nature rémunération : fixe et forfaitaire ou aléatoire

Cour de cassation 2ème chambre civile 9 juillet 2009 n° 08-18.794 Publication :Publié au bulletin

Sommaire :

Les rémunérations perçues par un mannequin à l’occasion de l’exploitation des enregistrements qui ont été faits de son interprétation sont des redevances si, notamment, leur montant est fonction du seul produit aléatoire de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation de l’intéressé. L’exigence de cet aléa économique comme une des conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations a pour corollaire une perception différée des rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire de celles-ci. C’est à bon droit qu’une cour d’appel a déduit de ces énonciations que le montant de la rémunération forfaitaire versée à un mannequin devait être réintégré dans l’assiette des cotisations sociales de la société qui l’employait

Texte intégral :

2ème chambre civile Rejet 9 juillet 2009 N° 08-18.794 Publié au bulletin
République française

Au nom du peuple français
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2008), qu’à la suite d’un contrôle, l’URSSAF de Paris et région parisienne a réintégré dans l’assiette des cotisations de la société Chanel (la société) le montant de la rémunération forfaitaire versée à un mannequin en contrepartie du consentement donné par celui-ci pour la cession de son droit à l’image et lui a notifié un redressement ; que la société a saisi d’un recours la juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que pour qu’échappe à la qualification de salaire la rémunération prévue à l’article L. 763-2 du code du travail, il faut, mais il suffit, que cette rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation, soit « fonction du produit de la vente ou de l’exploitation dudit enregistrement » ; qu’aucune disposition légale ne prévoit ou n’impose de modalités de versement particulières quant à cette rémunération ; qu’en particulier, aucune exigence d’un quelconque « aléa économique » n’est édictée par les textes, en sorte que rien ne s’oppose à ce que cette rémunération soit fixée de manière forfaitaire ; qu’en décidant cependant en l’espèce que « l’aléa économique a pour corollaire une perception différée desdites rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire » de celles-ci, la cour d’appel a ajouté au texte une condition qu’il ne comporte pas et en a par là même violé les dispositions ;

2°/ que la société faisait expressément valoir dans ses écritures que la rémunération versée à Mme X... dans le cadre de la cession de son droit à l’image ne pouvait être fixée proportionnellement au « produit de la vente » ou au « produit de l’exploitation de l’enregistrement » puisqu’aucun enregistrement ni produit comportant l’effigie de Mme X... n’avait été mis en vente par la société et qu’il était impossible de quantifier économiquement l’influence des apparitions de Mme X... dans les médias sur les résultats financiers de cette société, en sorte que le « produit de l’exploitation » de l’enregistrement de l’image de Mme X... ? qui n’était pas chiffrable - ne pouvait donner lieu qu’à une rémunération forfaitaire ; qu’en se bornant à énoncer que « les rémunérations susceptibles d’être exclues de l’assiette des cotisations (?) sont aléatoires dans leur montant » et que « l’exigence de cet aléa économique comme une des conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations a pour corollaire une perception différée desdites rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire » sans rechercher si, comme le soutenait expressément la société, un système de rémunération proportionnelle et a posteriori à l’occasion de la cession du droit à l’image du mannequin n’était pas manifestement impossible en raison du fait que cette image n’était attachée à aucun produit spécifique et que sa diffusion était abandonnée au bon vouloir des journalistes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 763-2 du code du travail ;

3°/ que la convention nationale collective des agences de mannequins a été conclue le 22 juin 2004, étendue par arrêté du 13 avril 2005 et modifiée par un avenant du 22 juin 2005 ayant porté modification de certains seulement des articles de cette convention collective ; que l’article 16 de ladite convention collective qui autorise le principe d’une rémunération forfaitaire en matière de rémunération du droit à l’image a été adopté dès la rédaction originaire de ce texte et n’a fait l’objet d’aucune modification postérieure, ni par l’avenant du 22 juin 2005 ni par aucun autre acte ; qu’en refusant en l’espèce, pour interpréter les dispositions de l’article L. 763-2 du code du travail, de prendre en compte les dispositions de l’article 16 de la convention collective au motif qu’elles auraient été issues « d’un avenant du 23 (lire 22) juin 2005 » et que le contrôle litigieux ayant été clôturé le 29 septembre 2004, elles ne pouvaient s’appliquer rétroactivement, la cour d’appel a dénaturé lesdites dispositions de la convention collective nationale des agences de mannequins en violation de l’article 1134 du code civil ;

