Immixion dans la gestion

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 1 juillet 1997

N° de pourvoi : 96-84225

Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Guerder, conseiller le plus ancien faisant fonction., président

Rapporteur : M. Desportes., conseiller apporteur

Avocat général : M. de Gouttes., avocat général

Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET sur le pourvoi formé par C... Georgette, épouse X..., contre l’arrêt de la cour d’appel d’Agen, chambre correctionnelle, en date du 21 août 1996, qui, pour complicité de travail clandestin, l’a condamnée à 50 jours-amende de 200 francs et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu le mémoire ampliatif et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal (ancien), 121-7 du nouveau Code pénal, L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale :

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Georgette X... coupable de complicité du délit d’exercice de travail clandestin reproché à Georges Z... ;

” aux motifs que Georgette X... a personnellement participé à la gestion de la SARL Eurodélices alors qu’elle connaissait son absence d’existence légale ;

” alors, d’une part, que la seule participation de Georgette X... au travail de production ou à l’embauche de salariés n’impliquait pas qu’elle connaissait l’absence d’existence légale de la société ; qu’elle avait fait valoir que, au contraire, elle avait été trompée par Georges Z... qui, grâce à la caution morale de son conseil en gestion, Patricia A..., lui avait fait croire en sa régularité ; qu’elle n’avait accepté de participer à cette société que dans l’espoir de récupérer sa créance, et que, dès qu’elle s’était aperçue des agissements frauduleux de Georges Z..., notamment à l’égard de ses salariés, elle avait mis fin à leurs relations ; qu’en statuant ainsi, sans répondre à ces chefs déterminants des conclusions de Georgette X... et sans indiquer les éléments dont elle déduisait l’élément intentionnel de l’infraction, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;

” et alors, d’autre part, que, d’après les propres constatations de l’arrêt attaqué, Georgette X... a consenti des avances aux salariés lorsqu’elle s’est aperçue qu’ils n’étaient pas payés, ce qui implique sa bonne foi et son ignorance de leur situation irrégulière ; qu’en retenant, néanmoins, qu’elle connaissait l’absence d’existence légale de la société la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations “ ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société Eurodélices, ayant pour objet la commercialisation de produits régionaux et de plats cuisinés, a exercé son activité durant plusieurs mois sans qu’ait été accomplie l’une quelconque des obligations prévues par l’article L. 324-10 du Code du travail ; que le gérant de fait de la société ainsi que, notamment, Georgette X..., artisan conserveur qui avait accepté d’acquérir des parts sociales de celle-ci, ont été poursuivis, le premier, pour travail clandestin, et la seconde, pour complicité de ce délit ; qu’ils ont été condamnés de ces chefs par le tribunal correctionnel ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de Georgette X..., les juges du second degré, après avoir exposé l’argumentation de celle-ci, énoncent qu’elle a “ personnellement participé à la gestion de la société Eurodélices alors qu’elle connaissait son absence d’existence légale “ ; que, caractérisant son implication dans la gestion, ils relèvent qu’elle a eu “ un rôle d’intermédiaire dans l’embauche “ des salariés et qu’elle a consenti des “ avances “ à certains d’entre eux qui n’étaient pas payés ; qu’ils ajoutent que la prévenue était seule responsable de l’activité de production, assurée dans un local et à l’aide d’un matériel lui appartenant ; qu’ils précisent encore qu’elle avait donné l’adresse de ses propres fournisseurs à la société Eurodélices ;

Attendu que, par ces motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, la cour d’appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, la complicité de travail clandestin reprochée à Georgette X... et ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 131-5 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale :

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné Georgette X... à la peine de 50 jours-amende à 200 francs ;

” alors que le montant de chaque jour-amende doit être déterminé en tenant compte des ressources et des charges du prévenu et le nombre de jours en tenant compte des circonstances de l’infraction ; qu’en statuant ainsi sans motiver sa décision eu égard aux ressources de Georgette X... et aux circonstances de l’infraction la cour d’appel a violé les textes susvisés “ ;

Attendu que l’arrêt attaqué n’encourt pas le grief allégué, dès lors que les juges disposent de la faculté dont ils ne doivent aucun compte, de fixer le montant des jours-amende dans les limites prévues par la loi ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 213 et 593 du Code de procédure pénale :

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné Georgette X..., solidairement avec Georges Z... et Patricia A..., à payer à Christophe B... une somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

” aux motifs que les agissements coupables de Georgette X... et Patricia A... ont causé à Christophe B..., privé de salaire et de couverture sociale régulière pendant plus de 3 mois, un préjudice justement estimé à la somme de 15 000 francs ;

” alors que, d’après les propres constatations de la cour d’appel, Georgette X..., qui n’était pas l’employeur de Christophe B..., a seulement servi d’intermédiaire à son embauche, et lui a consenti une avance lorsqu’elle s’est aperçue qu’il n’était pas payé ; qu’en décidant que la privation de salaire et de couverture sociale subie par Christophe B... était imputable à Georgette X..., la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations “ ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale :

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné Georgette X..., solidairement avec Georges Z... et Patricia A..., à payer à Frédéric Y... une somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

” alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision, qu’en statuant ainsi, sans énoncer en quoi le préjudice prétendument subi par Frédéric Y... était directement imputable à Georgette X..., la cour d’appel a violé les dispositions susvisées “ ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’en l’état des constatations et énonciations de l’arrêt attaqué, d’où il résulte que le préjudice subi par les salariés, parties civiles, trouve directement sa cause dans le délit dont la prévenue a été déclarée complice, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin criminel 1997 N° 262 p. 895

Décision attaquée : Cour d’appel d’Agen, du 21 août 1996

Titrages et résumés : 1° TRAVAIL - Travail clandestin - Complicité - Eléments constitutifs.

1° Se rend coupable de complicité de travail clandestin celui qui, en connaissance de cause, participe à la gestion d’une société exerçant son activité sans qu’ait été accomplie l’une quelconque des obligations prévues par l’article L. 324-10 du Code du travail.

2° PEINES - Prononcé - Jours-amende - Pouvoirs des juges.

2° Les juges disposent de la faculté, dont ils ne doivent aucun compte, de fixer le montant des jours-amende dans les limites prévues par la loi.

Textes appliqués :
* 1° :
* 2° :
* Code du travail, L324-10
* nouveau Code pénal 131-5