droit à l’image ou droit d’auteur

Sommaire :

Un tribunal commet un amalgame entre les notions de cessions de droit à l’image et de droit d’auteur, alors qu’elles obéissent à des règles différentes. En effet, le droit à l’image qui comporte des attributs d’ordre patrimonial, peut valablement donner lieu à l’établissement de contrats qui sont soumis au régime général des obligations et ne relèvent pas des dispositions spécifiques du code de la propriété intellectuelle régissant le droit d’auteur.

A défaut de terme stipulé, l’acte litigieux s’analyse en un contrat à durée indéterminée susceptible d’être dénoncé et résilié à tout moment par chacune des parties, de sorte qu’il n’encourt aucune nullité.

Le caractère étendu de l’autorisation donnée n’est pas en soi de nature à vicier la cession des droits, le principe de l’autonomie de la volonté autorisant les parties à déterminer les limites de leurs droits et obligations.

Aucune disposition légale ou d’usage ne prévoit au profit d’un mannequin une rémunération proportionnelle à l’exploitation de son image, de la durée et de l’étendue de cette exploitation.

Texte intégral :

Cour d’appel de Paris 4e ch. A 10 septembre 2008 N° 07/06621
LA COUR (extraits) : - [...] ; Sur la procédure : - Considérant que la Virginie P ? est fondée à solliciter le rejet des débats de la dernière pièce communiquée le 29 mai 2008, par la société X ? ; Qu’en effet, il résulte de la combinaison des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour assurer la loyauté des débats, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ; qu’en l’espèce, en communiquant le 29 mai 2008, quatre jours avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, une nouvelle pièce, la société X ? a mis son contradicteur dans l’impossibilité d’y répliquer ; qu’il s’ensuit que la pièce communiquée sous le n° 46 à la requête de la société appelante sera rejetée des débats ;

Sur le fond : - Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que : Pierre B ?, photographe indépendant, commercialise ses photographies soit directement dans le cadre de production réalisée à la demande de ses clients, soit indirectement en les cédant à des agences d’illustration telles que la société X..., par contrat du 4 juin 1999, cette société a acquis les droits de reproduction de 84 photographies réalisées par Pierre B... dont celles prises à la Martinique au mois de mai 1997, à l’occasion d’une production organisée avec deux mannequins Virginie P... et Andréa F... et le concours de leurs agences E... et R. Production. A l’occasion de cette séance photographique, Virginie P... a signé le 1er mai 1997 un contrat de cession de droits d’utiliser son image résultant des photographies prises par Pierre B... lors de la semaine du 10 mai au 17 mai 1997. Ces photographies ont été insérées dans des CD ROM édités par la société X... et dont une licence d’utilisation a été acquise par la société D. P. à des fins publicitaires. Reprochant à la société X..., Pierre B... et la société D. P. d’avoir exploité son image sur des sites Internet, sur des documents publicitaires, sans son autorisation, Virginie P... les a assignés devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Sur la recevabilité à agir de Virginie P... : - Considérant que Pierre B... soulève l’irrecevabilité des demandes de Virginie P... sans toutefois articuler de moyens au soutien de cette exception ; Que la Cour ne relève aucune fin de non recevoir susceptible d’être relevée d’office, de sorte que l’appel sera déclaré recevable ;

Sur la validité du contrat : - Considérant que Virginie P... expose en substance que mannequin professionnel, elle a découvert que son image était exploitée de façon intensive par différents annonceurs, sans son autorisation, dès lors que la convention qu’elle a conclue avec Pierre B... le 1er mai 2007, serait entachée de nullité, pour défaut d’objet, absence de précision sur la durée des droits cédés, des supports visés et des modes d’exploitation, éléments essentiels de la convention qui permettraient de déterminer le montant des droits rémunérant la cession du droit à l’image ; qu’elle formule en conséquence, des demandes de cessation d’exploitation et d’indemnisation sur le fondement des dispositions de l’article 9 du code civil, soulève en pages 8 à 11 de ses écritures la nullité du contrat, prétention qu’elle ne reprend pas toutefois dans le dispositif ;

Considérant qu’aux termes de l’article 9 du code civil chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges, peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toute mesure propre à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; qu’il convient de relever que Virginie P... commet un amalgame entre les notions de cessions de droit à l’image et de droit d’auteur, alors qu’elles obéissent à des règles différentes, confusion également commise par le tribunal ; qu’en effet, le droit à l’image qui comporte des attributs d’ordre patrimonial, peut valablement donner lieu à l’établissement de contrats qui sont soumis au régime général des obligations et ne relèvent pas des dispositions spécifiques du code de la propriété intellectuelle régissant le droit d’auteur ;

