Conducteur de travaux

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 20 janvier 2009

N° de pourvoi : 08-83933

Non publié au bulletin

Rejet

M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Vuitton et Ortscheidt, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

"-" G... Théodore,

"-" Y...Stéphanie, épouse Z... ,

contre l’arrêt de la cour d’appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 12 février 2008, qui, pour travail dissimulé et complicité, a condamné le premier, à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d’amende, la seconde, à deux mois d’emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d’amende et a ordonné une mesure de publication ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que l’EURL Technic facade, dont Stéphanie Y...est la gérante et son époux A... Z...salarié, est intervenue sur le chantier de la rénovation de l’appartement de ce dernier ; que lors d’un contrôle, l’inspecteur du travail a relevé la présence de quatre salariés dont deux n’avaient pas fait l’objet de déclaration préalable à l’embauche ; qu’à la suite de ces faits les demandeurs ont été cités directement devant le tribunal correctionnel, Stéphanie Y...pour travail dissimulé, et Théodore Z...pour complicité de ce délit ; qu’ils ont été reconnus coupables et ont interjeté appel ainsi que le ministère public ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 320, L. 324-10 et L. 362-3 du code du travail, devenus les articles L. 1221-10, L. 1221-11, L. 1221-12, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8224-1 et L. 8224-2 du code du travail, 121-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Stéphanie Y..., épouse Z..., en sa qualité de gérante de l’EURL Technic façade, coupable d’exécution d’un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié et a statué sur l’action publique ;

” aux motifs adoptés que Stéphanie Y..., gérante de l’EURL Technic façade, n’a pas procédé aux déclarations préalables d’embauche de Christian B...et Pascal C... ; que Stéphanie Y...prétend ne pas avoir eu connaissance de la présence de ces personnes sur le chantier situé ... ; que cependant, il s’agissait de sa future résidence, que le maître d’ouvrage et propriétaire était son mari, que Théodore Z..., salarié de la SARL Technic façade, s’occupant de la gestion et de l’approvisionnement des chantiers, notamment des ouvriers, ne pouvait ignorer la présence de salariés non déclarés sur le chantier ; que de plus, la facture fournie par Stéphanie Y...ne présente qu’une somme totale sans aucun détail, notamment quant à la main-d’oeuvre facturée ; que dès lors, Stéphanie Y...a procédé à l’exécution d’un travail dissimulé ;

” et aux motifs propres que Stéphanie Z...ne saurait sérieusement prétendre qu’elle ne connaissait pas les deux personnes qui, le jour du contrôle, travaillaient sans avoir été préalablement déclarées aux organismes sociaux, en compagnie de deux salariés de l’EURL Technic façade dont elle est la gérante, sur le chantier de réhabilitation de l’appartement qu’elle devait prochainement occuper, à titre de résidence principale, avec son mari, Théodore Z... ; que, d’une part, le premier de ces travailleurs clandestins, Christian B...avait, selon les déclarations de Théodore Z...à la contrôleuse du travail, bénéficié, avant le contrôle effectué par celle-ci le 18 février 2005, en échange de son « coup de main » sur ce chantier, du prêt à titre gratuit d’une camionnette de l’EURL Technic façade et devait ensuite à nouveau bénéficier de ce même « service » comme l’a précisé le prévenu à un officier de police judiciaire le 12 juillet 2005 ; que, d’autre part, le second de ces travailleurs clandestins a finalement était identifié comme étant Pascal C..., lequel n’est autre que le frère de l’épouse du beau-frère de Stéphanie Y..., épouse Z... ;

” 1°) alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié nécessite que soit caractérisée l’existence d’un contrat de travail et des éléments permettant d’en retenir l’existence ; que doivent être établies la prestation de travail, la rémunération et la subordination juridique du salarié au prévenu ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui, par motifs propres ou adoptés, n’a pas caractérisé le lien de subordination entre Stéphanie Z...et Pascal Guillaume et Christian B..., n’a pas légalement justifié sa décision ;

” 2°) alors que l’infraction du travail dissimulé par dissimulation d’emploi n’est caractérisée que si l’employeur a eu l’intention de la commettre ; qu’en s’abstenant de constater que Stéphanie Z..., absente de son domicile le jour du contrôle de l’inspection du travail, avait connaissance de la présence le 18 février 2005 de Pascal Guillaume et Christian B...sur le chantier et, a fortiori, avait intentionnellement omis de procéder à l’accomplissement des formalités déclaratives à l’embauche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale “ ;

Attendu que, pour confirmer la culpabilité de Stéphanie Y..., l’arrêt retient notamment qu’en sa qualité de gérante, elle ne pouvait ignorer la présence de ces ouvriers sur le chantier de réhabilitation de l’appartement qu’elle devait occuper et que les heures de travail exécutées par ces personnes ont été facturées ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations d’où il se déduit que Stéphanie Y..., gérante de l’EURL, a employé deux personnes dans des conditions établissant l’existence d’un lien de subordination, et dès lors que la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 320, L. 324-10 et L. 362-3 du code du travail, devenus les articles L. 1221-10, L. 1221-11, L. 1221-12, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8224-1 et L. 8224-2 du code du travail, 121-3, 121-6, 121-7 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Théodore Z...coupable du délit de complicité d’exécution d’un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié commis par Stéphanie Z..., en qualité de gérante de la société Technic façade, et a statué sur l’action publique ;

