Apporteur d’affaires

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 février 2021, 17-21.161, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 17-21.161
ECLI:FR:CCASS:2021:SO00146
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 03 février 2021
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 11 mai 2017

Président
Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION


Audience publique du 3 février 2021

Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 146 F-D

Pourvoi n° C 17-21.161

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021

1°/ la société Sport Consulting & Management, dont le siège est [...] , en liquidation judiciaire,

2°/ la société Axyme, société d’exercice libérale à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. B... C..., en qualité de liquidateur de la société Sport Consulting & Management,

ont formé le pourvoi n° C 17-21.161 contre l’arrêt rendu le 11 mai 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige les opposant à M. Q... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axyme, ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. E..., après débats en l’audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d’instance

1. Il est donné acte à la société Axyme, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sport Consulting & Management de sa reprise d’instance.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2017), M. E... a conclu un contrat intitulé « apporteur d’affaires - responsable d’agence administrative » avec la société Sport Consulting & Management (la société) le 3 janvier 2011.

3. Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et de demandes en paiement de diverses sommes.

4. Par jugement du 19 juillet 2019, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société et désigné la société Axyme en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur fait grief à l’arrêt de requalifier la relation contractuelle entre la société et M. E... en contrat de travail et de condamner la société à payer diverses sommes au titre de ce contrat, alors :

« 1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la reconnaissance d’une relation de travail suppose ainsi la caractérisation d’un pouvoir de direction qui suppose l’existence d’ordres et de directives et la détermination unilatérale par l’employeur de l’ensemble des conditions de travail du travailleur, étant précisé que l’intégration dans un service organisé ne constitue qu’un indice en soi insuffisant pour caractériser un lien de subordination ; qu’en l’espèce, en se bornant à relever que M. E... avait des horaires contraignants, même s’il travaillait également parfois de son domicile, qu’il était l’intermédiaire de M. G... et était chargé de gérer les offres d’emploi d’autres personnes payées à la commission pour le compte de la société Sport Consulting Management, la cour d’appel s’est fondée sur des éléments insuffisants à caractériser un réel pouvoir par lequel la société Sport Consulting et Management aurait organisé par des ordres et des directives l’ensemble du cadre de travail de M. E..., et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le fait pour un prestataire de service de rendre ponctuellement compte de son activité à son cocontractant ne saurait à lui seul caractériser un pouvoir de contrôle ; qu’en se limitant à relever que « M. E... produit des copies de sms, qu’il déclare avoir échangés avec Monsieur G..., aux termes desquels il lui rendait compte de ses horaires d’arrivée le matin ou le soir dans les locaux où ce dernier exerçait son activité, ainsi que de détails de cette activité », la cour d’appel s’est fondée sur des éléments insuffisants pour caractériser un pouvoir de contrôle de la société Sport Consulting et Management sur l’activité de M. E..., privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que pour requalifier une relation contractuelle en contrat de travail, le juge doit nécessairement caractériser l’exercice d’un pouvoir disciplinaire ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a relevé aucun élément de fait permettant de caractériser l’existence d’un pouvoir disciplinaire par la société Sport Consulting et Management à l’encontre de M. E..., privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d’appel, examinant les conditions de fait dans lesquelles était exercée l’activité, a relevé que M. E..., qui avait répondu à une annonce de recherche d’assistants administratifs, rendait compte au gérant de la société de ses horaires d’arrivée le matin ou le soir et des détails de son activité, que les interlocuteurs extérieurs se référaient à lui comme l’assistant du gérant et qu’il ne prenait aucune décision, sa mission consistant en réalité à servir d’intermédiaire s’occupant des contacts du gérant, et qu’aucun élément ne permettait d’établir qu’il exerçait de façon effective l’activité apporteur d’affaires, prestataire indépendant. Elle a pu en déduire qu’il exerçait son activité dans un lien de subordination.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axyme, ès qualités, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axyme, ès qualités, et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sport Consulting & Management

