ; que les heures n’étaient pas rémunérées à leur juste valeur ; que Madame Alexandra X... a subi des pressions et des humiliations devant collègues et clients, alors qu’elle prenait ses fonctions ; qu’aucune raison ne justifie ce licenciement ;

ALORS QUE le lien de subordination, élément essentiel du contrat de travail, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la cour d’appel qui, pour juger que Madame X... était salariée de la société LE MASSILIA, s’est bornée à relever que « Madame Alexandra X... était sans contrat écrit alors qu’elle travaillait pour le magasin LE MASSILIA », qu’elle « travaillait sans être déclarée » que « le planning établi pour avril 2007 (pièce produite par l’appelante) fait déjà apparaître (¿) 60 heures au profit de la SARL LE MASSILIA, que celui de juillet 2007 indique 21 heures au profit de la SARL LE MASSILIA » et que « Madame Alexandra X... était liée à la SARL MASSILIA par une relation de travail dissimulé », sans cependant constater l’existence d’un lien de subordination entre Madame X... et cette société, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 1221-1 du Code du travail.

Second moyen de cassation (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que la dissimulation de salaires était caractérisée et d’avoir, en conséquence, condamné la société LE MASSILIA à payer à Madame Alexandra X... la somme de 4797,48 ¿ à titre d’indemnité pour dissimulation de salaires ;

Aux motifs que la dissimulation d’un salarié consiste à employer du personnel en n’effectuant pas les obligations qui découlent de cet emploi ;

qu’ainsi, le chef d’entreprise ne verse pas les cotisations et contributions dues aux organismes chargés d’un régime de protection sociale ainsi qu’aux caisses de congés payés ; que la SARL LE MASSILIA prétend que Madame Alexandra X... n’a effectué que quelques heures dans son établissement et que ces heures ont été rémunérées par la SARL LE PHOCEEN ; qu’or, le seul planning établi pour avril 2007 (pièce produite par l’appelante) fait déjà apparaître 18 heures de travail au profit de la SARL LE PHOCEEN et 60 heures au profit de la SARL LE MASSILIA ; que celui de juillet 2007 indique 130 heures au profit de Monsieur Y... (enseigne LA PROVENCE) et 21 heures au profit de la SARL LE MASSILIA ; que les bulletins de paie établis par la SARL LE PHOCEEN pour ces périodes (pièces produites par l’appelante) ne font mention du paiement de ces heures ; qu’au vu de ces éléments, la Cour considère, comme l’ont fait les premiers juges, que Madame Alexandra X... était liée à la SARL LE MASSILIA par une relation de travail dissimulé et que toutes les conséquences juridiques doivent en être tirées au moment de la rupture ;

qu’il convient de confirmer le jugement entrepris et d’y ajouter la condamnation de la SARL LE MASSILIA à payer à Madame Alexandra X... une indemnité limitée à 2 977,20 ¿ (8,27 ¿ x 60 heures x 6 mois) ;

ALORS D’UNE PART QU’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ; qu’en se bornant à relever d’une part, que « le planning établi pour avril 2007 (pièce produite par l’appelante) fait déjà apparaître (¿) 60 heures au profit de la SARL LE MASSILIA et celui de juillet 2007 indique (¿) 21 heures au profit de la SARL LE MASSILIA », d’autre part, que « les bulletins de paie établis par la SARL LE PHOCEEN pour ces périodes (pièces produites par l’appelante) ne font mention du paiement de ces heures » pour juger que « Madame Alexandra X... était liée à la SARL LE MASSILIA par une relation de travail dissimulé », sans cependant caractériser l’élément intentionnel du travail dissimulé, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 8221-5 du Code du travail ;

ET ALORS D’AUTRE PART QU’en retenant, dans ses motifs, que la Société LE MASSILIA devait être condamnée au paiement de la somme de 2.977,20 euros et en la condamnant néanmoins, dans le dispositif de son arrêt, au paiement de la somme de 4.797,48 euros, la Cour d’appel a entaché sa décision de contradiction entre les motifs et le dispositif, violant ainsi l’article 455 du Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Basse-Terre , du 5 décembre 2011