encadrement - instructions oui

, par Hervé

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 25 avril 1989

N° de pourvoi : 88-84222

Publié au bulletin

Rejet

Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction, président

Rapporteur :M. Zambeaux, conseiller apporteur

Avocat général :M. Rabut, avocat général

Avocat :M. Gauzès, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par X... Patrick, la société Générale d’entreprise travaux d’études (GETE), contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris (11e chambre), en date du 11 mars 1988, qui a condamné le premier à 20 000 francs d’amende pour infraction aux articles L. 125-1 et L. 125-3 du Code du travail et a déclaré la seconde civilement responsable .

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1 et L. 125-3, L. 152-2 et L. 152-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

” en ce que la cour d’appel a déclaré X... coupable du délit de marchandage et du délit d’opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre ;

” aux motifs que la société GETE, dont Patrick X... était le gérant responsable, qui se présente comme un bureau d’études techniques, s’avère en réalité appartenir aux industries de mise en oeuvre du bâtiment et relever comme telle de la convention collective régionale du bâtiment de la région parisienne en date du 12 avril 1960 modifiée ; que cette société a, à la période considérée, recruté 68 ouvriers du bâtiment (soudeurs, tuyauteurs, etc.) sous contrats à durée déterminée de 3 à 4 mois, mais bien pour les mettre contre rémunération forfaitaire à la disposition de la société Bouygues et de la société Saudi Arabian Nouhra, entreprises de bâtiment, seules utilisatrices de ce personnel, qui le sélectionnaient ;

” que ces sociétés avaient la charge de la construction d’un hôpital en Arabie Saoudite ; qu’en particulier, aux termes du contrat intervenu entre GETE et lesdites sociétés, les ouvriers étaient sous la direction et l’autorité GETE-Construction ; que chacun des travailleurs ainsi prêté avait pour obligation, aux termes de l’article 3 de son contrat de travail, de se conformer aux instructions émanant des responsables de cette société (Bouygues ou SAN) sur le site du travail ; que, selon l’article 6 du contrat, la société Bouygues (ou SAN), mais non la GETE, devait payer à l’agent des heures supplémentaires (au-delà de 60 heures hebdomadaires), le travail de nuit, etc. (ainsi que l’indemnité de subsistance) ; qu’à l’article 7, les responsables des travaux de la société utilisatrice étaient habilités à décider le licenciement des agents de la société GETE-Construction (en cas de faute grave ou d’incompétence...) ; qu’il est ainsi démontré que les salariés mis par le prévenu à la disposition de l’une des deux ou des deux entreprises utilisatrices, relevaient de la seule subordination juridique et technique de ces dernières, véritables employeurs de ces salariés ; que la société GETE était rémunérée par les sociétés utilisatrices en fonction, non de travaux effectués par elle, mais des heures de travail accomplies par les salariés mis à la disposition ;

” que, dès lors, il y a bien eu opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre et non effectuée dans le cadre des dispositions du livre Ier, titre II, chapitre IV, du Code du travail relatives au travail temporaire, délit prévu par l’article L. 125-3 de ce Code ;

” qu’il est établi, en outre, par les constatations de l’inspecteur du Travail, dont le prévenu ne fait nullement la preuve contraire, que cette opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre a eu pour effet de causer un préjudice aux salariés concernés ; qu’en effet, d’une part, 16 ouvriers hautement qualifiés recrutés par GETE et prêtés ont reçu un salaire inférieur au minimum professionnel de la convention collective du bâtiment - applicable - minimum fixé au 1er janvier 1984, pour 260 heures à 9 895,21 francs ; que, d’autre part, l’employeur n’a pas versé au 68 salariés prêtés aux deux sociétés l’indemnité de précarité d’emploi prévue par les articles L. 124-4-4 et D. 124-1 du Code du travail ; qu’enfin, malgré le forfait horaire établi sur la base de 260 heures de travail effectif par mois, ces 68 salariés n’ont pas bénéficié des droits au repos compensateur prévus par l’article L. 212-5-1 du Code du travail ; que, dès lors, le délit de marchandage défini par l’article L. 125-1 et puni par l’article L. 152-3 du Code du travail est, lui aussi, constitué ;

” alors que la Cour, qui constatait que, durant la totalité de leur contrat de travail, les salariés travaillaient à l’étranger au bénéfice de l’une ou l’autre des deux entreprises, la société Bouygues, ou la société Saudi Arabian Nouhra, qu’ils relevaient de la seule subordination juridique et technique de ces entreprises, véritables employeurs de ces salariés, devait rechercher par l’analyse des éléments de la cause la véritable nature de la convention intervenue entre les parties, et notamment, si la rémunération perçue par la société GETE ne constituait pas la contrepartie de la prestation consistant dans l’aide au recrutement de salariés qualifiés, correspondant aux besoins des entreprises qui, ainsi que le détermine la Cour, étaient leurs véritables employeurs “ ;

Attendu que, quelle que soit l’interprétation juridique que X... prétend donner pour la première fois devant la Cour de Cassation de la convention intervenue entre GETE et les entreprises utilisatrices de la main-d’oeuvre procurée par ses soins, les énonciations de l’arrêt attaqué, exactement rapportées au moyen, caractérisent les infractions aux articles L. 125-1 et L. 125-3 du Code du travail sanctionnées par les articles L. 152-3 et L. 152-2 du même Code dont le demandeur a été déclaré coupable ; qu’ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin criminel 1989 N° 169 p. 435

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 11 mars 1988

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif - Contrat d’entreprise - Distinction - Analyse des critères par les juges du fond Justifie sa décision la cour d’appel qui déclare caractérisée l’infraction aux articles L. 125-1 et L. 125-3 du Code du travail à la charge du dirigeant d’une entreprise appartenant aux industries de mise en oeuvre du bâtiment qui recrutait du personnel et le mettait à la disposition d’autres entreprises travaillant à l’étranger, dès lors qu’il est établi que ce personnel relevait de la seule subordination juridique et technique des entreprises utilisatrices, lesquelles versaient à la société fournissant la main-d’oeuvre une rémunération calculée non en fonction de travaux effectués par une entreprise mais du travail accompli par les salariés mis à leur disposition . Le prévenu ne saurait, pour la première fois, prétendre devant la Cour de Cassation que la rémunération versée constituait la contrepartie de la prestation consistant en l’aide au recrutement de personnel qualifié (1).

TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif - Qualification du contrat - Pouvoirs des juges

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1985-06-25 , Bulletin criminel 1985, n° 250, p. 655 (rejet), et les arrêts cités

Textes appliqués :
Code du travail L125-1, L125-3