Démarchage - vente à domicile

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 14 février 2006

N° de pourvoi : 05-83857

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze février deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Gianni,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7 ème chambre, en date du 17 mai 2005, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à 3 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3 et L. 751-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d’exécution de travail dissimulé par dissimulation de salariés et l’a condamné à une peine d’amende de 3 000 euros ;

”aux motifs qu’il résulte des mentions du procès-verbal dressé par M. Y..., contrôleur du travail dans le département des Bouches-du-Rhône, que ce dernier, dans le courant du mois de juin 2001, a reçu une information à propos de pratiques de dissimulation d’heures et de non-paiement de salaires dans la société Languedocienne d’Ameublement, ayant pour activité la vente à domicile de mobilier, dont le directeur régional est le prévenu ; que se rendant dans l’entreprise, il constatait la présence de huit personnes se livrant à une activité de “ phoning “ ; que les personnes en question lui déclaraient unanimement exercer cette activité tous les matins de 8 heures 30 à 13 heures, précisant qu’il s’agissait d’une activité imposée par leur directeur, dès l’embauche, l’après-midi étant consacrée au rendez-vous convenus le matin par téléphone ; que le prévenu, entendu sous forme de rapport par le contrôleur, affirmait que ses vendeurs, comme stipulé dans le contrat, bénéficiaient de la liberté d’organiser leur journée de travail, le téléphone était seulement un moyen mis gracieusement à leur disposition en vue d’atteindre leur objectif de vente ; qu’il remettait une note d’affichage, comportant la mention : “ les V.R.P. n’ont pas d’horaire “ ; que se rendant à nouveau dans l’entreprise le 26 juillet 2001, le contrôleur constatait à nouveau la présence des “ vendeurs “, tous installés à leur poste de travail ; que Gianni X..., présent lors du contrôle, remettait les avenants signés par ces derniers dans lesquels ils sollicitaient la mise à disposition gracieuse du téléphone de la société et invoquait les termes du contrat de travail lequel prévoyait en son article 2 : “ la profession de V.R.P. n’étant pas assujettie à une notion d’horaire de travail, le représentant demeure libre de

l’organisation de son temps de travail la société demande cependant au représentant d’avoir une activité constante du fait du caractère spécifique de son activité, le représentant reconnaît que les dispositions visées aux articles 5 et 5-1 de la convention collective du 3 octobre 1995 ne lui sont pas applicables et qu’il ne bénéficie pas, à ce titre, de la ressource minimale forfaitaire prévue par ces textes “ ; que le contrôleur du travail relevait, que si contrairement à l’offre d’emploi publiée dans la presse aux termes de laquelle il était annoncé un salaire de 5 000 à 7 000 francs pour débuter (fixe + prime), les contrats de travail (non produits) prévoyaient exclusivement une rémunération à la commission, la direction imposait le matin une activité de “ phoning “, remettant elle-même la liste des appels suivant les secteurs ; que M. Z..., entendu par le contrôleur du travail, dont il n’est pas contesté qu’il a travaillé pour le compte de l’entreprise du 23 avril 2001 au 11 mai 2001, sans percevoir de rémunération (n’ayant selon le prévenu réalisé aucun chiffre d’affaire), a affirmé que tous arrivaient à 8 heures 30 précises et commençaient à téléphoner vers 8 heures 45, qu’une fois il était arrivé 5 à 10 minutes en retard et que Gianni X... lui avait dit que c’était inadmissible, que le responsable des ventes leur précisait les secteurs géographiques à démarcher en leur donnant un plan de présentation à suivre, qu’il était libre de son emploi du temps l’après-midi, mais devait être impérativement au téléphone le matin ; que les déclarations de M. Z... ont été confirmées par une autre personne entendue par l’inspecteur du travail, dont celui-ci a cancellé le nom, mais qui a signé le procès-verbal qui a déclaré qu’ils devaient être du lundi au samedi au bureau à 8 heures 30 à 13 heures pour l’activité de “ phoning “ exercée suivant une liste remise par le chef des ventes, la direction ne tolérant aucun retard le matin ; que plusieurs représentants, dont le nom a également été cancellé, ont rempli le questionnaire adressé par le contrôleur du travail, confirmant ces déclarations ; que la qualification donnée par les parties de façon expresse est sans influence sur la nature du contrat, l’activité du représentant devant être déterminée d’après les modalités réelles d’exécution du travail ;

qu’il résulte de ce qui précède, qu’au moment où ont été faites les constatations, les V.R.P., s’ils étaient libres de l’organisation de leur travail, l’après-midi, étaient, le matin, sous la subordination juridique de la société languedocienne d’ameublement, exécutant les ordres de celle-ci, selon un horaire imposé ; qu’il est significatif de constater qu’après la visite du contrôleur du travail, le prévenu a fait signer à ses représentants un avenant à leur contrat, au terme duquel ils sollicitaient de pouvoir utiliser gracieusement le téléphone de l’entreprise pour contacter leurs futurs clients au lieu de pratiquer le porte à porte et ceci sans horaires particuliers, ce qui vient conforter les déclarations selon lesquelles les V.R.P. étaient auparavant tenus à des horaires déterminés le matin ; qu’aux termes de l’article L. 324-10 du Code du travail, la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué, constitue, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord conclu en application du chapitre II du titre 1er du livre II du Code du travail, une dissimulation d’emploi salarié ; qu’en ce qui concerne M. Z... et Laure A..., dont l’inspecteur du travail a relevé qu’un bulletin de paie mentionnait un salaire correspondant à 9 heures 30 au lieu de 135 heures de “ phoning “, il est établi qu’ils n’ont, soit pas reçu de bulletin de paie, soit (Mme A...) un bulletin de paie mentionnant un nombre d’heures de travail inférieur à celles effectuées ;

”alors, d’une part, que le délit de travail dissimulé n’est caractérisé qu’à charge pour la partie poursuivante d’établir que le prévenu a mentionné, en connaissance de cause, sur le bulletin de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué ; qu’en se bornant à déduire l’intention délictueuse du demandeur de la requalification des contrats de VRP en contrats de travail salarié, sans rechercher si celui-ci avait conscience de contrevenir aux règles du droit du travail, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, d’autre part, que l’article L. 751-1 du Code du travail qualifie les conventions conclues entre les voyageurs, représentants ou placiers et leurs employeurs, de contrats de louage de services, lorsque les voyageurs, représentants ou placiers : 1 . travaillent pour le compte d’un ou plusieurs employeurs ; 2 . exercent en fait d’une façon exclusive et constante leur profession de représentant ; 3 . ne font effectivement aucune opération commerciale pour leur compte personnel ; 4 . sont liés à leurs employeurs par des engagements déterminant la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l’achat, la région dans laquelle ils doivent exercer leur activité ou les catégories de clients qu’ils sont chargés de visiter, le taux des rémunérations ; que cette disposition n’exclut pas l’existence d’un lien de subordination juridique entre les voyageurs, représentants ou placiers et leurs employeurs ; que pour retenir la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué, élément constitutif de l’infraction de travail dissimulé, la cour d’appel a déduit de l’activité de “ phoning “ réalisée le matin par les V.R.P, un lien de subordination juridique entraînant la requalification des conventions de louage de services conclues entre le demandeur et ses V.R.P. en contrat de travail salarié, d’où il suit que l’arrêt attaqué a méconnu les prescriptions du texte susvisé” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7 ème chambre du 17 mai 2005