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir requalifié la relation contractuelle entre la société Sport Consulting et Management et M. E... en contrat de travail et d’avoir condamné en conséquence la société Sport Consulting et Management à payer à M. E... les sommes de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 8.190 euros pour travail dissimulé, 8.190 euros à titre de rappel de salaires, 819 euros à titre de congés payés afférents, et 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de requalification du contrat d’apporteur d’affaires en contrat de travail Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération. Ce lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pourvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné. Il résulte des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile que l’existence d’une relation de travail subordonnée ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité en cause. En l’espèce, les parties ont signé le 3 janvier 2011, un contrat intitulé ’apporteur d’affaires - Responsable Agence Administrative’, aux termes duquel, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT, qui exerçait l’activité d’agent sportif, confiait à Monsieur K... la mission, de ’ rechercher pendant la durée des présentes, dans le secteur géographique défini, des mandants des clubs, fédérations, joueurs et autres [...] en vue de la conclusion d’un contrat de médiation exclusif appelé ’mandat’ avec la Société S-C & M ’. En application des dispositions de l’article 1315 alinéa 1 du code civil, dans sa version applicable au présent litige il appartient à Monsieur K... de démontrer quece contrat constituait en réalité un contrat de travail. A cet égard, il produit le contrat de Madame K..., ancienne collègue, portant le même intitulé et des clauses identiques identiques au sien, ce dont il résulte qu’il a adhéré à un contrat pré-établi, sans individualisation. Il déclare, sans être contredit sur ce point, qu’il n’était pas un connaisseur du milieu du football à l’époque de sa prise de poste et produit l’annonce que la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT avait publiée le 28 décembre 2010 à l’origine de l’entrée en relations des parties et ainsi rédigée : ’ Nous sommes actuellement à la recherche d’assistants administratifs stagiaires/salariés à la commission pour gérer les tâches telles que : - relance clubs - découverte de nouveaux talents - réalisation des cv joueurs - relance fédérations / clubs pour organisation de matches et autres événements - assistanat pour la mise en place des événements - mise à jour du site web Un intéressement sur les placements de joueurs et autres événements est proposé aux stagiaires/salariés. - secteur : sport/football/événement - fonction : commercial - vente-placement administratif - démarrage : poste à pourvoir immédiatement - durée : stage de 2 mois / CDI commissions - type de contrat : commission/cdi. ’ Il produit une attestation de Madame K... en date du 12 juillet 2012 dans laquelle elle le présente comme ’l’assistant direct de Monsieur M.’ et déclare qu’il avait des horaires contraignants, même si, de son côté, l’entreprise produit des éléments établissant qu’il travaillait également parfois de son domicile. Monsieur K... produit des copies de sms, qu’il déclare avoir échangés avec Monsieur M., aux termes desquels il lui rendait compte de ses horaires d’arrivée le matin ou le soir dans les locaux où ce dernier exerçait son activité, ainsi que de détails de cette activité. La société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT conteste l’authenticité de ces sms mais ne produit, de son côté, aucun sms contraire, alors qu’elle ne conteste pas avoir échangé avec Monsieur K... selon ce mode de communication. Monsieur K... produit également des courriels échangés, desquels il ressort que les joueurs intéressés par un placement dans un club contactaient la société sur sa boîte mail, qu’il répondait par le biais de cette boîte, signait lui-même en sa qualité d’assistant et signait I... M.. Ainsi, toutes les communications par email de Monsieur K... étaient signées I... M.. Les interlocuteurs extérieurs se référaient aussi à lui comme ’l’assistant de Monsieur M.’. Sur le fond de ces échanges, il est certain que Monsieur K... ne prenait à aucun moment de décision, soit d’accepter de prendre en charge un joueur, soit d’en placer un dans un club, sa mission consistant en réalité à prendre en compte les demandes faites par les contacts de la société et à en référer auprès de Monsieur M. afin de pouvoir leur communiquer la suite qu’il serait donnée à leurs demandes. Il était ainsi un intermédiaire gérant les contacts de Monsieur M.. Monsieur K... produit également une copie d’écran relative à une recherche sur Google, d’où il résulte qu’il était chargé de gérer des offres d’emploi d’autres personnes payées à la commission pour le compte de la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT. Par ailleurs, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT ne produit aucun élément permettant d’établir que Monsieur K... exerçait de façon effective l’activité apporteur d’affaires, prestataire indépendant. Il résulte de ces considérations que Monsieur K... était lié à la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT par un lient de subordination et son contrat doit donc être requalifié en contrat de travail contrairement à ce qu’a estimé le premier juge. Sur la demande de rémunération Monsieur K... n’ayant perçu aucune rémunération alors qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur et a fourni une prestation de travail, est fondé à percevoir, au titre de sa période de travail du 1er au 30 juin 2011, un rappel de salaires sur la base du SMIC, soit la somme de 8 190 euros, outre celle de 819 euros au titre des congés payés afférents. Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de se soustraire intentionnellement aux déclarations et au paiement des charges sociales afférentes aux contrats de travails est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires. En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que le fait pour la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT, entreprise spécialisée et expérimentée de proposer à Monsieur K..., jeune homme inexpérimenté, un contrat intitulé ’d’apporteur d’affaires’ pour un simple travail d’assistant administratif sous un lien de subordination ne constituait en réalité qu’un subterfuge destiné à éluder les obligations incombant aux employeurs. Monsieur K... est donc fondé à obtenir paiement d’une indemnité égale à six mois de salaire, soit la somme de 8 190 euros. Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif Du fait de la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations constitue un licenciement, qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail. Monsieur K... ayant moins de deux ans d’ancienneté, a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail. Au moment de la rupture, Monsieur K..., était âgé de 26 ans, n’avait que 10 mois d’ancienneté et ne produit aucun élément sur sa situation postérieure à la rupture de nature à justifier un préjudice. Au vu de cette situation, et considérant qu’il a néanmoins souffert d’un préjudice financier et moral, il convient de lui allouer une indemnité de 1 000 euros. Sur les autres demandes La demande de Monsieur K... étant partiellement fondée, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT ne démontre pas l’existence d’un abus du droit d’ester en justice et doit donc être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, elle sera également déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , il convient de condamner la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT à payer à Monsieur K... une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 1 500 euros. Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 nouveau du code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 nouveau du même code et de faire application de celles de l’article 1343-2 nouveau » ;

1. ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la reconnaissance d’une relation de travail suppose ainsi la caractérisation d’un pouvoir de direction qui suppose l’existence d’ordres et de directives et la détermination unilatérale par l’employeur de l’ensemble des conditions de travail du travailleur, étant précisé que l’intégration dans un service organisé ne constitue qu’un indice en soi insuffisant pour caractériser un lien de subordination ; qu’en l’espèce, en se bornant à relever que M. E... avait des horaires contraignants, même s’il travaillait également parfois de son domicile, qu’il était l’intermédiaire de M. G... et était chargé de gérer les offres d’emploi d’autres personnes payées à la commission pour le compte de la société Sport Consulting Management, la cour d’appel s’est fondée sur des éléments insuffisants à caractériser un réel pouvoir par lequel la société Sport Consulting et Management aurait organisé par des ordres et des directives l’ensemble du cadre de travail de M. E..., et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

2. ALORS QUE le fait pour un prestataire de service de rendre ponctuellement compte de son activité à son cocontractant ne saurait à lui seul caractériser un pouvoir de contrôle ; qu’en se limitant à relever que « M. E... produit des copies de sms, qu’il déclare avoir échangés avec Monsieur G..., aux termes desquels il lui rendait compte de ses horaires d’arrivée le matin ou le soir dans les locaux où ce dernier exerçait son activité, ainsi que de détails de cette activité » (arrêt d’appel. p. 4 al. 4), la cour d’appel s’est fondée sur des éléments insuffisants pour caractériser un pouvoir de contrôle de la société Sport Consulting et Management sur l’activité de M. E..., privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

3. ALORS QUE pour requalifier une relation contractuelle en contrat de travail, le juge doit nécessairement caractériser l’exercice d’un pouvoir disciplinaire ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a relevé aucun élément de fait permettant de caractériser l’existence d’un pouvoir disciplinaire par la société Sport Consulting et Management à l’encontre de M. E..., privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00146