Considérant que le 1er mai 2007, Virginie P... a signé avec Pierre B... un contrat dénommé « cession de droits » ainsi libellé : le modèle cède au photographe le droit d’utiliser son image résultant des photographies prises par le photographe Pierre B... la semaine du 10 au 17 mai à la Martinique. La présente cession est accordée sans limitation de durée ni de lieu, pour tout usage national ou international... Le modèle autorise le photographe à procéder par tous procédés connus ou inconnus à ce jour et sur tous supports (presse, édition, publicité, etc..) à toute reproduction des photographies dont il s’agit, en tel nombre qui lui plaira et toute exploitation commerciale et notamment publicitaire des photographies dont il s’agit par le photographe ou ses ayants droits. Le photographe veillera à ce que les photographies ne soient pas utilisées dans le cadre d’article pouvant porter préjudice au modèle (prostitution, sida etc..). En contrepartie de la cession au photographe du droit d’utiliser son image, le modèle percevra la somme forfaitaire et définitive de 15 000 francs, étant précisé que le modèle renonce expressément à toute rémunération proportionnelle compte tenu, notamment, de ce que la base du calcul d’une participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminé ; qu’il n’est pas contesté qu’un exemplaire de ce document a été remis Virginie P... ; - Considérant [que] force est de constater que ce contrat répond aux conditions de l’article 1108 du code civil dès lors qu’il a été librement signé que Virginie P... avait la capacité pour ce faire, que son objet est certain, que la cause de l’obligation est licite ; que Virginie P... ne saurait prétendre que la convention serait dépourvue d’objet, alors que la mention du nom du photographe, la date du document permettent d’identifier les photographies objets de la cession, peu important que l’autorisation ait précédé la réalisation des dits clichés ; qu’elle n’est pas davantage fondée à soutenir que la durée de la cession étant illimitée, la convention serait de nullité absolue ; qu’en effet, à défaut de terme stipulé, cet acte s’analyse en un contrat à durée indéterminée susceptible d’être dénoncé et résilié à tout moment par chacune des parties, de sorte qu’il n’encourt aucune nullité ; que contrairement à ce que soutient Virginie P..., la nature des supports concernés (tous supports, presse, édition, publicité etc..) et le domaine géographique de l’autorisation donnée (tout usage national ou international) ont été contractuellement fixés ; que le caractère étendu de l’autorisation donnée n’est pas en soi de nature à vicier la cession des droits, le principe de l’autonomie de la volonté autorisant les parties à déterminer les limites de leurs droits et obligations ; que Virginie P... prétend également vainement que la rémunération prévue au contrat ne concernerait que ses journées de pose alors d’une part, qu’il est expressément stipulé que la rémunération forfaitaire convenue couvre la cession au photographe du droit d’utiliser son image et d’autre part, qu’aucune disposition légale ou d’usage ne prévoit au profit d’un mannequin une rémunération proportionnelle à l’exploitation de son image, de la durée et de l’étendue de cette exploitation ;

Considérant qu’il s’ensuit qu’en concédant, en parfaite connaissance de cause, l’exploitation des photographies prises au cours de la semaine du 10 au 17 mai 1997, sous toutes ses formes et par tous procédés techniques, sans aucune restriction et sans limitation de durée, Andréa F... a nécessairement autorisé Pierre B... au profit duquel elle a signé le contrat, à céder les droits d’exploitation de son image sous réserve que cette exploitation n’excède pas les limites fixées contractuellement (utilisation dans le cadre d’articles pouvant porter préjudice au modèle : prostitution, sida) et a donné son accord pour que son image soit exploitée à des fins commerciales et publicitaires ; que de sorte, elle ne saurait remettre en cause les effets du contrat auquel elle a valablement consenti ; - Considérant par voie de conséquence, qu’infirmant la décision déférée en toutes ses dispositions, Virginie P... sera déboutée de l’intégralité de ses demandes ;

Sur les autres demandes : - Considérant qu’eu égard au rejet des prétentions de Virginie P... , les demandes en garantie respectivement formées par Pierre B..., les sociétés X... et D. P. sont sans objet ; qu’il en est de même de celle subsidiaire en résiliation pour faute du contrat de cession de droits d’auteur conclu entre Pierre B... et la société X... ; que de sorte, les prétentions de Pierre B... tendant à obtenir, en raison du prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat, la communication des relevés de compte de droits d’auteur et paiement d’une provision, n’ont pas lieu d’être examinées ; - Considérant que l’action en justice, comme l’exercice du droit d’appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable ; que ces exigences ne sont pas satisfaites en l’espèce ; que les demandes reconventionnelles formées par la société X..., au visa des articles 32-1 du code de procédure civile et 1382 du code civil, seront rejetées ; - Considérant que les circonstances de la cause ne justifient pas la nécessité d’une mesure de publication et ne commandent pas davantage d’enjoindre à Virginie P... d’adresser aux destinataires des lettres de mise en demeure qu’elle a envoyées, un courrier spécifique les informant du caractère infondé de sa procédure et du présent arrêt ; - Considérant que les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier aux intimés ; qu’il leur sera alloué à ce titre, à chacun d’eux, la somme de 4 000 € ; que Virginie P... qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;

Par ces motifs, écarte des débats la pièce n° 46 communiquée par la société X... le 29 mai 2008, infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, statuant à nouveau, déboute Virginie P... de l’intégralité de ses demandes, rejette toutes autres demandes, [...].

Textes cités :

Code civil, 9, 1108.

Décision attaquée : 26 février 2007
Texte(s) appliqué(s) : Code civil, 9, 1108.