Heures supplémentaires oui

Le : 18/02/2015

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 12 février 2015

N° de pourvoi : 13-17900

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00338

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 22 mars 2013) que Mme X... a été engagée par M. Y... en qualité de femme de chambre à compter du 7 mai 2010 sur la base d’un contrat à temps partiel suivi d’un contrat de travail à temps complet à compter du 20 mai suivant ; que reprochant à son l’employeur l’absence de paiement de ses heures supplémentaires, l’intéressée a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 3 novembre 2010 avant d’être licenciée pour faute grave le 25 novembre 2010 ; qu’elle a saisi par la suite la juridiction prud’homale pour demander la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre des heures supplémentaires alors, selon le moyen :

1° / que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des deux parties ; que si l’employeur doit fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ces éléments doivent être suffisamment précis, vraisemblables et cohérents pour venir utilement au soutien de la demande, ce qu’il appartient au juge de vérifier ; qu’en imposant à l’employeur de justifier les horaires de travail, nonobstant l’absence d’éléments sérieux de nature à étayer la demande de la salariée, la cour d’appel a fait peser sur cet employeur la charge d’une preuve qui ne lui incombait pas et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

2° / que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des deux parties et que si l’employeur doit fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ces éléments doivent être suffisamment précis, vraisemblables et cohérents pour venir au soutien de la demande, ce qu’il appartient au juge de vérifier ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’employeur, si le décompte fourni par la salariée était vraisemblable compte tenu du volume et du rythme d’activité de l’établissement et de son chiffre d’affaires, la cour n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;

3° / que la cour d’appel ne pouvait affirmer que le mode de chiffrage présenté par la salariée n’était pas critiqué sans distinguer entre les heures complémentaires et les heures supplémentaires et sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’employeur, si le contrat de travail n’était pas en réalité un contrat de travail à temps partiel et si les heures de base et les heures complémentaires réglées par M. Y... étaient ou non conformes aux prévisions contractuelles ; que la cour d’appel a ainsi entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 3171-4 et L. 3123-17 du code du travail ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que la salariée étayait sa demande au titre des heures supplémentaires par la production d’un décompte précis énumérant ses diverses tâches ménagères auquel était joint un relevé extrêmement détaillé mentionnant pour chaque journée de travail son horaire précis, sans que l’employeur fournisse aux débats le moindre élément sur les horaires effectués, la cour d’appel a, sans inverser la charge de la preuve, retenu à bon droit l’existence d’heures supplémentaires ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer une certaine somme au titre de l’indemnité de travail dissimulé alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation de l’arrêt en ce qu’il a retenu l’existence d’heures supplémentaires effectuées par Mme X... sera étendue par voie de conséquence aux chefs de l’arrêt relatifs au travail dissimulé, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire du seul défaut de planning et d’enregistrement des horaires ; qu’en affirmant que l’emploi de Mme X... à de multiples tâches sans planning et sans enregistrement des horaires établissaient une telle intention, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

3°/ qu’en fixant à 20 313,60 euros le montant de l’indemnité pour travail dissimulé sans justifier en aucune manière le montant ainsi alloué, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a relevé que l’employeur avait appelé la salariée à effectuer de multiples tâches sans procéder au moindre enregistrement de ses horaires effectués, a par là-même caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé et a fixé le montant de l’indemnité de travail dissimulé en tenant compte du mode de chiffrage des heures supplémentaires dont elle a relevé qu’il n’était pas critiqué ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à remettre à la salariée des bulletins de paie rectifiés sous astreinte alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation de l’arrêt en ce qu’il a retenu l’existence d’heures supplémentaires effectuées par Mme X... sera étendue par voie de conséquence au chef du dispositif de l’arrêt relatif à la remise de bulletins de salaire rectifiés, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que Mme X... demandait la condamnation de M. Y... à remettre un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés mais non la remise de bulletins de salaire rectifiés ; qu’en prononçant une condamnation qui ne lui était pas demandée, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c’est sans modifier l’objet du litige, que la cour d’appel a pu faire droit à la demande de remise de bulletins de paie rectifiés expressément réclamée par la salariée dans ses écritures ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à la SCP Monod, Colin et Stoclet la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné M. Y... à verser à Mme X... les sommes de 9.081, 63 euros à titre de rappel pour heures complémentaires et supplémentaires, 908,16 euros à titre de congés payés sur ces heures, 20.313,60 euros pour travail dissimulé, 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 902, 82 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 90,82 euros de congés payés sur ce rappel et 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE dès le moment de sa première réclamation écrite en date du 3 novembre 2010 relative au non paiement de toutes les heures effectuées, Mme X... avait joint un relevé extrêmement détaillé, mentionnant pour chaque journée de travail son horaire précis et le nombre d’heures de travail effectuées (avec indication pour certaines heures qu’elles avaient fait l’objet d’un paiement de la main à la main) ; que ce décompte dont l’incohérence n’est pas démontrée par Monsieur Y..., suffit à étayer sa demande ; qu’en effet, sans qu’il soit même nécessaire de se prononcer sur les prétendues irrégularités les affectant et sur le détail des argumentations développées, il suffit de relever que les bandes de caisse mensuels et récapitulatifs de chiffres d’affaires invoqués par Monsieur Y... à titre d’éléments déterminants ne contiennent pas de mention de nature à contredire sérieusement les allégations de Mme X..., outre qu’ils ne constituent pas une preuve des horaires de travail de la salariée ; que c’est ainsi que quand bien même aucun chiffre d’affaire ne figure sur ces bandes pour onze journées au titre desquelles Mme X... prétend avoir accompli un travail, ceci ne constitue pas la démonstration du caractère mensonger des déclarations de cette dernière qui a pu néanmoins se trouver à disposition de son employeur pour des tâches ne générant pas de chiffre d’affaires ; quant aux attestations supposées prouver que l’établissement était fermé le 24 août (jour où Mme X... prétend avoir effectué de nombreuses heures de travail), elles n’apportent en rien cette preuve, les témoins se bornant à affirmer avoir participé à un repas organisé par « le relais du haras » sur le champ de course de Clairefontaine, organisation qui n’implique nullement que pendant ce temps l’établissement dans lequel Mme X... était employée était nécessairement fermé ; que force est surtout de relever que M. Y... ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier des horaires de travail, notamment pas même la justification des heures d’ouverture du restaurant et surtout, ce en dépit des prescriptions de la convention collective applicable, pas le moindre relevé d’heures ni document attestant d’un enregistrement des heures de début et de fin de travail étant encore relevé que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition des heures dans la semaine ni même dans la journée et se référait à l’affichage d’un planning dont il n¿est en rien justifié ; qu’en cet état il sera fait droit à la réclamation dont le mode de chiffrage n’est pas critiqué quant à lui ;