” aux motifs adoptés que le 18 février 2005, Théodore Z...procède à la réhabilitation de son appartement situé ..., avant emménagement ; qu’il a fait appel à la SARL Technic façade pour la réalisation des travaux, dont la gérante est Stéphanie Y..., son épouse, et dont il est lui-même le salarié ; que Mme D..., contrôleur du travail, sur place, constate la présence, outre de trois salariés de la SARL, celle de Christian B...et Pascal C... ; que tous deux prétendent être des amis de Théodore Z... ; qu’il a été procédé à la réparation de l’appartement sans que la SARL n’ait procédé aux déclarations aux organismes de protection sociale de Christian B...et Pascal C... ; que les travaux ainsi réalisés ont été facturés par la SARL et réglés par Théodore Z..., qu’il s’agit donc bien d’une activité à but lucratif ; que lors de son audition par les services de police, Théodore Z...dit n’avoir voulu commettre aucune infraction, qu’il justifie la présence de trois de ses collègues par le mauvais temps, qu’il explique que Christian B...et Pascal C...sont des amis, qu’il ne les a pas rémunérés ; qu’ils sont venus lui rendre un service en échange d’un autre, à savoir le prêt d’une camionnette ; que le prêt d’une camionnette constitue un avantage en nature, que Christian B...et Pascal C...ont participé à la réalisation des travaux accomplis et facturés par la SARL Technic façade, de sorte que Théodore Z...ne saurait prétendre n’avoir rien dissimulé ; que Théodore Z...s’est, en connaissance de cause, rendu complice du délit d’exécution d’un travail dissimulé commis par son épouse puisque, étant employé en qualité de conducteur de travaux par l’EURL Technic façade, c’est lui qui, le 18 février 2005, avait organisé sur le chantier précité le travail de Christian B...et Pascal C..., indiquant à la contrôleuse du travail que pour Christian B..., qu’il s’agissait plutôt d’un échange de services (prêt d’une camionnette par exemple comme cela s’est produit dernièrement) ;

” et aux motifs propres que Stéphanie Y..., épouse Z..., ne saurait sérieusement prétendre qu’elle ne connaissait pas les deux personnes qui, le jour du contrôle, travaillaient sans avoir été préalablement déclarées aux organismes sociaux, en compagnie de deux salariés de l’EURL Technic façade dont elle est la gérante, sur le chantier de réhabilitation de l’appartement qu’elle devait prochainement occuper, à titre de résidence principale, avec son mari, Théodore Z... ; que, d’une part, le premier de ces travailleurs clandestins, Christian B...avait, selon les déclarations de Théodore Z...à la contrôleuse du travail, bénéficié, avant le contrôle effectué par celle-ci le 18 février 2005, en échange de son « coup de main » sur ce chantier, du prêt à titre gratuit d’une camionnette de l’EURL Technic façade et devait ensuite à nouveau bénéficier de ce même « service » comme l’a précisé le prévenu à un officier de police judiciaire le 12 juillet 2005 ; que, d’autre part, le second de ces travailleurs clandestins a finalement était identifié comme étant Pascal C..., lequel n’est autre que le frère de l’épouse du beau-frère de Stéphanie Y..., épouse Z... ; qu’en outre, Pascal C...a tenté, le jour du contrôle de se faire passer auprès de la contrôleuse du travail pour Pepito Z..., frère de Théodore Z...et que celui-ci, sur le chantier, a accrédité ce mensonge en déclarant à la contrôleuse du travail que cette personne était son frère et en indiquant faussement que cette dernière était née le « 29 avril 1969 » ;

” 1°) alors que l’infraction de complicité n’existe que s’il existe une infraction principale punissable ; qu’en l’espèce, la cassation à venir sur le chef du dispositif ayant déclaré Stéphanie Z...coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, infraction principale, entraînera la cassation sur le chef du dispositif ayant déclaré Théodore Z...complice de cette infraction ;

” 2°) alors que se rend coupable de complicité du délit d’exécution d’un travail dissimulé celui qui, en qualité de gérant de fait d’une société et en toute connaissance de cause, emploie des salariés sans avoir procédé à la déclaration préalable d’embauche ; qu’en attribuant à Stéphanie Z...la qualité de gérant de fait de la société Technic façade, sans constater l’accomplissement, en toute indépendance, par ce dernier d’actes de gestion et de direction au sein de cette société, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

” 3°) alors que ne constitue un avantage en nature que la mise à disposition permanente par une entreprise, au profit de certains de ses salariés, d’un véhicule automobile dont elle assure entièrement les charges, ce qui a pour résultat de leur permettre de faire l’économie de frais de transport qu’ils devraient normalement assumer pour se rendre le matin de leur domicile au lieu de leur travail et, le soir, pour en revenir ; qu’en l’espèce, la mise à disposition à Christian B...et Pascal C...de la camionnette litigieuse par Théodore Z...étant occasionnelle, il ne s’agissait pas d’un avantage en nature ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen “ ;

Attendu que, pour retenir Théodore Z...dans les liens de la prévention, l’arrêt par motifs propres et adoptés relève que ce dernier, dont le titre était celui de conducteur de travaux, s’occupait au sein de l’EURL Technic façade de la gestion et de l’approvisionnement des chantiers, notamment des ouvriers, et que c’est lui qui avait seul organisé celui sur lequel la présence des deux travailleurs dissimulés a été relevée ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs qui caractérisent sa participation à l’infraction en qualité de complice, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Palisse conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Reims du 12 février 2008