4°/ que l’article 16-2 de la Convention collective nationale des mannequins ouvre la possibilité d’une rémunération forfaitaire du droit à l’image des mannequins lorsque « l’utilisateur ne peut déterminer exactement à l’avance les quantités définitives » ; que cette hypothèse permet donc une fixation forfaitaire du montant des droits d’utilisation de la présentation du mannequin dans le cas précis où la détermination à l’avance du produit de l’enregistrement n’est pas chiffrable ; qu’en énonçant que ce texte impliquerait « à l’évidence, ainsi que le soutient l’URSSAF, que le forfait doit être entendu comme une avance sur les sommes dues », et en retenant l’impossibilité d’une rémunération forfaitaire du droit à l’image, la cour d’appel a derechef dénaturé l’article 16-2 de la Convention collective nationale ;

5°/ que pour retenir la qualification de « salaires » s’agissant des rémunérations versées à Mme X... dans le cadre de la cession de son droit à l’image, les premiers juges avaient relevé que le premier contrat signé entre les parties en 1986 comportait une clause d’indexation prévoyant que les montants versés « seront révisés en fonction des variations de la valeur du point de référence des coefficients salariaux de la parfumerie (?) » en sorte que ces stipulations auraient « clairement impliqué que la rémunération concernée était d’un commun accord considérée comme un salaire » ; que la société faisait valoir à juste titre que le second contrat du 23 juillet 1998, seul en cause en l’espèce, ne prévoyait quant à lui aucune clause similaire en matière de révision ; qu’en décidant néanmoins pour retenir également la qualification de « salaires » que « le second contrat a été strictement calqué sur le premier tant dans son principe de fonctionnement que dans la détermination de ses modalités de rémunérations, peu important que le second contrat ne fasse plus état d’une clause d’indexation », la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l’article 1134 du code civil ;

6°/ que le fait que les parties aient librement choisi de se référer dans un contrat à la variation des coefficients salariaux ne caractérise en rien une prétendue « volonté » de considérer ladite rémunération de l’exploitation des droits à l’image cédés comme un salaire ; qu’en décidant cependant en l’espèce que la référence à des coefficients salariaux dans une clause d’indexation aurait « clairement impliqué que la rémunération concernée était d’un commun accord considérée comme un salaire », la cour d’appel a derechef dénaturé les termes clairs et précis du contrat du 23 juillet 998, violant une fois de plus l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que le contrat de juillet 1998 fixe pour les redevances des montants forfaitaires sans que soit précisée l’importance de l’utilisation des enregistrements et retient que les rémunérations perçues par un mannequin à l’occasion de l’exploitation des enregistrements qui ont été faits de son interprétation sont des redevances si, notamment, leur montant est fonction du seul produit aléatoire de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation de l’intéressé et que l’exigence de cet aléa économique comme une des conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations a pour corollaire une perception différée des rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire de celles ci ;

Que par ces seuls motifs, la cour d’appel, abstraction faite des motifs surabondants relatifs à la convention collective et à la clause d’indexation du contrat conclu avec le mannequin, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Chanel aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Chanel ; la condamne à payer à l’URSSAF de Paris la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Chanel.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir validé en son principe le redressement fiscal effectué par l’URSSAF et d’avoir rejeté la demande de la société CHANEL tendant à voir juger que la rémunération forfaitaire versée par celle-ci à Madame Carole X... en contrepartie du consentement donné par cette dernière quant à l’étendue de l’exploitation de son image s’inscrivait dans le cadre des dispositions de l’article L 763-2 du Code du travail ;

AUX MOTIFS QUE « par d’excellents motifs que la Cour adopte, reproduits plus avant, il a été décidé que la rémunération du mannequin ressortait aux modalités d’un contrat de travail, et échappait à l’exception prévue à l’article L 763-2 du Code du travail ; qu’en tant que de besoin, cette Cour rappellera avec l’URSSAF que l’inspecteur du recouvrement ? P.12 de la lettre d’observations du 29 septembre 2004 ? a constaté que des sommes qualifiées de rémunération secondaire avaient été versées à un mannequin pour la cession de son droit à l’image au profit de la société ; que l’agent de contrôle a considéré que ces rémunérations étaient passibles des cotisations du régime général dès lors qu’elles étaient déterminées forfaitairement ; qu’il a procédé à un redressement en ce sens, exception faite pour la CSG et la CRDS déjà acquittées, en application des articles L 242-1, L 311-2 et L 311-3-15° du Code de la sécurité sociale, ainsi que les articles L 762-1 et suivants et L 763-1 du code du travail ; considérant qu’aux termes de l’article L 311-3-15° du Code de la sécurité sociale, sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quels que soient leur âge et leur nationalité « les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L 762-1 et suivants, L 763-1 et L 763-2 du Code du travail ; que selon l’article L 763-1 : « tout contrat pour lequel une personne physique ou morale s’assure moyennant rémunération le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ?Est considéré comme exerçant une activité de mannequin toute personne qui est chargée soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel un produit, un service ou un message publicitaire, soit de poser comme modèle avec ou sans utilisation ultérieure de son image, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel ; qu’il s’ensuit que pour qualifier les rémunérations perçues par un mannequin, il y a lieu d’opérer la distinction suivante :