1)- ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des deux parties ; que si l’employeur doit fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ces éléments doivent être suffisamment précis, vraisemblables et cohérents pour venir utilement au soutien de la demande, ce qu’il appartient au juge de vérifier ; qu’en imposant à l’employeur de justifier les horaires de travail, nonobstant l’absence d’éléments sérieux de nature à étayer la demande de la salariée, la cour d’appel a fait peser sur cet employeur la charge d’une preuve qui ne lui incombait pas et a violé l’article L3171-4 du code du travail ;

2)- ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des deux parties et que si l’employeur doit fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ces éléments doivent être suffisamment précis, vraisemblables et cohérents pour venir au soutien de la demande, ce qu’il appartient au juge de vérifier ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’employeur, si le décompte fourni par la salariée était vraisemblable compte tenu du volume et du rythme d’activité de l’établissement et de son chiffre d’affaires, la cour n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L3171-4 du code du travail ;

3)- ALORS QUE la cour d’appel ne pouvait affirmer que le mode de chiffrage présenté par la salariée n’était pas critiqué sans distinguer entre les heures complémentaires et les heures supplémentaires et sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’employeur, si le contrat de travail n’était pas en réalité un contrat de travail à temps partiel et si les heures de base et les heures complémentaires réglées par M. Y... étaient ou non conformes aux prévisions contractuelles ; que la cour d’appel a ainsi entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L3171-4 et L3123-17 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné M. Y... à verser à Mme X... la somme de 20.313,60 euros pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE les circonstances dans lesquelles M. Y... a employé Mme X... à de multiples tâches et sans planning et sans procéder au moindre enregistrement de ses horaires établissent l’intention de dissimuler le nombre d’heures effectif et qu’il sera en conséquence fait droit à la demande ;

1)- ALORS QUE la cassation de l’arrêt en ce qu’il a retenu l’existence d’heures supplémentaires effectuées par Mme X... sera étendue par voie de conséquence aux chefs de l’arrêt relatifs au travail dissimulé, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2)- ALORS QUE le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire du seul défaut de planning et d’enregistrement des horaires ; qu’en affirmant que l’emploi de Mme X... à de multiples tâches sans planning et sans enregistrement des horaires établissaient une telle intention, la cour d’appel a violé les articles L8221-5 et L8223-1 du code du travail ;

3)- ALORS QU’en fixant à 20.313,60 euros le montant de l’indemnité pour travail dissimulé sans justifier en aucune manière le montant ainsi alloué, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 8223-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Monsieur Y... à remettre à Mme X... les bulletins de salaire rectifiés et une attestation pôle emploi rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours de la notification de l’arrêt ;

AUX MOTIFS QUE Mme X... demande la délivrance de pièces dont la copie figure pourtant à son propre dossier avec la mention qu’elles ont été établies en novembre 2010 en sorte que sera ordonnée la seule remise d’une attestation rectifiée en fonction des dispositions du présent arrêt ;

1)- ALORS QUE la cassation de l’arrêt en ce qu’il a retenu l’existence d’heures supplémentaires effectuées par Mme X... sera étendue par voie de conséquence au chef du dispositif de l’arrêt relatif à la remise de bulletins de salaire rectifiés, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2)- ALORS QUE Madame X... demandait la condamnation de Monsieur Y... à remettre un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés mais non la remise de bulletins de salaire rectifiés ; qu’en prononçant une condamnation qui ne lui était pas demandée, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen , du 22 mars 2013