Caractère intentionnel non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 mars 2018

N° de pourvoi : 16-13541

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00373

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Foussard et Froger, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée à compter du 3 avril 2010 en qualité de serveuse par la société La Kabylie, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 20 juin 2012 et a saisi la juridiction prud’homale notamment d’une demande de requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de demandes en paiement de diverses sommes, dont celles relatives aux heures supplémentaires non rémunérées, au travail dissimulé et à des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;

Attendu que pour condamner la société au paiement à la salariée d’une somme à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient que la salariée étaye sa demande en paiement d’heures supplémentaires à hauteur de 3 318,93 euros et l’absence de production par l’employeur d’éléments de nature à faire la preuve des horaires effectués, qu’il en résulte une nécessaire dissimulation intentionnelle ouvrant droit au paiement de l’indemnité de travail dissimulé ;

Attendu cependant, que la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5, 2°, du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société La Kabylie à payer à Mme Y... la somme de 11 242,18 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 15 janvier 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne madame Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société La Kabylie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La SARL LA KABYLIE fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Mme Y... différentes sommes dont la somme de 11.242,18 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les heures supplémentaires :

La salariée a annexé à ses bulletins de paie des relevés manuscrits portant pour chaque jour les horaires de travail effectués, documents qu’elle présente comme étant des relevés qui étaient remis à son employeur et au vu desquels il aurait réglé certaines heures supplémentaires sans les régler toutes, produisant en outre des décomptes dactylographiés de calcul de sa réclamation ; la société présente un certain nombre d’observations s’agissant de ces pièces qu’il convient d’examiner : - le décompte manuscrit de juin 2011 fait mention d’heures supplémentaires la semaine du 19 juin ;

contrairement à ce que soutient l’employeur qui indique en se référant au bulletin de paie que la salariée était en repos di 19 juin au 30 juin, le bulletin de paie ne fait pas mention de repos ; par ailleurs l’examen des décomptes manuscrits de mai et juin n’établit pas la reproduction prétendue en juin des horaires de mai ; aucune invraisemblance ne peut davantage être relevée en octobre 2011 puisque, effectivement, Mme Y... n’indique pas d’horaires autres que ceux correspondant à ce qui lui a été payé et ne forme pas de demande d’heures supplémentaires au titre de ce mois ; la société La Kabylie fait ensuite essentiellement valoir que la salariée a bénéficié d’un certain nombre de semaines de récupération et de repos compensateur de remplacement et que si l’on compare le nombre d’heures indiquées par elle et le nombre d’heures ainsi rémunérées Mme Y... a été remplie de ses droits, précisant que pour tout le mois de janvier 2011 et la période du 17 au 30 septembre 2011 elle a bénéficié de l’intégralité de son salaire sans travailler et sans être en congés payés ; cependant, il n’est fait état d’aucun accord ni cadre juridique pour cette prétendue récupération et le seul fait de la prise de repos est inopérant au regard de la qualification de repos compensateur ; la société La Kabylie observe encore que Mme Y... a omis de déduire son temps de pause repas de 30 minutes par service et n’a jamais travaillé le lundi, jour de fermeture du magasin, affirmations sur lesquelles la salariée n’élève aucune objection alors qu’il apparaît à trois repris un travail le lundi sur son décompte ; ces temps doivent revenir en déduction de sa réclamation ; enfin, elle soutient que le temps de présence de Mme Y... ne correspondait pas nécessairement à du temps de travail, les affirmations de témoins suivant lesquelles cette dernière prenait des pauses café et pour fumer des cigarettes n’étant toutefois pas de nature à établir l’effectivité de temps de travail autres que ceux de présence, en l’absence de toute observation adressée par l’employeur pendant le temps du contrat sur un manque d’assiduité ou des absences injustifiées ; il résulte de ce qui vient d’être exposé une réclamation étayée à hauteur de 3 318,93 euros et l’absence de production par l’employeur d’éléments de nature à faire la preuve des horaires effectués ;

Sur le travail dissimulé :

Il résulte de ce qui précède une nécessaire dissimulation intentionnelle ouvrant droit au paiement de l’indemnité » ;

1°) ALORS QU’en vertu de l’article L. 8221-5 du Code du travail, le travail dissimulé n’est caractérisé que s’il est établi que c’est de manière intentionnelle que l’employeur s’est soustrait à l’accomplissement des formalités prévues pour la délivrance d’un bulletin de paie, ou qu’il a mentionné sur celui-ci un nombre différent d’heures supplémentaires à celui réellement accompli conformément aux articles L. 1221-10 et L. 3242-2 dudit Code ; qu’en se bornant en l’espèce à affirmer une « nécessaire dissimulation intentionnelle » de l’employeur résultant des motifs précédents caractérisant l’existence d’heures supplémentaires non payées, sans relever le moindre élément de fait ou de preuve susceptible de caractériser une telle intention de l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail ;

2°) ALORS, D’AUTRE PART, QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et que le motif inopérant équivaut à un défaut de motif ; qu’en se bornant en l’espèce à affirmer une « nécessaire dissimulation intentionnelle » de l’employeur résultant des motifs précédents caractérisant l’existence d’heures supplémentaires non payées, sans relever le moindre élément de fait ou de preuve susceptible de caractériser une volonté de dissimuler de l’employeur, la cour d’appel, qui a statué par simple affirmation et par un motif inopérant, a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La SARL LA KABYLIE fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Mme Y... la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le non-respect des temps de repos et des amplitudes de travail :

Mme Y... soutient qu’elle pouvait travailler plus de 10 heures sans respect du repos quotidien de 11 heures, travailler plus de 6 heures de suite sans repos et travailler plus de 48 heures sur une même période de 7 jours ; qu’ayant été exposé ci-dessus que le restaurant était fermé le lundi, il n’y a pas eu de travail plus de 6 jours de suite et le seul énoncé de journées de travail de « plus de 10 heures » n’implique pas en l’absence d’autres précisions une insuffisance de repos de 11 heures ; qu’en revanche, les dépassements de 48 heures sont établis à une dizaine de reprises ; qu’il en résulte un manquement de l’employeur

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Sur les dommages-intérêts pour manquement à l’exécution de bonne foi et non-respect des durées de travail et de repos :

Les manquements tels qu’ils résultent de ce qui vient d’être exposé ont causé un préjudice et justifient une indemnisation à hauteur de 750 euros » ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et qu’ils ne peuvent statuer pour des motifs imprécis, hypothétiques, d’ordre général ou par voie d’affirmation ; qu’en l’espèce, pour accueillir la demande de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos et des amplitudes de travail, la cour d’appel s’est bornée à affirmer, ce qui était contesté par l’employeur, que les dépassements de 48 heures étaient établis à une dizaine de reprises, sans viser ni énoncer, même sommairement, les éléments de fait et de preuve sur lesquels elle se fondait ; qu’en statuant ainsi, elle a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen , du 15 janvier 2016