"-" les sommes allouées à l’artiste ou au mannequin en rémunération des heures pendant lesquelles il enregistre ses interprétations et qui correspondent à une prestation pour laquelle la présence physique de l’intéressé est indispensable, sont des salaires et doivent être soumis à ce titre à l’intégralité des cotisations de la sécurité sociale et de la contribution sociale généralisée ;

"-" les rémunérations perçues à l’occasion de l’exploitation des enregistrements qui ont été faits de son interprétation sont des redevances ou « royalties » si elles répondent à la définition visée à l’article L 763-2 du Code du travail ; que ledit article écarte le caractère de salaire pour « la rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur dès que la présence physique du mannequin n’est plus requise pour exploiter ledit enregistrement et que cette rémunération n’est en rien fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation mais au contraire fonction du produit de la vente ou l’exploitation dudit enregistrement » ; que les deux conditions cumulatives suivantes doivent être réunies :

"-" absence physique du mannequin ou de l’artiste ;
"-" absence de relation entre le salaire de la prestation initiale et la rémunération en cause, celle-ci étant au contraire fonction de l’importance de l’exploitation dudit enregistrement ;

Que le montant des redevances n’est donc en rien fonction du salaire perçu mais fonction du seul produit aléatoire de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation de l’intéressé ; que les redevances doivent être en principe calculées et versées postérieurement à l’exécution de la prestation de mannequin et distinctes de la rémunération de ladite prestation ; que les modalités de rémunérations du mannequin ont été amplement reproduites par le premier juge, et par cette cour ci-avant ; qu’il résulte de la rédaction même de l’article L 763-2 du code du travail que les rémunérations susceptibles d’être exclues de l’assiette des cotisations, qui ne peuvent être fixées par rapport au salaire initial, sont aléatoires dans leur montant puisque « fonction du produit de la vente ou de l’exploitation dudit enregistrement » ; que l’exigence de cet aléa économique comme une des conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations a pour corollaire une perception différée desdites rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire de ces rémunérations ; que le contrat de juillet 1998 fixe pour les redevances des montants forfaitaires sans que soit précisée l’importance de l’utilisation faites des enregistrements ; qu’ils ne peuvent être considérés comme étant fonction du produit de l’exploitation ou la vente de l’enregistrement ; qu’il est vrai que la société invoque l’article 16 de la convention collective nationale étendue des agences de mannequins qui selon elle autorise le principe d’une rémunération forfaitaire en matière de rémunération du droit à l’image ; que toutefois le texte revendiqué est issu d’un avenant du 23 juin 2005 ; que le contrôle litigieux qui a trait à la période de l’année 2001 a été clôture le 29 septembre 2004, ainsi qu’indiqué plus avant ; que de surcroît, s’il découle de l’article 16-2 que les modalités de la rémunération sont envisagées par « forfait couvrant l’utilisation dans un mode pour une durée déterminée », il importe de replacer la phrase dans son contexte : « cette seconde manière correspond aux cas où l’utilisateur ne peut déterminer exactement à l’avance les quantités définitives » ; qu’à l’évidence, ainsi que le soutient l’URSSAF, le forfait doit être entendu comme une avance sur les sommes dues ; que pareillement l’organisme de recouvrement ne dénature pas l’article 16-1 en martelant qu’il subordonne les modalités de rémunération « en fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation » ; qu’au surplus, cette cour observe que la société occulte les conséquences pratiques afférentes à une éventuelle annulation du redressement dès lors que le litige naîtrait alors dans les rapports URSSAF- mannequin, objectif inimaginable si l’on suit le raisonnement de la société qui se félicite des avantages matériels procurés audit mannequin ; que dans ces conditions, le redressement sera maintenu » ;

ALORS QUE D’UNE PART pour qu’échappe à la qualification de salaire la rémunération prévue à l’article L 763-2 du Code du travail, il faut, mais il suffit, que cette rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation, soit « fonction du produit de la vente ou de l’exploitation dudit enregistrement » ; qu’aucune disposition légale ne prévoit ou n’impose de modalités de versement particulières quant à cette rémunération ; qu’en particulier, aucune exigence d’un quelconque « aléa économique » n’est édictée par les textes, en sorte que rien ne s’oppose à ce que cette rémunération soit fixée de manière forfaitaire ; qu’en décidant cependant en l’espèce que « l’aléa économique a pour corollaire une perception différée desdites rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire » de celles-ci, la Cour d’appel a ajouté au texte une condition qu’il ne comporte pas et en a par là même violé les dispositions ;

ALORS QUE, D’AUTRE PART la société CHANEL faisait expressément valoir dans ses écritures que la rémunération versée à Madame Carole X... dans le cadre de la cession de son droit à l’image ne pouvait être fixée proportionnellement au « produit de la vente » ou au « produit de l’exploitation de l’enregistrement » puisqu’aucun enregistrement ni produit comportant l’effigie de Madame X... n’avait été mis en vente par la société CHANEL et qu’il était impossible de quantifier économiquement l’influence des apparitions de Madame X... dans les médias sur les résultats financiers de cette société, en sorte que le « produit de l’exploitation » de l’enregistrement de l’image de Madame X... ? qui n’était pas chiffrable - ne pouvait donner lieu qu’à une rémunération forfaitaire ; qu’en se bornant à énoncer que « les rémunérations susceptibles d’être exclues de l’assiette des cotisations (?) sont aléatoires dans leur montant » et que « l’exigence de cet aléa économique comme une des conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations a pour corollaire une perception différée desdites rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire » sans rechercher si, comme le soutenait expressément l’exposante, un système de rémunération proportionnelle et a posteriori à l’occasion de la cession du droit à l’image du mannequin n’était pas manifestement impossible en raison du fait que cette image n’était attachée à aucun produit spécifique et que sa diffusion était abandonnée au bon vouloir des journalistes, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 763-2 du Code du travail ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART ET AU SURPLUS la convention nationale collective des agences de mannequins a été conclue le 22 juin 2004, étendue par arrêté du 13 avril 2005 et modifiée par un avenant du 22 juin 2005 ayant porté modification de certains seulement des articles de cette convention collective ; que l’article 16 de ladite convention collective qui autorise le principe d’une rémunération forfaitaire en matière de rémunération du droit à l’image a été adopté dès la rédaction originaire de ce texte et n’a fait l’objet d’aucune modification postérieure, ni par l’avenant du 22 juin 2005 ni par aucun autre acte ; qu’en refusant en l’espèce, pour interpréter les dispositions de l’article L 763-2 du Code du travail, de prendre en compte les dispositions de l’article 16 de la convention collective au motif qu’elles auraient été issues « d’un avenant du 23 (lire 22) juin 2005 » et que le contrôle litigieux ayant été clôturé le 29 septembre 2004, elles ne pouvaient s’appliquer rétroactivement, la Cour d’appel a dénaturé lesdites dispositions de la convention collective nationale des agences de mannequins en violation de l’article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE DE QUATRIEME PART ET AU SURPLUS l’article 16-2 de la convention collective nationale des mannequins ouvre la possibilité d’une rémunération forfaitaire du droit à l’image des mannequins lorsque « l’utilisateur ne peut déterminer exactement à l’avance les quantités définitives » ; que cette hypothèse permet donc une fixation forfaitaire du montant des droits d’utilisation de la présentation du mannequin dans le cas précis où la détermination à l’avance du produit de l’enregistrement n’est pas chiffrable ; qu’en énonçant que ce texte impliquerait « à l’évidence, ainsi que le soutient l’URSSAF, que le forfait doit être entendu comme une avance sur les sommes dues », et en retenant l’impossibilité d’une rémunération forfaitaire du droit à l’image, la Cour d’appel a derechef dénaturé l’article 16-2 de la convention collective nationale ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « les parties font grand cas du contrat du 10 septembre 1986 renouvelé régulièrement jusqu’à ce que soit signé celui du 23 juillet 1998, en vigueur lors de la période contrôlée ; qu’elles soutiennent que celui-ci a été strictement calqué sur le premier ; que cette observation est exacte, non quant aux termes employés mais quant à l’esprit ; que la clause du premier contrat, apparentée à celle litigieuse du second, comporte les termes essentiels suivants : « 5 ? Madame Carole X... cède à CHANEL à titre exclusif pour le monde entier et pour la durée des présentes et ce pour une exploitation commerciale ou non, gratuite ou non, publicitaire ou promotionnelle, les droits de reproduction de la personnalité ?les droits de représentation, divulgation ou diffusion de la personnalité ? » ; 9 ? En contrepartie de l’exploitation exclusive du matériel par CHANEL, dans le monde entier, telle que prévue au présent contrat, de la cession des droits telle que prévue à l’article 5 ci-dessus et de celle de tous les droits découlant de tous les services prévus au présent contrat ?.il sera versé à Madame Carole X..., à l’adresse qu’elle communiquera pas écrit à CHANEL une rémunération annuelle forfaitaire calculée comme suit ?il est précisé que les montants prévus ci dessus ?. seront révisés en fonction des variations de la valeur du point de référence des coefficients salariaux de la Parfumerie diffusé chaque année après les négociations salariales par l’Union des Industries Chimiques ; qu’ainsi les termes de ce contrat impliquent clairement que la rémunération concernée était, d’un commun accord, considérée comme un salaire, non comme une créance de participation ; qu’il est vrai que les contrôles de l’URSSAF n’ont pas conduit à des redressements à cet égard que les juristes de deux parties, tout en « calquant » le second contrat du 23 juillet 1998, sur le premier du 10 septembre 1986 ont été prudents dans la rédaction de la clause, sur la cession des droits de reproduction de la « personnalité » . Il s’agit à l’article 4 de la cession «  ?des droits d’utilisation, de son nom, son image, sa ressemblance, ses interviews et reportages et des autres résultats de ses prestation (ci-après collectivement « l’image ») ; en « contrepartie du droit d’exploiter l’image dans le monde entier et de la cession des droits prévue à l’article 4 du contrat, il sera versé à Madame Carole X...?un montant annuel forfaitaire hors taxe ?.Le montant prévu ?sera versé à Madame Carole X... sur présentation de facture (sic) faisant ressortir la TVA pour chacun des versements prévus » ; que néanmoins en ses écritures, la SAS CHANEL affirme « ce second contrat a été strictement calqué sur le premier tant dans son principe de fonctionnement que dans la détermination de ses modalités de rémunération avec un nombre déterminé de journées travaillées dans l’année, moyennant salaires et la cession par le mannequin du droit d’exploiter son image, moyennant le versement d’une rémunération forfaitaire ; que donc il doit en être déduit que cette rémunération, précisément forfaitaire, n’a pas perdu la qualification salariale que lui donnait l’indexation prévue au contrat précédent et n’a pas acquis la nature de créance de participation (?) » ;

ALORS QUE DE CINQUIEME PART ET AU SURPLUS pour retenir la qualification de « salaires » s’agissant des rémunérations versées à Madame X... dans le cadre de la cession de son droit à l’image, les premiers juges avaient relevé que le premier contrat signé entre les parties en 1986 comportait une clause d’indexation prévoyant que les montants versés « seront révisés en fonction des variations de la valeur du point de référence des coefficients salariaux de la parfumerie (?) » en sorte que ces stipulations auraient « clairement impliqué que la rémunération concernée était d’un commun accord considérée comme un salaire » ; que l’exposante faisait valoir à juste titre que le second contrat du 23 juillet 1998, seul en cause en l’espèce, ne prévoyait quant à lui aucune clause similaire en matière de révision ; qu’en décidant néanmoins pour retenir également la qualification de « salaires » que « le second contrat a été strictement calqué sur le premier tant dans son principe de fonctionnement que dans la détermination de ses modalités de rémunérations, peu important que le second contrat ne fasse plus état d’une clause d’indexation », la Cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l’article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE DE SIXIEME PART ET AU SURPLUS le fait que les parties aient librement choisi de se référer dans un contrat à la variation des coefficients salariaux ne caractérise en rien une prétendue « volonté »
de considérer ladite rémunération de l’exploitation des droits à l’image cédés comme un salaire ; qu’en décidant cependant en l’espèce que la référence à des coefficients salariaux dans une clause d’indexation aurait « clairement impliqué que la rémunération concernée était d’un commun accord considérée comme un salaire », la Cour d’appel a derechef dénaturé les termes clairs et précis du contrat du 23 juillet 1998, violant une fois de plus l’article 1134 du Code civil.

Textes cités :

article L. 763-1 (devenu L. 7123-1) du code du travail ; article L. 763-2 (devenu L. 7123-6) du code du travail

Demandeur : Société Chanel
Défendeur : directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Paris ; union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Paris
Composition de la juridiction : M.Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), M. Héderer, M. Maynial (premier avocat général), SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles 20 mai 2008 (Rejet)